Cf. Bruno Dumézil, L’occident médiéval => œuvre de Van Eyck, et en particulier les époux Arnolfini, = 1ère apparition véritable de l’individu dans l’art occidental au nord des Alpes, qui traduit véritablement le basculement du Moyen Âge à la Renaissance.
Ce basculement se traduit à trois niveaux :
- La manière : l’un des premiers tableaux réalisé à la peinture à l’huile, ce qui donne plus d’éclat aux couleurs et accentue le réalisme des figurés ;
- La technique : l’un des premiers tableaux en perspective cavalière (le premier au Nord des Alpes) qui inscrit la figuration dans un espace réaliste en trois dimensions (v. en particulier le miroir derrière le couple qui les reflète de dos et à l’échelle, et sert de point de fuite au taleau qui est constrit autour de lui).
- Le thème : l’une des premières œuvres à représenter des individus certes de haut niveau social mais relativement anonymes (et pas un roi ou un prince) en tant que tels, sans prétexte religieux (cf. le chancelier Rollin) et dans un contexte réaliste voire trivial (la chambre à coucher du couple). Le tableau est une commande et témoigne donc du souci individualiste de la bourgeoisie de conserver un souvenir des grands moments de sa vie (ici sans doute les fiançailles ou le mariage = lointain ancêtre de la photo de mariage). Plus encore, ce souci de l’individu transparaît dans le soin qui est accordé au modelé des personnages, très réaliste, et qui insiste sur leur qualité d’individus uniques, y compris dans leurs défauts (<> à portraits royaux et princiers, très codifiés et presque tous identiques). Cet essor de l'individu est enfin visible dans l'auoportrait de Van Eyck qui apparaît dans le dos des deux époux.
Mais conserve des traits médiévaux dans les postures très figées et codifiées (geste du mariage, rôles et attitudes masculins et féminins), le costume (pourtant figuré techniquement avec un luxe de détails réalistes), le décor, le statut même des personnages représentés, bourgeois ennoblis par le roi de France. Cette œuvre est aussi un moyen pour ces « parvenus » d’affirmer leur nouveau statut dans une société qui reste très nobiliaire.
+ à relier à splendeur des ducs de Bourgogne (Arnolfini = financier et conseiller de Philippe le Bon).
ð une grande modernité technique et thématique mise au service d’intérêts qui restent inscrits dans une société nobiliaire du paraître, encore très médiévale.
ð Fonde l’originalité de la Renaissance, période ambiguë de grands progrès techniques et intellectuels mais qui peine à rompre avec l’ordre social médiéval (tendance actuelle à étudier de plus en plus les XVème et XVIème siècle ensembles et à voir les vraies ruptures sous les règnes de Charles V et d’Henri IV).
=> Un tableau à la fois complètement médiéval et déjà complètement renaissant, qui est à la jonction entre les deux époques.