Introduction :
Une simple analyse des surnoms accolés au prénom Charles, emblématique de la dynastie carolingienne, permet de saisir sa lente perte de prestige de 800 à 987 : à Charles le Grand, succèdent le Chauve, le Gros, le Simple (= + ou – l’idiot) et enfin Charles de Basse-Lorraine, titre ducal de celui qui ne régna pas.
La mort de Charles le Chauve en 877, puis la disparition précoce de ses héritiers, la déposition enfin de Charles le Gros ont hâté l’effondrement du pouvoir royal en Francie occidentale. Le règne de Eudes, premier roi non carolingien depuis 751, voit l’émancipation des plus puissants aristocrates, en particulier hors de la zone entre Loire et Meuse qui avait constitué le cœur du royaume de Charles. En Aquitaine et en Bretagne d’abord, puis très vite en Flandre et en Bourgogne, les comtes les plus puissants, qui se qualifient de marquis pour souligner leur rôle dans la défense du royaume contre les Vikings et s’arrogent des titulatures de type royal (« par la grâce de Dieu seigneur comte »), commencent à rassembler comtés, évêchés et abbayes, à exercer la totalité du ban et une autorité publique que n’assume plus une roi lointain et trop occupé à défendre les cités de la Seine et de la Loire contre des pirates scandinaves qui se muent en envahisseurs.
Elevé au trône par le choix et avec l’accord de ces grands du royaume, Charles le Simple (899-923), dernier fils de Louis le Bègue que son jeune âge avait d’abord disqualifié à la mort de ses frères, cherche à restaurer le pouvoir royal, en réglant le problème des invasions normandes (traité de Saint-Cler-Sur-Epte, 911) et en réaffirmant son droit de protection sur les églises. Mais sa tentative de redonner une base territoriale à la royauté, en particulier en réoccupant la Lorraine, inquiète les grands qui se réunissent autour du frère d’Eudes, Robert. Déposé en 922, puis à nouveau en 923, Charles le Simple finit sa vie misérablement dans les geôles du comte de Vermandois, tandis que sa couronne devient objet de marchandage entre les grands. La Neustrie à son tour est partagée entre ces puissants. [Toute cette partie est, pour des raisons pédagogiques, plus développée qu’il ne le faudrait dans une dissertation normale, qui devrait se limiter à rappeler l’affaiblissement du pouvoir royal entre 877 et 936]
Lorsqu’il est sacré roi le 19 juin 936, Louis IV, le fils de Charles le Simple, hérite donc d’une royauté affaiblie, disqualifiée, privée de sa dernière base territoriale par la remise de la Lorraine au roi de Germanie en 935. Comment pouvait-il régner dans ces conditions ? Le règne (regnum, regimen) avait en effet été, aux VIIIème et IXème siècles, le propre du roi carolingien qui exerçait un pouvoir quasi absolu sur le royaume des Francs unis autour de sa personne. Isolé, privé de terres et de fidèles, Louis IV était bien loin de pouvoir prétendre à ce pouvoir. Dans la plus grande partie du royaume, ce règne n’a même plus d’autre réalité que celle du décompte du temps, qui se fait toujours selon « le règne du glorieux seigneur Louis, roi des Francs ». Pourtant, de son avènement en 936 à sa mort en 954, il a su jouer des querelles entre les grands pour libérer en espace suffisant pour être certes un petit roi, mais malgré tout un vrai roi.
Pbic : quels moyens Louis IV a-t-il utilisé pour s’imposer, ou au moins survivre aux attaques des grands ? Ce qui revient à se demander ce que signifiait régner au Xème siècle, et donc à comprendre pourquoi, malgré leur toute puissance, les grands ne peuvent se passer d’un roi.
[Observer passage d’une question descriptive à une interrogation posant véritablement problème].
Pour cela, il faut étudier l’état de la société et des rapports de force dans la première moitié du Xème siècle, traçant ainsi un tableau de la situation en 936, pour mieux comprendre comment, roi parmi les princes, Louis parvient à échapper à leur tutelle pour véritablement régner, ce qui lui a permis d’être un vrai roi reconnu par ses pairs.
I- Tableau de la situation en 936 : les rapports de force au moment de l’avènement de Louis IV.
A- Les princes, vrais maîtres du royaume.
1- Les princes, vrais maîtres du royaume.
2- Qu’est-ce qu’être roi en 936 ?
B- Une Eglise entre crise et réforme.
C- Le choix de Louis IV : la naissance et l’élection (v. texte).
II- Un roi parmi les princes : de la tutelle au règne.
A- Un roi sans royaume ?
Dépendance vis-à-vis des grands : v. texte.
B- Un roi sous tutelle : Hugues le Grand et Otton le Grand.
C- La capacité à utiliser les événements favorables : des périodes de règne effectif.
III- Un petit roi, mais un vrai roi, reconnu par les autres souverains européens.
A- La tentative de redonner une base territoriale et humaine à la royauté : la tentation lorraine et la débauche des fidèles des princes.
Pour édifier une base territoriale, Louis IV est face à deux options qui resteront celles de ses descendants jusqu’en 987 :
- reconquérir la Lorraine en utilisant les liens familiaux qu’y conservent les Carolingiens, au risque de se brouiller avec ses protecteurs ottoniens et de laisser le champ libre aux princes en Neustrie ;
- la conquérir aux dépends des princes territoriaux, en utilisant leurs querelles, au risque de ne plus être qu’un prince parmi les autres.
B- Les attributs du règne : palais, diplômes et voyages.
C- Un roi dans la famille des rois et des princes.
Intervention d’Otton s’explique :
- par le fait que Louis IV est son beau-frère.
- Par la nécessité de préserver les prérogatives royales afin d’éviter un précédent fâcheux qui aurait pu se répandre dans le reste de l’Europe (ne pas oublier qu’Otton lui-même est un roi élu).
Conclusion :
Pour Louis IV, régner consistait avant tout à maintenir une marge d’action minimale, mais nécessaire pour échapper à la tutelle des princes et au sort pathétique de son père. Il a su jouer sur les rivalités entre les grands, en particulier entre Hugues le Grand et Herbert de Vermandois, et préserver judicieusement l’amitié d’Otton le Grand pour gouverner effectivement l’espace entre Seine et Meuse. Mais ce royaume réel de Louis n’a plus beaucoup de rapport avec l’empire de Charlemagne, qu’Otton rénove deux ans avant sa mort. De plus, son décès prématuré remet en cause la plupart de ses acquis, redonnant l’avantage à Hugues le Grand. Roi entre les princes et l’empereur, Louis parvient tout de même à préserver l’essentiel : il restaure le prestige de la royauté et du sacre, garantissant la sécurité de ses descendants et préparant le chemin aux descendants d’Hugues qui, à partir de 987, se substitueront définitivement à la dynastie des Charles.