Illustration : Odoacre épargne Romulus Augustule, gravure du XIXème siècle.
II- Anciennes et nouvelles hiérarchies :
1- Empereurs, rois et maîtres de la milice.
Analyse des mots posant problème dans le texte :
Empereur : aussi appelé César (ligne 2) ou auguste (dernier §), il reste la source absolue de tout pouvoir en théorie (cf. tentative de Nepos de déposer Aegidius en Gaule). En réalité, il est le jouet des rivalités entre les grandes familles sénatoriales, parmi lesquelles il est choisi, les rois germaniques et l’empereur d’Orient.
Sénateurs : en théorie, membres l’assemblée législative de Rome qui choisit l’empereur et dont sont issus les grands administrateurs de l’empire. En pratique, le sénat ne se réunit plus depuis le début du IVème siècle. Sénateur est devenu un titre qui marque l’appartenance à une classe sociale caractérisée par :
- la noblesse
- la possession d’immenses domaines fonciers (les villae) au centre desquels ils installent leurs luxueuses demeurent et dont les paysans sont leurs clients.
- L’origine romaine.
Maître de la milice (magister militiae) : milice = armée, c’est donc une sorte de général en chef de l’armée cantonnée dans une province. Mais remplacement des légions régulières, faute de recrues, par des troupes mercenaires et fédérées germaniques => les maîtres de la milice sont souvent des rois Germains qui reçoivent ce titre au moment du traité de fédération et de moins en moins des Romains. Ainsi, le titre de maître de la milice devient une manière de reconnaître le pouvoir de fait des rois germaniques installés dans l’empire comme fédérés, puis par la suite, aux grands sénateurs s’étant taillé des principautés régionales (il fut porté par Avitus et Aegidius en Gaule, par Marcellin en Dalmatie, par Théodoric II et Euric en Aquitaine et Espagne, par Gondebaud en Provence, par Ricimer et par Odoacre en Italie). Le maître de la milice d’Italie a une importance particulière dans la mesure où il choisit de fait l’empereur.
Roi : chef d’un peuple germanique installé dans l’empire comme fédéré. Ils peuvent être héréditaires ou élus par leur armée. L’installation de ces peuples dans des zones géographiques précises qu’ils doivent défendre fait que leur pouvoir s’exerce aussi sur les citoyens romains y habitant, d’où une territorialisation du pouvoir.
Duc / Patrice (chef, protecteur) : les rares romains qui sont encore mm sont aussi gouverneur de province et concentrent pouvoirs civils et militaires dans des zones où ils possèdent aussi leurs villae. Ils y possèdent donc un pouvoir proche de celui des rois germaniques. D’ailleurs, après 476, Aegidius est appelé roi des Romains.
Evêque : la christianisation de l’empire, officialisée par l’édit de Milan (313) a donné un rôle important aux évêques, chefs de l’église dans une cité qu’ils administrent également au nom de l’empereur. Progressivement, ils deviennent le seul pouvoir réel dans les cités. Les empereurs déchus qui deviennent empereur conservent donc une fonction politique, tout en étant exclu de la lutte pour le pouvoir par leur statut ecclésiastique (interdiction de se marier, donc d’avoir des enfants ; interdiction de porter les armes).
ð un pouvoir central vidé de son contenu par la réalité des pouvoirs locaux.
2- Duchés et principautés.
Ecdicius est appelé « duc des Romains », il se réfugie « en des lieux plus sûrs » = son domaine, au nord de la Loire ; Népos se réfugie en Dalmatie et y exile Glycère, or, depuis son père (le « patrice » = protecteur), sa famille y a construit une véritable principauté : Sur la base du pouvoir des ducs et des rois se développent de nouvelles formes d’organisation politique fondée sur le pouvoir d’un homme qui s’attache personnellement ses dépendants. Ces structures répondent à la dissolution des liens administratifs prédominant dans l’empire romain, au profit des liens de clientèles (un patron protège ses clients en échange de services) qui se limitaient au départ au domaine privé. C’est cette structure de liens interpersonnels qui leur permet de contrôler de vastes zones et d’y implanter localement leur pouvoir, ce qui achève de mettre à mal l’autorité centrale de l’empereur. Cette structure est en fait très proche des liens de fidélité tissés par les chefs barbares avec leurs hommes.
3- Les conséquences du coup de force de 476 : un seul empereur.
« L’empire d’occident du peuple romain périt. Depuis lors ce sont les rois des Goths qui possèdent Rome et l’Italie. » La conséquence première du coup de force de 476 est l’accession de tous ces princes, ducs et maîtres de la milice au titre de roi (ex. Aegdius devient « roi des Romains »), et l’indépendance des rois barbares implantés dans l’empire.
Néanmoins, l’empereur d’Orient tire parti du fait qu’Odoacre a renvoyé les insignes impériaux à Constantinople pour voir dans les événements de 476 non la chute de l’empire d’Occident, mais la réunification sous sa seule autorité de l’Empire romain. Ils considèrent donc ces rois comme ses administrateurs, leur décerne des titres romains et cherchent à les éliminer quand ils deviennent trop autonomes, comme Odoacre en Italie. Mais les Goths envoyés le remplacer deviennent à leur tour trop autonomes. En 551, Justinien déclenche une guerre de reconquête de l’Italie. La dernière phrase du texte est une réponse idéologique à ce projet : il n’y a plus d’empire en Occident, les rois ostrogoths ne sont pas les délégués de l’empereur, ils « possèdent » l’Italie comme un bien personnel. Ainsi, ça n’est que 70 ans après les faits que l’on commence à tirer les conséquences entière d’un événements qui était passé quasiment inaperçu en 476.