Illsutration : portrait de Charles II le Chauve, Bible de Metz, dites "Bible du couronnement", c. 869.
Intro :
Le règne de Charles le Chauve peut être résumé par deux grands textes qui l’ouvre et le close : les capitulaires de Coulaines et de Quierzy qui institue une relation nouvelle entre le roi et les grands du royaume.
2 capitulaires placés sous l’autorité de Charles le Chauve et de ses fidèles :
1- résultat des délibérations de l’assemblée du peuple réunie à Coulaines = premier plaid général tenu dans le royaume de Charles le Chauve, qui met fin à une campagne contre les Bretons, dont la révolté a occupé Charles depuis la conclusion du traité de Verdun. Ce pacte qui organise les rapports entre le roi et les grands laïques et ecclésiastiques de Francie Occidentale = organisation du royaume qu’annonce mes AB après conclusion de Verdun. Date connue grâce aux AB qui signale tenue d’un plaid à Coulaines en novembre 843. Document débute par un très long préambule qui expose les raisons qui ont imposé sa rédaction => insertion dans la problématique générale de l’idéal carolingien de remise en ordre et de préservation de la paix. + exposé qui met en valeur délibération commune + dispositif précédé par rappel de la communauté de décision divisé en 4 § , abordant successivement le statut des clercs, du roi, des grands laïcs et le meintien des prérogatives de l’état.
2- résultat des délibérations du colloque de Reims durant lequel Charles le Chauve rencontre les plus grands aristocrates laïques et ecclésiastiques du royaume pour organiser la régence du royaume durant on expédition en l’Italie où il va porter secours au pape contre les musulmans => organisation provisoire du royaume durant son absence, que sa mort en Italie, en août, va inscrire dans la durée. Confirmé pour la forme par l’assemblée du plaid de Quierzy => fidèles cités dans l’acte = seulmt les + importants. Protocole très bref qui indique la date précise de l’acte, le place sous l’autorité de Charles et précise l’aspect collectif de l’acte (consentement des fidèles, réponse à leurs interrogations). Dispositif divisé en § (capitulaire) qui indiquent les propositions de l’assemblée des grands et les réponses du roi jusqu’à la clause 9. La clause 10 et les suivantes, qui organisent la régence du royaume abandonnent la forme dialoguée : l’empereur propose et dispose selon ce qu’ont proposé les fidèles, mais de sa pleine autorité. Là encore, idéal de mise en ordre et de maintien de la paix durant l’absence du roi.
2 actes qui, à chaque extrémité du règne de Charles le Chauve, montrent comment le roi, placé dans une situation délicate, doit faire appel aux grands pour valider ses décisions et assurer ma gestion de son royaume.
Pbic : Evolution du système carolingien vers la féodalité du fait de l’importance des structures de vassalité qui lient les grands au roi et dont celui-ci doit de plus en plus tenir compte dans l’organisation du gouvernement de son royaume.
Plan : I- Le souverain : entre héritage carolingien et affaiblissement.
A- Un roi garant de la justice et de la paix.
Charles réaffirme toutes les fonctions traditionnelles du souverain franc : garant d’une justice égale pour tout qui permet de maintenir la paix, protecteur de l’église sur laquelle il veille (défense de ses biens, de son unité => affaire des clercs d’Ebbon soutenus par Lothaire : clercs ordonnés par Ebbon de Reims, archevêque déposé pour avoir participé à la révolte contre Louis le Pieux. Lothaire le réinstalla brièvement sur le trône de Reims entre 840 et 842, mais son successeur Hincmar, proche conseiller De Charles, refusa de reconnaître la validité des ordinations presbytérales et diaconales opérées durant cette période, engageant Charles dans un long bras de fer diplomatique avec le pape et avec Lothaire Ier) et au secours de laquelle il se porte.
B- Un pouvoir de plus en plus contractuel.
LOT et HALPHEN avaient vu dans Coulaines une preuve que la « monarchie était descendue de son trône », E. MAGNOU-NORTIER ou R. LE JAN préfèrent parler d’une nouvelle forme de « monarchie contractuelle » qui donne une base constitutionnelle à l’exercice du pouvoir royal. Cette contractualisation est renforcée par l’introduction de la promesse du sacre lors du sacre lotharingien de 869 à Metz.
C- La difficulté à penser l’état.
Pour enrayer les périls de la division entre les grands, Charles souligne le devoir de service du roi, et donc du bien public (res publica) , qui unit tous les potentes dans une situation de dépendance du pouvoir souverain. Mais en même temps, il doit garantir aux grands la libre jouissance, puis la transmission héréditaire des honores. Enfin, ces textes s’inscrivent toujours dans un espace carolingien européen : Coulaines est une réplique aux tentatives de Lothaire de dévoyer les grands, et Charles en expédie une copie à Louis le Germanique ; Quierzy s’inscrit dans le rêve de rénover l’empire unitaire, mais aussi comme une réplique à la tentation de Louis le Bègue de s’allier à ses cousins germaniques contre son père.
II- Des grands de plus en plus puissants.
A- fideles ou proceres ?
Nature ambiguë des personnages à qui s’adresse ces textes = fidèles du roi, mais aussi ceux qui ont reçu de lui une part de son pouvoir pour l’assister (= honneur, charge) => processus lent d’accaparement, mais encore limité par habileté politique de Charles (dont témoignent les textes). Une forte tendance à confondre honneurs et bénéfices, charges publiques et service vassalique. Charlemagne avait utilisé les liens privés pour renforcer le service public, mais la tendance s’inverse sous Charles le Chauve, avec une tentation pour les grands de confondre leurs honneurs avec un bien familial.
B- Des obligations réciproques.
Des relations complexes entre roi et ses fidèles basées sur de multiples obligations d’entraide et de respect mutuel, de fidélité, qu’il faut organiser plus strictement lorsque le roi quitte le royaume pour quelques temps, comme c’est le cas en 877.
Ces obligations sont sanctionnées par la possibilité pour le roi de faire exécuter le vassal infidèle (décollation de Bernard de Septimanie en 844, puis de son fils Guillaume en 876), mais aussi par la possibilité pour le vassal qui se sent lésé par son seigneur de l’abandonner et de se tourner vers un autre maître (ex. Adalard quitte le royaume de Charles pour se rallier à Louis le Germanique en 862, les grands insatisfaits de Charles appellent Louis à leur aide et lui offre le royaume en 858).
C- L’hérédité des charges et la liberté d’élection.
On a surtout retenu de Quierzy le § 9 qui institue les fils aînés des comtes comme héritiers présomptifs non-seulement des biens, mais aussi des charges publiques et revenus attachés (honores et beneficia) de leur père. Longtemps perçue comme cause immédiate de l’effondrement du pouvoir carolingien.
En fait, mesure de circonstance qui devait encourager les jeunes nobles à partir en Italie avec Charles sans crainte d’être spoliés de leur héritage à leur retour, et qui fait passer dans le droit un mode de succession qui existait dans les faits depuis la fin du règne de Chm, mais aussi empêcher Louis le Bègue de disposer des honores à son gré et de se constituer une clientèle contre son père.
En annexe : plus grande liberté d’élection apparente des évêques, mais en fait, échappe au roi pour passer aux mains des comtes.
III- Une société en mouvement fondée sur des relations familiales et interpersonnelles.
A- Liens de parenté et d’amitié qui unissent les rois entre eux, mais aussi les grandes familles de la noblesse. La bataille d’Andernach, en 876, marque ainsi une évolution décisive qui montre l’importance de ces liens réciproques : pour la première fois, on ne cherche plus à se tuer, mais à faire des prisonniers qui sont ensuite rendus contre rançon.
Structures concurrentes qui mettent en danger la cohérence de l’Etat et annoncent les liens féodaux.
B- Affaires de famille :
Ces liens multiformes influent sur les relations entre les rois (confraternité, problèmes d’héritage après la mort de Lothaire Ier en 855, avec la progressive captation de l’héritage de ses fils par Charles), à l’intérieur de la famille royale (révoltes des fils de Charles contre leur père) et entre le roi et les grands, qui lui sont liés familialement (par ses mariages successifs avec Ermentrude, sœur d’Adalard puis Blichilde, sœur de Boson, Charles s’est allié aux plus grandes familles de Francie occidentale et de Lotharingie, par sa mère, il est lié à la puissante famille des Welfs). Il va jouer sur ses liens pour opérer un jeu de bascule d’un parti aristocratique à l’autre, les faisant profiter tour à tour de sa faveur, afin de toujours les maintenir dans une relative égalité sous son pouvoir.
C- Une société d’ordre :
Apparition de l’idée d’une répartition de la société en grands ordres vivant selon leur état et appelé à œuvrer différemment pour le roi et le bien commun.
=> nouveau statut du roi, garant de cet ordre.
Conclusion : Société carolingienne de la deuxième moitié du IX° siècle, marquée par la disparition de l’Empire, est surtout marquée par la disparition de l’idée d’état qui avait accompagné sa définition sous Louis le Pieux : à l’idéal de bien commun exposé dans le pacte de Coulaines succède les dispositions visant à préserver les avantages particuliers du capitulaire de Quierzy. Malgré la formulation plus autoritaire du second, il témoigne d’une régression du pouvoir royal que Charles le Chauve avait encore réussi à ralentir grâce à un habile jeu politique entre les différentes factions aristocratiques, mais que ces héritiers ne peuvent plus freiner. Fort des concessions de Quierzy, les grands vont, en quelques années, ruiner les bases de l’Etat et imposer leur volonté, adaptant les structures du pouvoir aux nouvelles conditions d’une société plus cloisonnées.