Illustration : le supplice de Brunehaut, Jean Froissart, Grandes Chroniques de France, manuscrit du XVème siècle.
Intro :
Double compréhension possible du sujet : les épouses des rois mérovingiens (= thème principal) et les princesses mérovingiennes mariées à des rois étrangers (= thème annexe, surtout source d’exemples complémentaires). Pose plusieurs problèmes de définition par rapport à :
- l’identification même de la reine dans une société ou unions multiples et concubinages restent des réalités fréquentes, surtout chez les rois ;
- la place d’une femme dans une société très patriarcale (cf. loi salique) où la femme est une éternelle mineure qui passe du pouvoir de son père à celui de son époux ;
- le devenir des reines une fois libérées de l’autorité de leur mari (veuvage et répudiation)
=> permet d’établir trois catégories selon le rapport des reines à leurs obligations d’épouse du roi et de femmes : les discrètes, les saintes et les femmes de pouvoir, une même femme pouvant passer d’une catégorie à l’autre au cours de sa vie.
Pbic : Pourquoi, dans une société où les femmes sont théoriquement privées de tout pouvoir certaines reines mérovingiennes parviennent-elles à occuper une position de pouvoir et quelle image en ont donné les historiens de l’époque qui sont tous des hommes ?
I- le statut de la reine :
1- La femme du roi :
- position et rôle au Palais / place particulière de la reine dans la dynastie carolingienne du fait de légende des origines (filiation divine par l’intermédiaire d’une femme, cf. Liber Historiae Francorum)
- ascension sociale (Radegonde = captive, Bathilde = esclave)
- alliances étrangères
2- Le problème de la polygynie royale et les implications politiques du mariage :
Exemples : les 7 épouses de Clotaire Ier et les deux mariages de Dagobert, qui correspondent à son passage d’Austrasie en Neustrie.
ð problème de l’absence de règles matrimoniales strictes (deux mariages + concubinages)
ð difficulté à savoir quelles femmes du roi sont ou ne sont pas reines (cf. Radegonde et Arégonde) : début de clarification en cours de période (distinction épouses / concubines) dans un intérêt dynastiques (qui a droit à l’héritage paternel et qui n’y a pas droit)
Renchaînements d’alliance avec l’étranger (wisigoths, lombards) ou au sein de la famille (mariage Chilpéric II _ Bilichilde = tentative de rétablir l’union du royaume et de restaurer la puissance mérovingienne en mettant fin à la dispersion du patrimoine royal)
3- La reine sans le roi : répudiées et veuves :
Ex. : La répudiation de Nanthilde
Clothilde, arbitre de la famille mérovingienne
Vecteurs de légitimité : Waldrade, épouse de Theodebald, est épousée, une fois veuve, par Clotaire Ier quand il s’empare du royaume de son neveu. Elle lui apporte en outre l’alliance lombarde.
Brunehaut et Bathilde : les régentes
II- De saintes reines données en exemple :
1- La reine, vecteur de conversion : Clotilde et Berthe.
2- La reine fondatrice d’abbaye :
- un moyen d’échapper à l’emprise masculine : Radegonde ;
- une voie de garage pour les douairières encombrantes : Bathilde.
=> une forme de pouvoir proprement féminin qui se construit en marge des institutions masculines (la sainteté féminine n’est pas une sainteté efficace) mais rejailli sur l’ensemble de la dynastie, dont ces reines font une « sainte lignée ».
3- Un exemplarité étendue au reste de la société :
Reine veuve = gardienne de la mémoire familiale qu’elle entretient (rôle d’arbitrage : Clothilde) ou qu’elle protège par ses prières (abbesses et nones).
Promotion et préservation de la memoria familiale par les femmes + fondation de monastères familiaux confiés aux veuves mais qui constituent des points d’appui familiaux = repris par les grandes familles aristocratiques (ex. Burgundofara et les Faronides de Meaux, Gertrude de Nivelles et les Pippinides).
III- Le contre modèle : la reine qui exerce le pouvoir :
1- Frédégonde, ou l’ambitieuse :
2- Brunehaut, ou l’hybris :
=> pas de pouvoir proprement féminin, les femmes utilisent les mêmes réseaux et moyens que les hommes, y compris la violence, ce qui explique que leur attitude choque car elle apparaît contraire à la féminité.
3- Un jugement d’hommes sur l’attitude des femmes :
Femmes qui se mêlent du pouvoir masculin = mal perçues, stigmatisées comme des femmes qui se comportent comme des hommes (Brunehaut, // à l’étranger avec Théodelinde chez les Lombards) ou qui abusent de leur charme pour corrompre les hommes (thème classique de la mauvaise conseillère utilisant le vice pour parvenir à ses fins : stéréotype antique de Messaline plaquée sur Frédégonde comme sur ????, femme d’Herménigilde ou la lombarde Rosamonde).
A cette stigmatisation s’ajoute souvent l’accusation sur les origines : Frédégonde ou Bathilde sont des esclaves, Brunehaut est une wisigothe soupçonnée d’avoir importé le morbus gothicus dans le Royaume des Francs, comme la femme d’Herménigilde, franque, est soupçonnée de manipuler son époux pour affaiblir le royaume wisigothique.
=> problème fondamental des mariages diplomatiques qui font de la reine une étrangère à la cour de son mari, sans cesse à la merci d’un possible retournement d’alliance (cf. Beowulf, Galswinthe).
Conclusion :
De par son statut et ses fonctions à la cour, la reine est avant tout une auxiliaire du pouvoir royal, qui lui permet de s’appuyer sur certains puissants lignages, intercède pour les leudes ou participe à la gestion quotidienne du palais. Néanmoins, une fois veuve, la reine peut occuper, en tant qu’abbesse ou en tant que régente de ses fils mineurs, une position éminente qui lui permet de construire un pouvoir spécifique, admis par les hommes quand il se limite au domaine de la religion et du souvenir familial, mais unanimement condamné quand il imite trop les formes du pouvoir masculin. En outre, représentante isolée à la cour d’un groupe familial ou d’une famille royale étrangère, quand elle n’est pas une servante promue par le mariage, la reine reste sans cesse menacée par les cabales et retournement d’alliances.
Reines mérovingiennes : 3 catégories : les discrètes, les saintes et les femmes de pouvoir + femmes de rois étrangers.
Basine, fille du roi des Thuringien, épouse de Chilpéric Ier = discrète
N, fille ou sœur de Sigebert de Cologne = discrète
Clothilde, fille de Gondebaud, roi des Burgondes, veuve consacrée à Tours = sainte
Audoflède, sœur de Clovis, épouse Théodoric Ier, roi des Ostrogoths = femme de roi étranger
Suavégothe, fille de Sigismond, roi des Burgondes, épouse Thierry Ier = discrète.
Guntheuca, femme de Clodomir Ier = discrète
Ultrogothe, princesse gothique, épouse de Childebert Ier = discrète
Clotilde, fille de Clovis, épouse Amalaric, roi des Wisigoths = discrète
Déoteria puis Wisigarde, épouses de Théodebert Ier = discrète
Walrade, fille du roi des Lombards Waccho, épouse Theodebald puis 7ème femme de Clotaire Ier = discrète+victime.
Théodechilde, fille de Thierry Ier, épouse le roi des Warnes = femme de roi étranger.
Ingonde, fille d’un aristocrate rhénan, 1ère épouse Clotaire Ier = discrète
Radegonde, fille du roi des Thuringiens ramenée captive après la défaite de son père, 2ème épouse de Clotaire Ier = sainte.
Arégonde, sœur d’Ingonde et 3ème épouse de Clotaire Ier = discrète.
3 N : 4ème, 5ème et 6ème épouse de Clotaire Ier = discrète
Berthe, fille de Caribert Ier, épouse Æthelbert de Kent = femme de roi étranger + sainte.
Chlodoswinthe, fille de Clotaire Ier, épouse Alboin, roi des Lombards = femme de roi étranger + renchaînement d’alliance
Brunehaut, fille d’Amalaric, roi des Wisigoths, épouse Sigebert Ier , régente de Childebert II, Thierry II puis Sigebert II, puis épouse de Mérovée = femme de pouvoir + renchaînement d’alliance
Audovère, fille d’un aristocrate neustrien, première épouse de Childéric Ier = discrète
Galswinthe, fille d’Amalaric, roi des Wisigoths, deuxième épouse de Childéric = discrète + victime + renchaînement d’alliance
Frédégonde, servante ( ?), 3ème épouse de Childéric = femme de pouvoir
Ingonde, fille de Sigebert Ier, épouse Herménigilde, fils du roi des Wisigoths = femme de roi étranger + femme de pouvoir
Nanthilde, fille d’un aristocrate austrasien (Pépin de Landen ?), 1ère épouse de Dagobert = discrète + victime
Wulfégonde, fille d’un aristocrate neustrien, 2ème épouse de Dagobert = discrète
Bathilde, esclave anglo-saxonne, épouse Clovis II = femme de pouvoir puis sainte
Bilichilde, fille de Sigebert III, épouse Chilpéric II = discrète + renchaînement d’alliance