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année universitaire 2006-2007

VIP-Blog de dreillard
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  • Créé le : 04/10/2006 02:29
    Modifié : 24/06/2007 14:30

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    Ansoud de Maule, un chevalier modèle

    08/02/2007 03:31



    Introduction :

    Nature de la source, auteur et date de rédaction :

     

     

    Ce texte est un extrait d’une œuvre appelée Histoire Ecclésiastique, mais dont le style de rédaction est plutôt celui d’une chronique, de par sa construction et l’intérêt manifesté pour des événements essentiellement locaux : Orderic Vital s’intéresse surtout à la Normandie, et plus précisément à la région du monastère de Saint-Evroul (Eure) où il était moine. L’œuvre a été composée entre 1118 et 1129, sans doute à Saint-Evroul, où Orderic Vital, a passé la majeure partie de son existence. Son père, un clerc qui avait reçu une paroisse anglaise après la conquête normande, avait confié Ordéric aux moines bénédictins de Saint-Evroul à l’âge de dix ans, en 1085. Cela est sans doute aussi lié à l’application de la réforme grégorienne qui condamne le mariage des prêtres et les oblige à renoncer à leurs épouse et enfants, qui sont confiés à des religieux. Orderic prit le nom de Vital quand il prononça ses vœux, vers 1090. Gravissant les échelons des ordres ecclésiastiques, il devint prêtre en 1108. Il eut également la responsabilité du scriptorium de Saint-Evroul, ce qui explique qu’il était un excellent copiste : son histoire est surtout une reprise d’œuvres antérieures qu’il complète pour son époque. L’Histoire ecclésiastique offre donc un témoignage original pour la période entre 1080 et 1140. Les événements rapportés sont datables des années 1080 (expéditions italiennes de Robert Guiscard) au début des années 1120 (mort d’Ansoul). Une seule date est donnée : celle de la donation faite par Ansoul à Saint-Evroul en 1106. Or, on sait qu’Ordéric résidait alors au prieuré Sainte-Marie de Maule, il fut donc un témoin direct de la scène et connut personnellement Ansoul, qui était de la même génération que lui.

    Contexte :

     

     

    Le XIème siècle est marqué par la grande faiblesse des rois capétiens, et de tous les pouvoirs centraux en général. Le véritable pouvoir appartient à des seigneurs locaux, qui souvent n’hésitent pas à usurper les biens de l’Eglise. Dans ce contexte, l’Église promeut, à partir des années 990,  le mouvement de la « paix de Dieu », qui gagne le nord de la Loire après 1050. Pour protéger les pauvres et les désarmés, donc les clercs, de la violence des chevaliers et des seigneurs, ceux qui ne suivent pas les injonctions religieuses sont menacés d’excommunication (= exclusion de la société chrétienne). Le but est de christianiser la chevalerie en interdisant les combats entre chrétiens et en réglementant la guerre pour réduire ses nuisances. Une nouvelle morale conjugale est également proposée aux seigneurs qui abusent des mariages et répudiations comme moyens d’agrandir leurs domaines. Dès les années 1060, les jeunes chevaliers sont encouragés à quitter l’Occident pour aller combattre les musulmans en Espagne ou les Byzantins en Italie du Sud. Ce mouvement est formalisé par le pape Urbain II, qui lance au concile de Clermont (1095) la première Croisade. Ainsi début XIIème siècle, chevalerie et religion chrétienne semblent réconciliées. La foi chrétienne devient un élément fondamental des codes chevaleresques, et les chevaliers s’intitulent miles Christi (soldats du Christ), titre jusque là pris par les moines.

     

     

    Analyse :

     

     

    Le texte rapporte de façon très normée, en suivant les âges de la vie (jeunesse vouée à la guerre – âge mûr consacré à la bonne administration de sa seigneurie et à la vie de famille– vieillesse marquée par la conversion et le choix d’une vie religieuse) la vie d’un chevalier que l’auteur qualifie lui-même de « héros » et dont il fait un prototype du « bon chevalier », à la fois courageux au combat, bon seigneur, et bon chrétien respectueux des droits de l’Église.

     

     

    Problématique :

     

     

    Le texte témoigne du destin d’un guerrier et seigneur du tournant des XIème et XIIème siècle, et met particulièrement en valeur la tension qui existait chez les chevaliers entre leurs obligations sociales d’hommes de guerre et de nobles dont le métier était de tuer et de dominer, et les injonctions chrétiennes  qui les menaçaient des pires punitions éternelles s’ils persistaient dans ce mode de vie.

     

     

    Plan :

     

     

    Afin de décrypter l’univers chevaleresque et seigneurial, nous verrons comment le métier des armes et l’exercice des droits publics définissent une classe héréditaire fondée sur certaines règles familiales ce qui entraînait une attitude particulière à l’égard de la religion et de la mort..

     

     

     

    I- Le chevalier et le seigneur :

     

     

     

     

     

    Un aspect essentiel du personnage d’Ansoul est qu’il n’est pas que chevalier : fils de seigneur, il est appelé à succéder à son père comme maître de la seigneurie familiale. Sa vie voie donc se succéder deux grandes périodes : la jeunesse, qui comme souvent à l’époque, se prolonge tardivement jusqu’au décès de son père = période où le chevalier n’a pas encore de seigneurie et peut aller à son gré à la guerre ou au tournoi ; puis l’âge mûr, durant lequel Ansoul, qui a hérité de son père, est seigneur et ne quitte plus sa seigneurie. Il cesse alors d’être physiquement chevalier, mais reste symboliquement membre de cet ordre, ce que symbolise la transmission de cet honneur à son fils par l’adoubement.

     

     

     

     

     

    A- La vie de chevalier :

     

     

     

     

     

    - Vital parle d’abord de l’époque où Ansoud exerce véritablement son métier de chevalier, c’est-à-dire de combattant à cheval. Il n’évoque pas sa période de formation et d’apprentissage des armes, mis en scène lors d’une cérémonie (non mentionnée dans le texte) qui le fait chevalier : l’adoubement. Au cours de la célébration, le futur chevalier reçoit ses armes et la colée, une tape sur l’épaule de son parrain (en général son oncle ou le suzerain de son père). => en fait, cette cérémonie ne se formalise qu’au XIIème siècle, il est donc probable qu’Ansoud n’a pas été adoubé.

     Il ne commence son récit qu’à l’époque où, adolescent, il part combattre. Il ne s’attarde d’ailleurs guère sur la période de la vie d’Ansoud. Par sa violence, elle aurait desservi le projet global de son récit.

    Pourtant c’est la durée la plus longue de l’existence du chevalier, puisque Ansoud a près de 46 ans (ce que l’on peut calculer grâce aux différentes durées citées par l’auteur) lorsqu’il retourne à Maule pour se marier. De plus, il présente cette expérience comme un choix personnel d’Ansoud, ce qui est plus que douteux : la vie de iunior, de jeune chevalier au service du suzerain de son père, qui précède le mariage et l’établissement dans la seigneurie, est un passage obligé pour tout fils de seigneur, qui remplit ainsi les obligations de vassal que son père, occupé à la gestion du domaine et trop âgé, ne peut plus accomplir. Ce « service » effectué pour le suzerain est confirmé par le fait qu’Ansoud participe aux campagnes de Robert Guiscard, frère du duc, en Italie, où il se conquiert un royaume aux dépends des Byzantins d’Alexis II Comnène et des musulmans de Sicile, ce qui fut l’occasion pour beaucoup de cadets sans héritages de se conquérir une seigneurie en Italie. Ce n’est pas le cas d’Ansoud, héritier de son père et qui regagne la Normandie, après avoir acquis gloire et, sans doute aussi, richesse. Le choix de cet épisode, plutôt que la probable participation d’Ansoud aux guerres féodales entre seigneurs normands ou aux batailles que le duc de Normandie livra au roi de France et au duc de  Bretagne, s’explique par le schisme de 1054, qui rendait les orthodoxes byzantins suspects d’hérésie. Il était donc moins grave de se battre contre eux que contre des « vrais » chrétiens.

    Cet épisode a également une valeur initiatique, par les contrées lointaines visitées et les grands personnages côtoyés. Cela élargissait son horizon, lui permettait de se prévaloir de liens personnels avec la dynastie ducale. Cela permet aussi à  Ordéric Vital de détourner l’attention des combats livrés par son héros et d’insister sur la quête de sagesse que représente le passé aventurier d’Ansoud.

    - Ordéric Vital a choisi de dresser le portrait d’un « héros » l.56,  et en tant que tel Ansoud de Maule incarne dans le texte l’excellence et la perfection, parce qu’il possède toute une série de qualités qui sont par excellence celles du chevalier. En premier lieu à cause de son sang et de son rang de noble : l.2 et courage, l.3 la puissance physique et la « loyauté », l.24 l’ « honneur ». A cela s’ajoutent ses mérites personnels.  De fait, on apprend l.4 qu’il est « éloquent », et comparable l.5 aux « philosophes » (ce qui est clairement une exagération littéraire, peut-être Orderic veut-il dire par là qu’Ansoud avait appris à lire, ce qui était extrêmement rare chez les laïcs du XIème siècle). Sans oublier le trait de sa personnalité le plus mis en valeur par le chroniqueur ; Ansoud est très pieux, à tel point que sa vie ressemble à celle d’un moine,  que sa pensée correspond à celle l.28 « d’un docteur de l’Eglise », c'est-à-dire un théologien dont les œuvres sont données en exemple par l’Église, et qu’il est pris en exemple l.23-24 par des « réguliers », c'est-à-dire des moines suivant des règles de leur ordre. Là encore, Orderic est dans l’hyperbole et veut montrer qu’Ansoud a une connaissance des choses de la religion, là encore une qualité rare chez des laïcs dont l’éducation religieuse s’arrêtait souvent à apprendre par cœur le pater noster et le credo. Ces rudiments de culture s’expliquent sans doute par son long séjour en Italie, pays où la culture s’était mieux conservée dans les milieux laïcs.

    Ansoud est en outre présenté comme l’antithèse des seigneurs pillards que condamne l’Eglise, comme le précise encore une fois l’auteur aux l. 29-30 : « il s’abstenait totalement de commettre des rapines ».  Tout ce passage vise à montrer qu’Ansoud se conforme aux prescriptions de la Paix de Dieu.

    Ces qualités qui firent de lui un bon chevalier avaient donc tout pour faire ensuite de lui un bon seigneur.

     

     

     

    B- La vie de seigneur :

     

     

    Déjà peu loquace sur la vie de chevaliers d’Ansoud, Orderic l’est encore moins sur sa vie de seigneur, se concentrant presque exclusivement sur ses relations avec l’Eglise durant ces 18 années où il administra « le domaine légitime de ses ancêtres », c'est-à-dire la seigneurie familiale. Néanmoins, ce silence apparent peut être compensé par divers éléments qui montrent qu’avant son départ comme après son retour, Ansoud avait été reconnu par ses pairs nobles et qu’il s’insérait dans un réseau de relations féodo-vassaliques.

    Par ses qualités même, Ansoud est un seigneur, en premier lieu à cause de son sang et de son rang de noble : l.2 « grandeur » ; l.4 «l’autorité » et l’impartialité. Il administre justement sa seigneurie, sans excès ni exaction, puisqu’il ne pille ni ne vole (li. 29-32) et ne fréquente pas les gens de mauvaises vies qui l’amèneraient à dilapider sa fortune inutilement.

    Il s’intègre à un réseau de clientèle, c'est-à-dire qu’il noue des liens de fidélité avec d’autres chevaliers et seigneurs. Une cérémonie scelle ces pactes d’alliance, l’« hommage », que Vital décrit aux l.50 à 55, pour Pierre le fils d’Ansoud qui reçoit les serments de fidélités des  autres chevaliers de Maule. Ce dernier épisode signifie que Pierre devient le seigneur à Maule et les chevaliers lui ayant prêté serment sont ses vassaux, en tant que tels ils ont le devoir de l’aider et de combattre à ses côtés en échange d’un fief (une seigneurie foncière ou banale qui permet de lever des taxes). Précisons que face à la multiplication des serments et donc de leur difficile application, l’hommage lige (= principal) apparaît (fin XIème), il correspond au serment qui prévaut sur tous les autres serments faits à d’autres seigneurs.

    Dans le texte, l’hommage a lieu dans la paroisse de Sainte Marie. Les engagements sont de plus retranscrits d’après la l.53 où « Josselin de Mareil gravait et proclamait la chose ». Le choix d’un lieu réservé au culte, la publicité de l’acte (proclamation) et la copie écrite des serments sont autant de précautions pour éviter tout parjure. Cette mise par écrit, rare au nord de la Loire, est à rapproche de la convention féodale catalane.

    Les témoins de la cérémonie

    La présence de témoins pouvant prétendre à la succession comme le frère, le neveu ou le beau frère d’Ansoud, vise à éviter toutes contestations sur l’héritage de son fils.

    On peut s’interroger sur la présence de Josselin de Mareil, un Montfrort, appartenant donc à une famille de châtelains de la région, assez puissante. Josselin était probablement le suzerain d’Ansoud. Dans ce cas, sa présence pourrait s’expliquer par le fait que Pierre lui prêta hommage en même temps qu’il recevait celui de ses vassaux.

     

     

     

    Il faut donc être fils de seigneur pour devenir chevalier, et chevalier pour être seigneur. Tous deux sont issus du même monde régi par les liens féodo-vassalique, au sein duquel la transmission héréditaire des fiefs et de la noblesse est fondamentale. Les structures familiales qui régissent cette transmission sont donc fondamentales, ce que marque la présence de nombreux parents parmi les témoins de la cérémonie d’hommage.

     

     

     

    II- La famille fondement de la transmission héréditaire de la noblesse.

     

     

     

    Les structures familiales s’organisent autour de deux pôles : la lignée masculine au sein de laquelle circule les fiefs, se transmettent l’honneur, la chevalerie et la noblesse ; la lignée féminine, en charge de la perpétuation du lignage et de sa mémoire. Ces structures sont de plus en plus soumises, à partir du XIème siècle, au contrôle de l’Église.

     

     

     

    A- Les figures masculines : père, fils, époux.

     

     

    - Les fils :

     

     

    La succession se fait par primogéniture masculine (droit d’aînesse des garçons). C’est un droit qui préserve les intérêts du fils aîné, mais aussi un devoir qui s’impose au fils (Ansoud doit rentrer d’Italie pour succéder à son père) comme au père : Ansoud ne déroge pas à cette règle, comme le rappelle l.51 l’action où il « institua son fils aîné Pierre comme l’héritier de toutes ses possessions ». Le père ne peut donc choisir un autre de ses fils comme héritier. En général, les autres fils étaient destinés à une carrière ecclésiastique ou allaient grossir les rangs des chevaliers sans fief qui s’engageaient au service d’un seigneur dans l’espoir d’obtenir une seigneurie ou partaient en Croisade pour conquérir de nouvelles terres. La carrière singulière d’Ansoud, et la longue période qu’il a passée en Italie avant d’être rappelé par son père pourrait s’expliquer par la présence d’un frère plus âgé dont la mort précoce aurait fait de lui l’héritier.

    Les fils ont un devoir d’obéissance : l.9-10 Ansoud « se conforma en toutes choses au conseil de sa pieuse mère » et lorsqu’il revint au pays c’est « sur la ferme demande de son père ». Cette obéissance a un double fondement religieux (prescriptions de l’Ancien Testament) et social (le père est le seigneur de sa famille). Elle témoigne d’une société très hiérarchisée dans laquelle les hiérarchies sociales sont renforcées par les hiérarchies entre classes d’âge (respect du par les jeunes aux anciens).

    Le fils a enfin un devoir spécifique d’assistance envers sa mère à la mort de son père (l.13-14), il prouve toute sa gratitude à celle qui lui a donné le jour lorsqu’il « soutint » sa mère « jusque dans sa vieillesse ». Mais cette obligation n’est pas que morale, elle est aussi sociale et résulte du statut de la femme (v. plus bas) qui n’hérite pas, et se trouve donc démunie à la mort de son mari.

     

     

     

    - Le père et l’époux :

     

     

    Il exerce le pouvoir de décision et d’organisation. Il administre donc les biens familiaux, ainsi que l’a fait Ansoud l.56 « pendant dix huit ans ». Ces biens familiaux sont essentiellement constitués du « domaine légitime de la famille » = le fief, qui est la propriété exclusive du père de famille, qui en a seul la gestion. La famille vit donc selon les principes et les décisions de son chef, Ansoud.

    « Odeline, la fille du châtelain de Mantes » : Le mariage est un moyen pour les seigneurs d’améliorer leur position, par la dot de la mariée qui vient accroître leurs possessions, et par les liens sociaux qu’il leur permet de tisser avec les seigneurs du voisinage. En l’occurrence, le seigneur de Mantes était un parent de Josselin de Mareil, dont on a vu qu’il était sans doute le seigneur d’Ansoud.

    L’époux n’est pas libre de disposer de sa femme comme il l’entend : il doit la faire vivre décemment(c’est à cela qu’est destinée la dot). Surtout, avec la réforme grégorienne, l’Église institue de nouveaux devoirs pour les laïcs mariés au XIème siècle : la sexualité, condamnée par les clercs au nom de l’idéal de virginité et de chasteté, est admise comme un pis-aller nécessaires à la reproduction dans les couples légitimes. Ainsi, Ansoud « aimait la chasteté » l.26 et « condamnait […] l’obscénité du désir » l.27-28, se conformant à ces obligations qui veulent que la sexualité conjugale reste chaste (à comprendre au sens premier de pure, sans perversité) et exempte de tous plaisirs charnels. De même, Ansoud se contente « d’une union légitime », respectant les prescriptions de monogamie et d’indissolubilité du mariage établies des le IXème siècle et fortement réaffirmées par les réformateurs grégoriens. En conséquence, Ansoud se montre fidèle à son épouse, respectant ainsi ses obligations religieuses, mais manifestant aussi, à son égard, sa « loyauté » de chevalier.

    Globalement, ces nouvelles règles matrimoniales améliorent le statut des femmes.

     

     

     

    B- Les figures féminines : mères et épouses.

     

     

    - le statut :

    Au XIème siècle, la femme reste globalement un être inférieur, objet de tractations matrimoniales qui lui échappent et dont le but est d’établir des alliances et d’accroître des seigneuries, au mépris de ces sentiments personnels. Cette dévalorisation est renforcé par le discours des moines, comme Orderic Vital, qui voient dans les femmes les filles d’Eve. Aussi le texte manifeste-t-il un certain mépris et un certain désintérêt pour ces personnages qui ne sont envisagées que comme faire-valoir du « héros », dans leurs rôles stéréotypés de mère et d’épouse.

    - Les mères

     

     

    Devenir mère est une étape essentielle dans la vie d’une femme, équivalent à l’adoubement pour le chevalier. Dans cette société d’ordre où chacun a son rôle à remplir, l’homme noble se doit de faire la guerre, et sa femme de faire des enfants. A ce titre elle doit également souvent tomber enceinte : l’épouse d’Ansoud, Odeline, donne naissance à neuf enfants. Ces progénitures abondantes sont un gage que la seigneurie aura un héritier, à une époque où plus d’un enfant sur deux meurt avant l’âge de 10 ans. Car le principal objet d’une grossesse est de donné naissance à des héritiers mâles. Il n’est donc pas surprenant qu’Ansoud, en tant que « chevalier modèle » ait eu « sept fils » l.35 et seulement deux filles. Même sa descendance était exemplaire. Aussi exemplaire était d’ailleurs son épouse, qui survécut à ses neufs grossesses (au moins, car il est habituel de ne compter que les enfants ayant survécu au moins un an). La mortalité en couches étaient en effet très élevée, et il n’était pas rare qu’un homme soit veuf trois ou quatre fois dans sa vie. Ces souffrances de l’accouchement étaient alors vécues comme une pénitence du péché originel d’Eve. Les nouvelles règles matrimoniales qui limitent la sexualité au couple marié font que l’ont ne peut être mère sans être aussi épouse.

    - Les épouses :

     

     

    Elles doivent obéissance et respect sans réciprocité, comme souligné par l’auteur qui encense le couple modèle parce qu’Odeline l.80-81 est « habituée à ne jamais résister à la volonté d’Ansoud ».

    Elles doivent fidélité, tout comme leur époux, car le modèle chrétien du mariage prône la monogamie, mais aussi parce que la fidélité de l’épouse est la garantie de la légitimité des héritiers.  

    La monogamie et l’indissolubilité du mariage (interdiction du divorce) ont contribué à améliorer la condition d’épouse, il a permit une amélioration de la position de la femme dans le couple, puisque sa position auprès de son mari n’est plus menacée et qu’elle peut devenir « chef de famille » en tant que veuve légitime, surtout en cas de minorité de l’héritier.

    Elles doivent tenir leur rang lors de certaines cérémonies officielles, ce que fait Odeline présente à l’investiture de son fils Pierre, l.46. Cela s’explique par leur rang noble, qui les associe au pouvoir de leur mari et contribue à la légitimité de leur fils (un chevalier ou un seigneur doit être noble par son père et par sa mère). Elle contribue aussi, comme la mère d’Ansoud, à l’éducation fondamentale de leurs enfants, en particulier en matière religieuse.

     

     

     

    C- Une famille chrétienne et respectueuse de l’Eglise.

     

     

    La famille est le lieu du premier apprentissage chrétien, et en instituant le mariage monogame et indissoluble, l’Église en a fait la cellule de base de son organisation. Elle transmet les fondements des valeurs sociales, familiales et chrétiennes (prières, gestes …) aux enfants. D’ailleurs, après lecture du paragraphe où Vital décrit les rapports entre Ansoud et sa mère on relève un champs lexical de la religion qui est assez dense : « dévote », « pieuse », « vouée à Dieu », « pieusement », « viatique » (communion reçue juste avant la mort), « nef », « église » l.9-15.

    Cette éducation pieuse explique qu’Ansoud soit très généreux envers les « ministres de Dieu » (les prêtres, en fait, ici, dans le contexte, sans doute plutôt les moines de Saint-Evroul) : l. 31, « il restituait les dîmes » (un impot correspondant au dixième des récoltes qui était normalement payé à l’Église mais que de nombreux seigneurs avaient accaparé), « les prémices » (les premières récoltes ou premières portées mises bas par le bétail, impôt lui aussi du à l’Église) et les « aumônes » (des dons faits au pauvres qui ne peuvent pourvoir eux même à leur subsistance comme les orphelins, les infirmes ou les veuves …) .

     

    III- Un chevalier face à l’Eglise et à la mort :

     

    Ces nouvelles obligations des seigneurs envers l’Église sont notamment le fruit du mouvement de la paix de Dieu, qui cherche à contrôler la violence des chevaliers, et de la réforme grégorienne, lancée à Rome par le pape Grégoire VII en 1075, et qui visait à distinguer plus nettement clercs et laïcs et à forcer les seconds à rendre à l’Église les biens accaparés durant les décennies précédentes.

     

    A- Un seigneur généreux et respectueux des injonctions de la paix de Dieu.

     

     

    En 1106, Ansoud de Maule accorde un don très substantiel à la paroisse de Sainte Marie, un prieuré dépendant de l’abbaye de Saint Evroul. Parmi les nombreux revenus promis aux bénédictins, il y a l.47 une « carrière de meules dans le bois de Beule », des pierres très dures et qui servent dans la construction des bâtiments, le prieuré allait pouvoir s’agrandir.

    En réalité, ces « dons » sont des restitutions, qui s’inscrivent dans l’effort mené par l’Église, au moment de la réforme grégorienne, pour reconstituer son patrimoine et obliger les seigneurs à rendre les paroisses et les impôts ecclésiastiques qu’ils avaient accaparés au moment de la « révolution châtelaine ». Ici, Ansoud semble le faire spontanément, par soucis de son salut, mais nombre de seigneurs ne le firent que sous la menace de l’excommunication.

    Cette cascade de dons n’est pas due à la seule charité chrétienne, c’est un acte de pénitence motivé par la quête d’un salut après la mort, d’accès à la « vie éternelle ».

    Cet effort pour se conformer à la morale chrétienne malgré un genre de vie fondé sur la violence et la domination culmine à la fin de la vie d’Ansoud dans sa conversion (changement de vie), qui lui permet de rompre in extremis avec son ancienne existence pour mourir en bon chrétien.

     

    B- La nécessité d’une purification

     

     

    La purification commence par un regret sincère et profond de la part du pécheur, Ansoud montre le sien quand aux l.38 à 40 il se rend « de son propre gré » au prieuré et « [pleure] d’abondance » [mise en scène publique des sentiments fréquentes au Moyen Âge, où le fait de pleurer en public est valorisé comme une marque d’humilité]. En effet il pouvait avoir à regretter la conservation de bénéfices que son père avait voulu transmettre aux moines, il n’a pas dû toujours être un aussi fervent protecteur de l’Eglise que vers la fin de sa vie, puisque cette conversion intervient sur le tard. Il était en effet fréquent que des héritiers refusent d’exécuter le testament de leur père quand celui-ci donnait des biens aux Églises. D’où les précautions prises par Ansoud lui-même pour garantir le respect de ses propres donations par ses héritiers.

    La deuxième partie du repentir vise ensuite à réparer les torts commis, ce que fait, en tout cas partiellement Ansoud,  puisqu’il «  donna satisfaction à Dieu sur certains différends qu’il avait avec les moines » l.39-40. En rendant ce qu’il doit aux bénédictins et en jurant de rendre le reste plus tard ; il leur offre en plus des biens que ses vassaux veulent bien donner, la procédure étant donc complexe, car elle associait au seigneur ses vassaux, auxquels certains des biens et revenus confisqués à l’Église avaient été, comme c’était fréquent, remis en fief. La restitution de ces biens exige donc que le seigneur obtienne l’accord de ses vassaux. Par ce biais, la réforme grégorienne pénétrait progressivement la société, des classes les plus hautes vers les catégories inférieures.

    Enfin dernière étape, le « pécheur absout » doit tenir désormais un comportement irréprochable et encore plus chrétien qu’auparavant par l.57 « un fidèle patronage » envers les moines et des actions recommandées par ces derniers « pour l’édification de ses mœurs » l.58. C'est-à-dire qu’Ansoud devient le protecteur du prieuré de Sainte-Marie, en retour de quoi, il doit accepter les conseils des moines. On a donc bien, en miniature, un transfert au plan de la seigneurie, de la relation d’échange protection contre conseil qui existait entre le roi et l’Église à l’ère carolingienne. Cet aspect, comme d’autres, illustre le transfert au plan local, entre les mains des châtelains, de l’autorité publique.

     

     

    B- La conversion "in articulo mortis"

     

    La détention de ce pouvoir et ses exigences concrètes dans une société violente éloignaient malgré tout encore trop le seigneur, même protecteur respectueux de l’Église, de l’idéal de la vie chrétienne. Beaucoup de chevaliers et de sires résolvaient donc ce conflit intérieur entre obligation sociales et devoirs chrétiens, par le choix d’une conversion tardive à la vie monastique, censée racheter leurs péchés. Ansoud choisit ainsi de se convertir « in articulo mortis » (à l’article de la mort)

    Lorsqu’Ansoud « tomba malade » l.61, il subit d’abord stoïquement les douleurs occasionnées par la maladie, ce qui lui donne l’occasion exceptionnelle de réunir en un acte ses deux idéaux : il souffre courageusement, en bon chevalier, mais sa douleur est aussi une contrition. Cependant d’après Vital, Ansoud est tellement chrétien que la souffrance ne lui suffit pas, puisqu’il se décide à se faire moine (l.72). On a vu que le caractère exceptionnel de cette conversion est discutable.

    La vie monastique est considérée à l’époque comme la seule qui suit strictement les principes divins. Ansoud, comme ses contemporains, considère les moines comme les « pauvres du Christ », c'est-à-dire ceux qui ont renoncer à tous les petits plaisirs terrestres pour se vouer uniquement à la Dieu, ne posséder que leur « habit » et vivre surtout de nourritures spirituelles, mais aussi comme les « chevaliers du Christ », ceux qui luttent par la prière contre le mal.

    Ainsi le chevalier meurt une première fois pour le monde civil, il perd son nom, son pouvoir, oublie les siens pour intégrer la vie monastique. Odeline, son épouse, devient officiellement veuve, même si le chevalier est encore en vie mais dans le monastère.

     

    Cette situation ne se prolongea malgré tout guère, puisqu’Ansoud mourut quelques jours après avoir pris l’habit de moine, ce qui souligne le caractère pour le moins opportuniste de ces conversions tardives, qui n’en restaient pas moins le seul moyen pour les chevaliers de réconcilier in extremis les obligations spécifiques de leur ordre et les injonctions morales du christianisme.

     

    Conclusion

     

     

    Au tournant des XIème et XIIème siècles, la vie d’un chevalier chrétien et bon pratiquant se rapproche dans l’idéal, énormément de la vie monastique. En effet, ces deux ordres obéissent à des règles et doivent servir la cause du Très Haut. De plus ils sont en étroite relation et ont besoin les uns des autres, parce que les premiers protègent les second, qui œuvrent en priant pour le salut des premiers.

    Cependant, la comparaison s’arrête là. La chronique néglige consciemment de tenir compte des intérêts ainsi que des ambitions personnelles qui ont dû, à maintes reprises, faire sortir Ansoud de Maule du cadre de sa foi. La description du mode de vie chevaleresque d’Ordéric Vital est donc très orientée, elle promeut avant tout une sorte d’utopie, c'est-à-dire, la possibilité d’être accepté au paradis, pour un laïc ayant tué et profité du pouvoir et de la richesse qu’il procure. Mais sa chronique n’est pas un phénomène ponctuel, elle entre dans le cadre plus vaste d’une politique spirituelle de l’Eglise visant à discipliner certains hommes d’armes et à résoudre leur crise identitaire : combattre est  tout sauf un acte chrétien, et pourtant l’Église avait besoin de ces combattants pour assurer sa protection. L’auteur, qui est un moins, voit dans le monachisme le plus parfait modèle de la vie chrétienne, et cherche à dessein à y faire coller du mieux qu’il peut son idéal de la chevalerie. Sa subjectivité ne suffit pourtant pas à discréditer son œuvre, puisque l’Histoire ecclésiastique nous apporte des détails sur la vie quotidienne des hommes de l’époque, comme le rituel de donation ou le déroulement de l’hommage… mais aussi de précieuses informations sur la façon de pensée d’un clerc qui vivait à l’époque où l’Église tentait de christianiser la chevalerie.

    D’autres auteurs ont trouvé pour inspiration, le thème du « bon chevalier » pratiquant et chrétien. Le phénomène continue et perdure dans la littérature tout au long de la période Médiévale et même jusqu’au XVIème siècle, jusqu’à sombrer dans la parodie du Dom Quichotte.

     






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