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Un exemple de loi "barbare" : les lois d'Ethelbert
27/10/2006 00:59
Les lois d’Ethelbert, roi du Kent (602-603)
Introduction
Nature de la source et auteur :
Le texte ici livré au commentaire est un recueil de lois représentatif de ce qu’il est convenu d’appeler les lois « barbares » ou « nationales », c’est à dire des législations prises par les souverains germaniques dans les années qui ont suivi l’installation des Etats successeurs de l’Empire romain, entre les Vème et VIIIème siècles. Elles répondent au principe du droit romain qui veut que la loi soit écrite, mais intègre en quantité variable des éléments de droit germanique. Elles visent à assurer à la société la justice et la paix, termes qui dans le voc. Politique du HMA désignent ce que nous appellerions aujourd’hui l’ordre public, d’où la nécessité, pour cet ordre, d’être garanti par une autorité éminente, le roi. Mais contrairement aux lois romaines ou modernes, elles ne reposent que très rarement sur le principe de sanction, mais sur le principe de compensation (le terme revient 27 fois dans le texte) ou wergeld (le prix de la valeur) : tout crime ou délit est compris comme une injure faite à l’honneur de la victime, qui peut enclencher le cycle de la vengeance (= faide). Pour l’éviter, la loi fixe un prix qui permet de racheter l’outrage. Si la victime ou sa famille accepte cette compensation, la vengeance s’éteint. Le rôle du juge n’est donc pas de dire le droit et de déterminer les culpabilités, mais d’arbitrer entre les parties afin d’aboutir à une telle pacification. La loi devient donc un outil du compromis, qui permet de fixer un prix identique pour tous : cette justice ne repose pas sur le principe d’égalité (tout justiciable à droit à une justice identique) mais sur la principe d’équité (chacun doit pour le même délit la même compensation, selon son rang et celui de sa victime) (J. Rawls, sur les lois barbares, v. :
- L. Génicot, La Loi, (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, n° 22), Turnhout, Brepols, 1977,
- P. Womald, The Making of English Law,
Oxford
, Blackwel, 1999
-
Id.
, « Lex scripta et Verbum regis : legislation and germanic Kingship from Euric to Knut », dans P. Sawyer et I. Wood, Early Medieval Kingship, p. 108-130)
D’ailleurs, la loi intègre le principe d’inégalité des personnes, qui ne sont pas passibles des mêmes peines selon leur statut juridique.
Au sommet de cet ordre social se tiennent le roi et l’Eglise : les délits commis à leur égard sont les plus chers à racheter. Ils sont en fait la garantie de la loi, plus particulèrement dans le contexte de rédaction de ce texte, révélé par la rève introduction : « Voici les décrets que le roi Ethelbert a établis au temps d’Augustin ». L’auteur est donc présenté comme étant le roi du Kent lui-même, mais l’accent est mis sur l’intervention d’un autre personnage.
Ethelbert, roi du Kent de 566 à 616, est à l’époque le souverain le plus puissant d’Angleterre et a acquis la suprématie sur les royaumes voisins d’Essex et d’Est-Anglie. Il a épousé une princesse mérovingienne, Berthe, fille de Caribert Ier, chrétienne, qui est venue dans le Kent avec un évêque et une chapelle. Sous l’influence de son épouse, et des missions diligentées par Grégoire le Grand à partir de 596, il se convertit à la Pentecôte 597. L’artisan majeur de cette conversion est Augustin, missionnaire romain et premier archevêque de Canterbury. La loi est donc bien l’œuvre nominale du souverain anglo-saxon (elle est d’ailleurs rédigée en vieil anglo-saxon, particularité propre à toutes les lois anglo-saxonnes) et elle est très peu influencée par le droit romain, mais elle est rédigée sous l’influence d’un milieu romain et franc, d’où sa forme écrite et son caractère de droit public (émané d’une autorité légale qui la garantie).
Analyse, date et contexte :
Les 89 articles (dont 40 ne sont pas reproduits ici, les uns pour manque de clarté, les autres concernant un sujet déjà vu à travers la loi salique l’an dernier) sont classés par statuts juridiques : viennent d’abord les cas concernant l’Eglise (§ 1), puis le roi (§ 2-12), les nobles (§ 13-16), les hommes libres (§ 17-31), les femmes (§ 73-85) et les serviteurs (85-89). Mais le classement n’est pas toujours rigoureux, et suit aussi la thématique des crimes et délits évvoqués.
Ils sont traditionnellement datés de 602-603, selon le témoignage de Bède. Cette datation coïncide par ailleurs avec les informations de l’intro : il faut attendre la deuxième mission romaine de 601 pour que la conversion au christianisme progresse véritablement dans le royaume et qu’Augustin commence à jouer un rôle important auprès du roi, d’où la référence à sa personne au côté de celle du roi.
Ce texte s’inscrit donc dans le contexte plus vaste de la conversion de l’Angleterre au christianisme et à la reprise des relations avec le continent, également manifestée par l’alliance d’Ethelbert avec les Mérovingiens. Le Kent, principauté la plus méridionale de l’heptarchie et la plus proche du continent était par ailleurs celle où la romanité avait été le moins malmenée (son nom est d’ailleurs celui de l’ancienne cité des Cantuarii, au contraire des autres royaumes qui ont des noms germaniques), et qui était le plus resté en lien avec le continent (des Francs avaient d’ailleurs participé à sa colonisation avant de se mêler aux Jutes et aux Saxons). Les lois d’Ethelbert manifeste donc l’effort effectué par les Anglo-saxons au fil du VIIème siècle pour réintégrer le monde occidental et pacifier une société durement marquée par les violences de l’invasion germanique la plus massive et complète qui ait eu lieu. //t, dans une société encore partiellement chrétienne, et où le choix du roi est contesté (réaction païenne de 616), elles sont un moyen d’affirmer le pouvoir du roi comme garant de l’ordre social.
Bilan critique :
Un texte qui témoigne de l’état de la société dans l’Angleterre anglo-saxonne du début du VIIème siècle et du fonctionnement de la justice et de la loi dans les sociétés du HMA. Mais son caractère législatif, figé, affirmation du pouvoir royal, doit aussi inciter à la prudence : d’une part, il témoigne avant tout de ce qui ne fonctionne pas, qui est condamnable dans la société ; d’autre part, il donne une vision normée de la société, essentiellement fondée sur les statuts juridiques des personnes.
Problématique :
Quel crédit apporter, donc, à cette vision de la société qui nous est ici offerte ? Ce qui revient à se demander ce que nous apprend ce texte sur le fonctionnement de la société du HMA et la façon dont ses dirigeants le perçoive.
I- Violence, compensation et fonctionnement social
II- Une société régie par les statuts juridiques et les droits et devoirs qu’ils impliquent
III- La protection des plus faibles : l’exemple des femmes.
Développement :
I- Violence, compensation et fonctionnement social
De part sa nature même, le texte nous décrit une société où la violence et le crime sont omniprésents. Le lire littéralement reviendrait à ne voir dans les Anglo-saxons du VIIème siècle que des brutes avides de meurtre, de vol et de sexe (remarque vaut pour toute source judiciaire : cf. code pénal). Mais à travers son analyse plus précise, il est néanmoins possible de comprendre le fonctionnement d’une société, certes pas encore totalement pacifiée, mais qui a développé des stratégies pour assurer son maintien et son renouvellement.
1- Une société violente :
Reprendre les différents aspects qui apparaissent dans le texte : vol (souvent avec violence), meurtre et mutilations, viol, adultère.
2- Des compensations révélatrices des rapports sociaux :
La compensation varie selon :
- le statut juridique du délinquant
- la gravité du crime ou du délit
- le statut juridique de la victime
(Prendre des exemples dans le texte)
Le Wergeld rend ainsi compte d’un principe de distinction sociale dans lequel la vie de chaque individu n’a pas le même prix. //t, payer la compensation est aussi un moyen de se distinguer socialement, d’affirmer son rang, ce d’autant plus qu’il doit être payé « sur ses propres biens ». Il rend aussi compte d’un système de valeur qui affirme l’importance des hiérarchies et vise à la reproduction sociale, aussi bien symboliquement que matériellement.
3- Stratégies de protection et de reproduction :
En effet, le Wergeld a un but essentiel : assurer la compensation du tord commis tout en évitant le cycle infernal de la vengeance, ou au moins, en le limitant, pour éviter que les affrontements privés ne désagrège le corps social. Plus qu’une sanction de la faute, c’est un moyen que se donne la société pour assurer sa défense et sa préservation en contrôlant la violence plus qu’en l’interdisant.
Par ailleurs, sa nature différentielle selon le rang des individus vise clairement à figer des statuts juridiques afin d’assurer la reproduction sociale et de garantir que chacun reste à sa place.
Au cœur de cette ambition de reproduction de la société se trouve celles qui y assurent la fonction de reprdoduction matérielle : les femmes. Elles sont en fait encadrées par trois types de mesures :
- celles qui visent à éviter le trouble à l’ordre social que peuvent engendrer les relations adultères, qui peuvent entraîner un cycle de vengeance impliquant le mari, l’amant et leur famille.
- Celles qui visent à figer l’ordre social en limitant les possibilités d’union entre personnes de statuts différents, dont les enfants pourraient prétendre au rang de leur parent le plus prestigieux (constante dans les lois barbares)
- Celles, enfin, qui visent à éviter l’appropriation de force des femmes sans homme, veuves, et surtout vierges (2x Wergeld)
On a donc bien à faire à une société dans laquelle le rang de chacun est fixé par la pratique sociale, et dans laquelle la loi tient compte de ces distinctions.
II- Une société régie par les statuts juridiques et les droits et devoirs qu’ils impliquent
La structure même du texte montre bien que tous les hommes ne sont pas considérés comme égaux dans cette société, et qu’au statut de chacun correspond un traitement spécifique. Cette classification juridique complexe de la société reflète-t-elle pour autant totalement son fonctionnement réel ?
1- Une classification juridique à la fois simple et complexe :
Cette classification repose sur une distinction simple : certains hommes sont libres et d’autres non. Cette coupure juridique fondamentale se retrouve dans toutes les sociétés du HMA et à de lourdes implications sociales : le libre possède seul une pleine capacité juridique. Dans certaines situations, c’est d’ailleurs au maître de payer pour son serviteur (§ 87 et 89), qui n’est donc pas pleinement responsable en justice.
Mais cette classification est plus complexe qu’il n’y paraît : tout d’abord, le roi et les hommes d’Eglise échappe à la règle générale et sont placés dans un statut spécifique, au-dessus du reste de la société.
D’autre part, au § 26, on voit apparaître une catégorie différente : les laet. Ce sont en fait des demi-libres (c. des lètes francs, des aldions lombards ou des colons). = hommes juridiquement libres mais qui dépendent d’un seigneur qui les entretient, généralement en leur confiant une terre à mettre en valeur pour son compte. Souvent des affranchis. La distinction fondamentale de la société entre libres et non-libres n’est donc pas toujours si effectives que ça.
Si l’on s’intéresse ensuite à chacune de ces grandes catégories, on constate que libres comme non-libres sont eux-mêmes subdivisés en plusieurs catégories reconnues par la loi (ce qui est relativement rare dans les lois barbares qui souvent se contentent du simple critère de liberté, cf. Loi salique) :
- les non-libres sont qualifiés parfois de serviteurs, parfois d’esclaves, ce qui ne traduit pas de différence juridique (§ 16 : servante est synonyme de femme-esclave). Par contre il est fait mention de plusieurs classes d’esclaves : d’abord, ceux qui appartiennent au roi (§ 10), qui correspondant à la première classe, et bénéficient, en tant que biens du roi (§ 4), d’une protection spécifique, puis les « esclaves du moulin », ce qui doit renvoyer à une aptitude professionnelle spécifique ou à un logement sur l’exploitation de leur maître, et qui constituent une deuxième classe. Enfin, les esclaves de troisième classe, sur lesquels on a pas de précision, et qui doivent être les serviteurs exploitant les terres, peut être chasés sur elles. Ils pourraient aussi être assimilés aux serviteurs des nobles (§ 14) pour qui la compensation prévue est identique.
- les hommes libres peuvent être de simples hommes libres, ou des ceorl (= nobles), eux-mêmes distingués en plusieurs catégories selon leur pouvoir. Ce pouvoir découle d’obligations spécifiques.
2- Des devoirs spécifiques au statut social :
Les nobles, comme le roi, sont désignés par la loi comme ceux qui possèdent le mundbyrd (= mundeburd des Francs, m. à m. pouvoir de protection) (§ 8 et 15), c’est à dire le droit de protection sur d’autres hommes. Les nobles sont précisément ceux qui sont placés directement sous le mundbyrd du roi. Ils sont eux-mêmes des serviteurs et des terres placés sous leur protection, et c’est à eux que doivent être payé les compensations prévues quant aux atteintes portées contre ces hommes ou ces biens (§ 13-16). Cette protection se traduit aussi par la création de compagnonages guerriers qui se traduit formellement, de façon plus nette dans la société anglo-saxonne que dans d’autres sociétés plus romanisées, par la pratique des repas et de la boisson pris en commun : que ce soit le roi qui boit dans la maison de quelqu’un (signe de fidélité de celui qui le reçoit) au § 3, ou dans la mention du § 25 des Hlafeata, c’est-à-dire ceux qui sont nourris par un noble à sa table, ses fidèles.
Le plus haut degré de protection dans la société appartient bien sur au roi, qui doit notamment garantir la cohésion de son peuple à travers les assemblées (§ 2), lieu de réunion de l’armée qui réunit tous les hommes libres, et aussi lieu de délibération collective d’où sont issus des textes comme celui-ci. Cela se traduit par le wergeld plus élevé dû pour chaque atteinte à ses biens ou à son honneur. Mais aussi par les « amendes », c’est à dire les sanctions pénales qui frappent certains crimes et délits et traduisent ce droit de protection éminent du souverain, et peut prendre un aspect rituel (« l’anneau du seigneur » de 50 shillings pourraient correspondre à une équivalence entre le poids de métal précieux représenté par cette somme et un bijou signe de souveraineté, de type torque, tel qu’on en a retrouvé à Sutton Hoo).
Pour les simples hommes libres, les devoirs sociaux s’inscrivent essentiellement dans les liens familiaux : « lignage » (§ 23) : il existe une solidarité entre les membres d’une même famille, qui se traduit par des obligations collectives en termes de justice. Cette solidarité collective se traduit par la protection qu’exerce chaque homme sur son épouse (analyser les articles sur les femmes pour le montrer). Chaque famille vit donc dans une maison entourée d’un enclos qui traduit cette protection de l’homme sur sa famille, d’où la gravité du fait de rompre cette clôture.
Cette pyramide de protection reflète-t-elle pour autant tous les rapports existant dans cette société ?
3- Des liens de protection masquant des rapports de domination :
Le texte, du fait même de son caractère législatif qui vise à régler des situations de conflit, témoigne également des tensions violentes qui traversent cette société. Il aborde notamment trois grandes thématiques récurentes qui traduisent des réalités à l’œuvre dans ce monde :
- la violation de la propriété d’autrui, et notamment l’intrusion dans l’espace protégé de l’enclos et le meutre d’un homme placé sous la protection d’un autre homme.
- Les relations entre libres et non-libres et notamment les exactions violentes qui peuvent être commises contre un esclave, les cas d’insoumission des serviteurs et les relations sexuelles entre les deux catégories.
- L’adultère et l’appropriation d’une femme placée sous la protection d’un autre homme.
Ces trois configurations ont en commun de mettre en danger l’ordre social par la mise à mal du droit de protection et la transgression d’un ordre juridique qui met également en place un principe de domination à plusieurs degrés :
- domination du roi sur tous ses sujets.
- Domination des nobles sur les autres.
- Domination des libres sur les non-libres.
- Domination en général des hommes sur les femmes.
Les violences décrites dans le texte, et les compensations qui leur sont attribuées sont donc des indices sur du fonctionnement d’une société dans laquelle le pouvoir est défini comme protection.
III- La protection des plus faibles : l’exemple des femmes et de l’Eglise.
Cette protection s’exprime prioritairement vis-à-vis de ceux qui apparaissent comme les plus faibles et sont donc placés sous la responsabilité des plus puissants. Mais pour les femmes, comme pour les esclaves, cette position de protégés est aussi synonyme de sujétion au protecteur. Or, le début de la christianisation de la société amène aussi à définir une nouvelle protection : celle de l’Eglise, qui échappe en partie au modèle dominant.
1- Des objets de convoitise
L’image de la femme que donne le texte est finalement d’abord celle d’un « objet » (au sens philosophique du terme) que s’approprient les hommes, et qui est donc à l’origine de tractations et de conflits entre eux. Les femmes se prennent (§ 76) ou s’achètent (§ 77). Les hommes possèdent donc les femmes. Il est donc nécessaire de réguler ce système afin d’éviter les abus qui pourraient mener à des affrontements entre homme pour la possession des femmes (problème du rapt, de l’adultère) et donc assurer la certitude de la filiation, nécessaire à la reproduction d’une société hiérarchisée.
Les femmes elles-même sont soumises au principe de hiérarchie : une servante ou une femme de serviteur n’a pas droit à la même protection qu’une femme libre, et même qu’une femme noble (et cela semble se traduire par des codes physiques et vestimentaires : « femmes libres aux longs cheveux » // dans Beowulf : « la princesse aux beaux bracelets »). Ainsi, elles sont également intégrés au système de droits et devoirs spécifiques liés au système des statuts juridiques. Contrairement à ce que pourrait laisser penser la première impression, elles possèdent donc des droits spécifiques, qui pour celles qui appartiennent aux classes supérieures, peuvent eux-mêmes devenir objets de convoitise et entraîner de nouveaux risques de rapts : elle hérite une partie des biens de son mari, a des biens constitués par la dot et le douaire (expliquer) et son Morgengabe (Don du matin ; présent offert par l’apoux à sa femme au matin de la nuit de noce en compensation de sa virginité, d’où l’importance accordée à sa préservation). Elle peut même (disposition très rare dans les sociétés du HMA) choisir de quitter son époux. Mais même dans ce cas là, elle n’est jamais totalement libre : elle est toujours placé sous la protection d’un homme, son mari, son père ou son frère, son fils adulte. Et c’est cette protection qui fond véritablement le statut juridique et social de la femme.
2- Une protection dominatrice
C’est en effet cette protection des hommes sur les femmes (qui peut se justifier par la violence de la société contre laquelle elles sont peu à même de répliquer seules, du fait de leur éducation) qui fonde la domination des hommes sur les femmes. Une femme n’a pas de statut par elle-même : elle appartient à la classe à laquelle appartient son protecteur. Le problème est donc d’assurer la continuité de cette protection afin d’éviter tout risque de déclassement. On exclue donc de la protection les femmes qui par leur comportement, mettent en danger l’ordre social (§ 73 : seul cas ou la femme est redevable personnellement du Wergeld) => peur traditionnelle de la femme au comportement « masculin ».
De même, dans les cas d’adultère, en plus du rachat de l’honneur du cocu, il faut aussi assurer la sauvegarde de sa protection sur la femme volage, ou assurer le remplacement de la coupable afin de préserver ce droit de protection.
Le principe de protection, par lequel la femme « appartient » à son protecteur, fonde donc une domination masculine forte, mais qui est destinée, paradoxalement, à préserver les femmes d’une domination plus brutale et sans règle : celle du viol, du rapt, de l’appropriation violente qui nuit à la femme, mais aussi à la famille qui perdrait ainsi le prix de la « vente » de sa fille (§ 82-84).
3- Une protection au service d’un projet de pouvoir : la protection de l’Eglise
A côté de cet aspect de protection-domination des femmes, qui pourrait être mise en parrallèle avec celle qui s’exerce sur les serviteurs, moins bien documentée ici, apparaît une autre forme de protection qui tranche par rapport à la tonalité générale du texte, et s’en détache nettement, étant placé en tête. Il s’agit de la protection assurée par la loi aux biens et aux personnes ecclésiastiques. Il est surprenant que dans un contexte de conversion récente, dans une société encore très peu christianisée comme en témoigne le reste du texte, soit ainsi placé en tête ces mesures de protection de l’Eglise.
Cela s’explique bien sûr par le contexte de conversion : il est nécessaire d’assurer la sécurité d’une Eglise encore jeune et mal assurée. Cet article 1 porte d’ailleurs la marque probable d’Augustin et de son entourage romain, puisqu’il envisage des cas (paix de l’Eglise, assemblée = synode) qui ne pouvaient pas encore exister dans le Kent des années 602-603. On a donc ici un exemple parfait de mixte de tradition romaine-chrétienne dans les cas définis, et de tradition germanique dans la mesure où ce sont des compensations, et non des sanctions qui sont prévues.
Par ailleurs, les Wergeld prévus pour l’Eglise sont proches de ceux qui touchent aux biens du roi (cf. assemblées eccl. et royales : compensation de 2 fois). Les deux institutions sont mises en rapport, comme structures d’encadrement de la société, d’une façon encore très fictive dans cette période. Cet article est donc un véritable pari sur l’avenir, plus qu’un reflet de la réalité de l’époque.
Mais il témoigne aussi de la vérité d’une Eglise encore faible et qui, dans le contexte contemporain, a encore besoin de cette protection. Même si dans le futur, elle l’utiliserait pour développer des immunités.
Conclusion :
Ce texte témoigne d’une société en train d’entrée dans le monde de l’écrit, de la romanité, du christianisme, mais qui conserve nombre de traits encore très germaniques. Placée sous l’autorité d’un roi qui apparaît ici moins comme un Herrkönig et plus comme un garant de l’ordre social, grace à son droit de protection, elle se donne à voir comme un monde dans lequel on cherche à contrôler par la transaction et le compromis une violence endémique, mais que la nature de la source amène sans doute à surestimer. La protection, au cœur de ce système, assure ainsi la domination des plus puissants sur les plus faibles qui ont besoin de cette protection.
Cette réalité sociale, qui transcende la division hiérarchique complexe des statuts juridiques, est un trait dominant des sociétés altomédiévales qui s’affirme tout au long de la période.
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Les reines mérovingiennes
27/10/2006 00:55
Illustration : le supplice de Brunehaut, Jean Froissart, Grandes Chroniques de France, manuscrit du XVème siècle.
Intro :
Double compréhension possible du sujet : les épouses des rois mérovingiens (= thème principal) et les princesses mérovingiennes mariées à des rois étrangers (= thème annexe, surtout source d’exemples complémentaires). Pose plusieurs problèmes de définition par rapport à :
- l’identification même de la reine dans une société ou unions multiples et concubinages restent des réalités fréquentes, surtout chez les rois ;
- la place d’une femme dans une société très patriarcale (cf. loi salique) où la femme est une éternelle mineure qui passe du pouvoir de son père à celui de son époux ;
- le devenir des reines une fois libérées de l’autorité de leur mari (veuvage et répudiation)
=> permet d’établir trois catégories selon le rapport des reines à leurs obligations d’épouse du roi et de femmes : les discrètes, les saintes et les femmes de pouvoir, une même femme pouvant passer d’une catégorie à l’autre au cours de sa vie.
Pbic : Pourquoi, dans une société où les femmes sont théoriquement privées de tout pouvoir certaines reines mérovingiennes parviennent-elles à occuper une position de pouvoir et quelle image en ont donné les historiens de l’époque qui sont tous des hommes ?
I- le statut de la reine :
1- La femme du roi :
- position et rôle au Palais / place particulière de la reine dans la dynastie carolingienne du fait de légende des origines (filiation divine par l’intermédiaire d’une femme, cf. Liber Historiae Francorum)
- ascension sociale (Radegonde = captive, Bathilde = esclave)
- alliances étrangères
2- Le problème de la polygynie royale et les implications politiques du mariage :
Exemples : les 7 épouses de Clotaire Ier et les deux mariages de Dagobert, qui correspondent à son passage d’Austrasie en Neustrie.
ð problème de l’absence de règles matrimoniales strictes (deux mariages + concubinages)
ð difficulté à savoir quelles femmes du roi sont ou ne sont pas reines (cf. Radegonde et Arégonde) : début de clarification en cours de période (distinction épouses / concubines) dans un intérêt dynastiques (qui a droit à l’héritage paternel et qui n’y a pas droit)
Renchaînements d’alliance avec l’étranger (wisigoths, lombards) ou au sein de la famille (mariage Chilpéric II _ Bilichilde = tentative de rétablir l’union du royaume et de restaurer la puissance mérovingienne en mettant fin à la dispersion du patrimoine royal)
3- La reine sans le roi : répudiées et veuves :
Ex. : La répudiation de Nanthilde
Clothilde, arbitre de la famille mérovingienne
Vecteurs de légitimité : Waldrade, épouse de Theodebald, est épousée, une fois veuve, par Clotaire Ier quand il s’empare du royaume de son neveu. Elle lui apporte en outre l’alliance lombarde.
Brunehaut et Bathilde : les régentes
II- De saintes reines données en exemple :
1- La reine, vecteur de conversion : Clotilde et Berthe.
2- La reine fondatrice d’abbaye :
- un moyen d’échapper à l’emprise masculine : Radegonde ;
- une voie de garage pour les douairières encombrantes : Bathilde.
=> une forme de pouvoir proprement féminin qui se construit en marge des institutions masculines (la sainteté féminine n’est pas une sainteté efficace) mais rejailli sur l’ensemble de la dynastie, dont ces reines font une « sainte lignée ».
3- Un exemplarité étendue au reste de la société :
Reine veuve = gardienne de la mémoire familiale qu’elle entretient (rôle d’arbitrage : Clothilde) ou qu’elle protège par ses prières (abbesses et nones).
Promotion et préservation de la memoria familiale par les femmes + fondation de monastères familiaux confiés aux veuves mais qui constituent des points d’appui familiaux = repris par les grandes familles aristocratiques (ex. Burgundofara et les Faronides de Meaux, Gertrude de Nivelles et les Pippinides).
III- Le contre modèle : la reine qui exerce le pouvoir :
1- Frédégonde, ou l’ambitieuse :
2- Brunehaut, ou l’hybris :
=> pas de pouvoir proprement féminin, les femmes utilisent les mêmes réseaux et moyens que les hommes, y compris la violence, ce qui explique que leur attitude choque car elle apparaît contraire à la féminité.
3- Un jugement d’hommes sur l’attitude des femmes :
Femmes qui se mêlent du pouvoir masculin = mal perçues, stigmatisées comme des femmes qui se comportent comme des hommes (Brunehaut, // à l’étranger avec Théodelinde chez les Lombards) ou qui abusent de leur charme pour corrompre les hommes (thème classique de la mauvaise conseillère utilisant le vice pour parvenir à ses fins : stéréotype antique de Messaline plaquée sur Frédégonde comme sur ????, femme d’Herménigilde ou la lombarde Rosamonde).
A cette stigmatisation s’ajoute souvent l’accusation sur les origines : Frédégonde ou Bathilde sont des esclaves, Brunehaut est une wisigothe soupçonnée d’avoir importé le morbus gothicus dans le Royaume des Francs, comme la femme d’Herménigilde, franque, est soupçonnée de manipuler son époux pour affaiblir le royaume wisigothique.
=> problème fondamental des mariages diplomatiques qui font de la reine une étrangère à la cour de son mari, sans cesse à la merci d’un possible retournement d’alliance (cf. Beowulf, Galswinthe).
Conclusion :
De par son statut et ses fonctions à la cour, la reine est avant tout une auxiliaire du pouvoir royal, qui lui permet de s’appuyer sur certains puissants lignages, intercède pour les leudes ou participe à la gestion quotidienne du palais. Néanmoins, une fois veuve, la reine peut occuper, en tant qu’abbesse ou en tant que régente de ses fils mineurs, une position éminente qui lui permet de construire un pouvoir spécifique, admis par les hommes quand il se limite au domaine de la religion et du souvenir familial, mais unanimement condamné quand il imite trop les formes du pouvoir masculin. En outre, représentante isolée à la cour d’un groupe familial ou d’une famille royale étrangère, quand elle n’est pas une servante promue par le mariage, la reine reste sans cesse menacée par les cabales et retournement d’alliances.
Reines mérovingiennes : 3 catégories : les discrètes, les saintes et les femmes de pouvoir + femmes de rois étrangers.
Basine, fille du roi des Thuringien, épouse de Chilpéric Ier = discrète
N, fille ou sœur de Sigebert de Cologne = discrète
Clothilde, fille de Gondebaud, roi des Burgondes, veuve consacrée à Tours = sainte
Audoflède, sœur de Clovis, épouse Théodoric Ier, roi des Ostrogoths = femme de roi étranger
Suavégothe, fille de Sigismond, roi des Burgondes, épouse Thierry Ier = discrète.
Guntheuca, femme de Clodomir Ier = discrète
Ultrogothe, princesse gothique, épouse de Childebert Ier = discrète
Clotilde, fille de Clovis, épouse Amalaric, roi des Wisigoths = discrète
Déoteria puis Wisigarde, épouses de Théodebert Ier = discrète
Walrade, fille du roi des Lombards Waccho, épouse Theodebald puis 7ème femme de Clotaire Ier = discrète+victime.
Théodechilde, fille de Thierry Ier, épouse le roi des Warnes = femme de roi étranger.
Ingonde, fille d’un aristocrate rhénan, 1ère épouse Clotaire Ier = discrète
Radegonde, fille du roi des Thuringiens ramenée captive après la défaite de son père, 2ème épouse de Clotaire Ier = sainte.
Arégonde, sœur d’Ingonde et 3ème épouse de Clotaire Ier = discrète.
3 N : 4ème, 5ème et 6ème épouse de Clotaire Ier = discrète
Berthe, fille de Caribert Ier, épouse Æthelbert de Kent = femme de roi étranger + sainte.
Chlodoswinthe, fille de Clotaire Ier, épouse Alboin, roi des Lombards = femme de roi étranger + renchaînement d’alliance
Brunehaut, fille d’Amalaric, roi des Wisigoths, épouse Sigebert Ier , régente de Childebert II, Thierry II puis Sigebert II, puis épouse de Mérovée = femme de pouvoir + renchaînement d’alliance
Audovère, fille d’un aristocrate neustrien, première épouse de Childéric Ier = discrète
Galswinthe, fille d’Amalaric, roi des Wisigoths, deuxième épouse de Childéric = discrète + victime + renchaînement d’alliance
Frédégonde, servante ( ?), 3ème épouse de Childéric = femme de pouvoir
Ingonde, fille de Sigebert Ier, épouse Herménigilde, fils du roi des Wisigoths = femme de roi étranger + femme de pouvoir
Nanthilde, fille d’un aristocrate austrasien (Pépin de Landen ?), 1ère épouse de Dagobert = discrète + victime
Wulfégonde, fille d’un aristocrate neustrien, 2ème épouse de Dagobert = discrète
Bathilde, esclave anglo-saxonne, épouse Clovis II = femme de pouvoir puis sainte
Bilichilde, fille de Sigebert III, épouse Chilpéric II = discrète + renchaînement d’alliance
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La Vie de Saint-Amand
27/10/2006 00:50
Illustration : l'épisode de la résurrection du pendu dans le plus vieux manuscrit de la vie de saint Amand, Valenciennes, Bibliothèque Municipale, ms. 502, fol. 25 v et 26.
Intro :
Le texte est un extrait de la Vie de saint Amand. Cette œuvre fut composée par un disciple d’Amand, moine à Elnone (aujourd’hui Saint-Amand les Eaux), traditionnellement baptisé Beaudémont ou Baldmund. Elle date de la fin du VIIème siècle et est de peu postérieure à la mort du saint.
Elle appartient malgré tout à un genre particulier, l’hagiographie (écrits en rapport avec les saints), qui utilise des codes spécifiques reproduit d’œuvre en œuvre : les topoi. Elle a en outre fait l’objet d’une réécriture partielle à la fin du VIIIème siècle, et le plus vieux manuscrit que l’on en conserve date du XIème siècle (Valenciennes, bibliothèque municipale, ms. 502).Elle doit donc être manipulée avec prudence, car elle ne vise pas à témoigner de la réalité mais d’une vérité d’un autre ordre, la sainteté d’Amand, qui doit servir de modèle aux fidèles chrétiens. D’où l’alternance d’éléments de contextualisation (lieu cité précisément, nom du comte, recours à un témoignage) qui encadrent des passages qui sont en fait des topoi (dureté de la mission, miracle qui entraîne la conversion des foules).
Les événements du texte sont datés du règne de Dagobert, sans qu’il soit précisé s’il s’agit de son règne en Austrasie (623-629) ou sur tout le royaume des Francs (629-639), ils sont avec certitude antérieurs à l’accession d’Amand à l’épiscopat, en 647, puisqu’il n’est pas appelé évêque et dépend d’un autre évêque, Achaire de Noyon.
Cette source est donc un document qui témoigne plus d’une vision idéale de ce que devait être une mission au VIIème siècle qu’un document factuel sur ce phénomène, même si certains éléments d’énonciation apportent des informations exploitables.
Le texte rapporte la façon dont Amand mena une mission dans le pagus de Gandao, c’est-à-dire dans l’actuelle région de Gand, pour y convertir les populations encore païennes et ainsi les intégrer à l’ordre mérovingien. Un miracle lui permet d’obtenir de nombreuses conversions.
Amand était un aquitain né à l’extrême fin du VIème siècle. Très tôt voué à une vie religieuse, il fut marqué par l’exemple de Colomban et décida de mener une vie de missionnaires dans les zones encore mal christianisées du nord des Gaules, essentiellement sur la vallée de l’Escaut. Avec l’appui des aristocraties locales, il fonda un monastère à Elnone (Saint-Amand) pour servir de base à ses entreprises. Son succès se traduisit par le rétablissement du diocèse de Maastricht dont il devint évêque en 647 et la fondation de plusieurs autres monastères avec le soutien de la puissante famille pippinide à Gand (Saint-Bavon et Saint-Pierre au Mont-Blandin) et à Nivelles. Mais il ne put se satisfaire des fonctions d’évêque et abandonnant son siège à un disciple, il reprit la route pour évangéliser les Wascons puis les Slaves. Il mourut en 675 ou 676 en léguant tous ses biens à ses diverses fondations monastiques. Cette œuvre missionnaire se fit donc en collaboration avec le pouvoir royal, dont elle améliorait le contrôle localement, et le grand lignage pippinide qui occupait la fonction de Maire du Palais en Austrasie. Loin d’être isolé, Amand put compter sur l’active collaboration des puissants de son temps.
Pbic : ce texte traduit donc la constante tension entre l’idéal religieux d’Amand, une vie de pénitence menée au service de Dieu, et ses obligations envers les pouvoirs de son temps.
Il faut donc d’abord envisager le saint missionnaire avant d’étudier Amand comme un grand au service du roi, et enfin la tension entre vie de l’esprit et vie politique.
I- Le saint missionnaire :
Toute cette partie s’appuie essentiellement sur les topoi présents dans le texte. Plus qu’un récit des mission d’Amand, elle permet de construire un schéma général de l’œuvre d’un missionnaire au VIIème siècle.
A- La difficulté de l’œuvre missionnaire :
Lieu de la mission : topos du lieu hostile, sauvage, peuplé de barbares païens, reposant sur une opposition civilisation – barbarie issue de l’Antiquité et sur laquelle les hagiographes ont plaqué l’opposition chrétiens – païens.
Image du païen = très stéréotypée, on apprends des rites et coutumes de ces peuples.
Propos à nuancer : on apprend au paragraphe suivant que la zone est administrée par un comte franc. Ce que le texte n’avoue qu’à demi-mot, c’est que la mission d’Amand se déroule au cœur du pays franc salien, et pas dans une terre étrangère et barbare.
De même, ce lieu décrit comme inculte et quasiment désert accueille pourtant en fin de texte une foule venue se convertir => contradiction interne entre deux topoi repris tels quels : le lieu de mission est forcément un endroit très pénibles, pour justifier les souffrances endurées par le saint, mais parallèlement, le succès de la mission exige des conversions nombreuses.
B- La conversion par la persuasion :
L’épisode du miracle qui entraîne l’adhésion spontanée des populations à la foi chrétienne reflète un idéal de la mission : que la conversion soit volontaire et fondée sur la persuasion plutôt que fruit d’une violence politique ou armée. Se traduit pas une image = transformation des temples en église (<> à destruction des temples).
Cela permet aussi à l’hagiographe de mettre l’accent sur les qualités individuelles du missionnaire.
C- le prédicateur :
Le missionnaire est d’abord un homme de parole. Le début et la fin du texte insistent sur ce rôle de messager de la parole du Christ qui intervient en fait après la conversion et non avant :
- début du texte : Amand prêche dans « les localités et les paroisses » : existence de structures paroissiales est un signe que les populations ainsi exhortée par le saint sont déjà chrétiennes.
- Fin du texte : « nourrissant le peuple de la parole sacrée il éclairait les cœurs de tous de la doctrine céleste » : une fois le baptême reçu, ça n’est qu’un premier pas vers une vie chrétienne. Le missionnaire doit œuvrer à l’approfondissement de la foi, à la christianisation des mœurs…
La conversion n’est donc pas qu’un choix personnel de recevoir le baptême. Dans des sociétés marquées par l’importance du groupe d’appartenance, c’est un acte collectif qui engendre des modifications des relations sociales et politiques.
II- Un grand au service du roi :
A- Amand l’aristocrate au service de Dieu :
Mauvais traitements de la part de femme et de paysans : humiliation ultime pour un homme noble et chrétien (paysan = païen, paganus). Par sa mission, Amand se met donc volontairement dans une position d’humilité opposée à l’attitude de la classe à laquelle il appartient. Mais ce faisant, il détourne l’idéal aristocratique dans le domaine religieux, en faisant preuve dans sa foi d’une abnégation parallèle à celle du guerrier au combat. + courage face à des conditions difficiles. => le missionnaire reste un aristocrate inscrit dans une éthique aristocratique de l’agon.
B- L’insertion dans les hiérarchies de l’époque :
Cadre de la mission = un pagus administré par un comte, circonscription fondamentale du RF. Dans une zone privée de structure diocésaine (disparition des cités romaines au moment de l’installation des Francs), le missionnaire dont donc composer avec les autorités civiles qui assurent sa protection.
Il s’intègre dans la hiérarchie politique puisqu’il sollicite l’accord du roi pour mener sa mission, ainsi que dans la hiérarchie politique puisqu’il demande l’accord de l’évêque dont il dépend, Achaire de Noyon. => Elnone est dans le diocèse de Cambrai, mais zone où la vie diocésaine a été très perturbée, les sièges épiscopaux sont donc tenus par des évêques déjà titulaires d’autres sièges plus au sud et à l’ouest, en particulier Noyon souvent associé à Cambrai ou Arras. = zones de reconquête chrétienne.
C- Au nom du roi et avec son aide :
Lettres royales : réalité d’une pratique qui s’oppose à la conversion librement consentie, puisque l’ordre royal consiste à encourager les conversions forcées. Cela suppose que le missionnaire peut recourir à la force armée avec l’aide du comte, donc qu’il collabore avec lui, ce qui explique qu’il apparaisse également dans le cercle de ses conseillers pouvant chercher à influer ses décisions, au tribunal par exemple.
Cette aide du roi s’intègre dans une politique globale d’unification du RF, menée par Clotaire II et Dagobert Ier, et qui s’appuie en particulier sur le réseau épiscopal. Cela exige donc que toutes les populations du royaume soient chrétiennes.
III- La tension entre vie de l’esprit et vie publique :
A- Un missionnaire pas si solitaire :
Le texte affirme qu’Amand est abandonné par ses compagnons, pourtant, au chapitre suivant, ils sont à ses côtés pour assister au miracle. => solitude du missionnaire abandonné de tous = un topos de l’époque, et le fruit d’un genre qui se focalise sur le saint au dépend de son entourage. En fait, l’organisation d’une mission demande un certain personnel de prêtres, diacres et religieux pour mettre en place les bases de la vie religieuse dans les zones de conversion. Cela demande donc aussi des moyens et le soutien d’institutions (diocèse, royauté, grandes familles) capables de les fournir.
B- Le conflit avec le comte : deux idéaux opposés :
Passage consacré à l’intervention d’Amand en faveur d’un condamné à mort = plus original et témoigne de tensions à l’œuvre dans une société en cours de christianisation :
- le comte veut appliquer la mort au nom d’un principe d’utilité sociale auquel s’oppose l’idéalisme pacifique chrétien qui condamne toute mise à mort ;
- Amand, par sa compassion, s’oppose également à la foule qui a torturé le coupable avant de le livrer au tribunal comtal.
- le comte veut appliquer une loi coutumière, instinctive (v. la pression de la foule qui a déjà torturé le coupable et fait pression sur le comte pour obtenir sa mort), tandis qu’Amand est du côté de la loi royale, la loi salique, qui prescrit la réparation pécuniaire plutôt que la vengeance. A une forme d’utilitarisme social (éliminer les criminels pour les empêcher de nuire) s’oppose une autre vision du maintien de l’ordre dans la société : la compensation qui évite le cycle des vengeances.
Tout se passage s’intègre dans une vision chrétienne qui renvoie à plusieurs passage des évangiles : le voleur battu et exécuté rappelle le bon laron de la crucifixion, mais aussi l’image du Christ battu et condamné par la foule pendant la passion. Il est donc l’incarnation du principe édicté par Jésus selon lequel ce que l’on fait aux pauvres et aux souffrants est un bienfait envers le Christ lui-même.
Il y a donc, au-delà des conversions suscitées par la résurrection de l’homme, un projet plus global d’imposer les valeurs chrétiennes comme base des relations sociales.
Conclusion :
Ce texte traduit bien, à travers la personne d’Amand, la tension entre l’idéal chrétien et une société encore partiellement christianisée et que l’œuvre des missionnaires achève de convertir. Ce processus de conversion est à l’œuvre chez les populations encore païennes, mais aussi au sein même de l’espace déjà christianiser, pour y approfondir la foi des laïcs. Cet aspect devient dominant dans les dernières décennies du VIIème siècle, à l’époque où est rédigé ce texte et alors que tout le RF est devenu chrétien. Il annonce la réforme qui sera mise en œuvre au VIIIème siècle.
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L’évêque mérovingien
27/10/2006 00:46
Illustration : saint Eloi ordonné évêque par saint Ouen, miniature du XIVème siècle.
Définition : chef de l’Eglise dans un diocèse, circonscription ecclésiastique calquée sur la cité antique dans laquelle il est le seul habilité à consacrer prêtres et diacres, à confirmer et à bénir les saintes huiles. A l’origine et dans les zones peu christianisées, il est aussi le seul à prêcher et à remettre tous les sacrements (baptême, eucharistie, réconciliation, onction des malades), mais l’extension du christianisme le contraint à déléguer cette autorité aux prêtres paroissiaux.
Contexte : Epoque mérovingienne : 481-751, période qui voit la fusion des élites gallo-romaines, qui s’étaient réservé l’épiscopat, et des élites franques, récemment christianisées et qui y accèdent à partir du début du VIIème siècle. L’Église est un important relais du pouvoir du roi des Francs, en particulier en raison de son maillage territorial qui permet de couvrir tout le royaume. Les évêques sont donc non seulement des personnages religieux, mais aussi des hommes publics servant leur roi. De plus, les missions qui visent à étendre la foi chrétienne contribuent à l’unité d’un royaume de plus en plus pensé comme chrétien et accompagnent son extension dans les terres germaniques restées païennes.
Pbic : tension entre idéal religieux et implications politiques, entre sainteté et vie publique.
Plan : 3 échelles auxquelles appréhender l’action de l’évêque : sur le plan local, dans le cadre du royaume et enfin dans son rapport au monde, à l’espace et au temps.
I- L’évêque en sa cité : l’administrateur local.
A- De son vivant :
a- chef religieux et administrateur.
Par fonction, l’évêque est un chef religieux. L’extrême cloisonnement des Églises aux VIème et VIIème siècles fait même de chaque évêque une sorte de petit chef de son Église, élu par les nobles et les clercs de son diocèse, de petit pape qui définit la doctrine, la discipline, fixe la liturgie… => micro-chrétientés. Pouvoir symbolisé par son trône, la cathedra, d’où il dirige la messe dans son église.
Ex. : Didier de Cahors : développement de la pastorale et des paroisses rurales + réfection des murailles de Cahors et service d’approvisionnement des citadins pauvres durant les disettes.
L’évêque est également un administrateur qui lève les taxes, en particulier les tonlieux, droits de passage aux portes de la ville, sur les ponts, dans les ports…
Pour l’assister dans ses tâches, il est entouré d’un important personnel de clercs qui assurent les offices de la cathédrale et des autres églises et gèrent les biens du diocèse et la cité = les chanoines.
b- Le quartier cathédral, cœur de la cité.
Cité = domaine de l’évêque car comtes résident dans les villae rurales.
L’évêque y est le principal pouvoir et façonne la cité selon les normes et les besoins de l’Église : palais du gouverneur romain ou décurie devient la résidence de l’évêque. Autour du croisement du Kardo et du decumanus, qui définissait le centre de la cité, il réinvestit les centres du pouvoir civil et religieux, transformant basiliques et temples en églises aux usages spécialisés :
La cathédrale, qui est l’église de l’évêque où il célèbre la messe.
Le baptistère, qui est l’église où l’on baptise.
Parfois, d’autres églises dédiées à des saints particuliers.
Ex : Poitiers au VIIème siècle.
Saint-Pierre (Cathédrale)
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c- Le protector civitatis.
L’évêque a une double fonction de protection : religieuse puisque par ses prières et sa vie droite il doit attirer la faveur divine sur la cité, mais aussi concrète en cas de danger la menaçant ou pour obtenir des avantages matériels.
Ex. 1 : pendant la grande faide, lors du siège de Soissons par Childebert, c’est l’évêque de la ville qui se porte à sa rencontre pour négocier la reddition de la cité contre la promesse qu’elle ne serait pas pillée.
Ex. 2 : Ouen, en tant qu’évêque de Rouen, obtint certains privilèges pour sa cité du roi (droit de marché, tonlieu du port).
Ex. 3 : plus fantastique : Marcellus, évêque de Paris, aurait chassé le dragon qui hantait les marécages proches des murailles de la cité (= quartier du Marais) => symbole du paganisme.
B- Et après sa mort :
a- De saints évêques, protecteurs de leur cité.
Ce rôle de protection se perpétue au-delà de la mort, surtout si l’évêque, par la pureté de sa vie a mérité d’être considéré comme saint. Sur les tombeaux des premiers évêques de chaque cité et d’évêques remarquables s’élèvent des basiliques funéraires, hors les murs car à l’époque les cimetières sont hors des villes, où l’on rend un culte à ses saints évêques qui continuent à veiller sur leur cité et à intercéder pour elle dans la mort.
Ex. : Saint-Martin de Tours, Saint-Rémi de Reims, Saint-Germain d’Auxerre, Saint-Gerry de Cambrai, Saint-Vaast d’Arras, Saint-Marcel de Paris, Saint-Arnoul de Metz….
b- L’inhumation ad sanctos et le développement des basiliques funéraires.
La croyance dans les pouvoirs miraculeux de ces saints évêques provoque l’essor des basiliques funéraires, en particulier en raison des rites funéraires : situées hors les murs, elles autorisent l’inhumation ad sanctos des fidèles, ce qui est impossible dans la cathédrale. Commence alors une compétition entre les évêques et les communautés de moines groupées autour de ces tombeaux pour le contrôle des reliques, d’autant que l’espoir des miracles fait venir des pèlerins parfois de très loin (Saint-Martin). Les évêques assurent la promotion de ces saints par des écrits (Grégoire de Tours compose une Vie et des Miracles de saint Martin). Quand les communautés restent peu développées, comme à Saint-Géry de Cambrai, ils en gardent le contrôle, mais quand elles se structurent autour d’une règle, elles leur échappent pour former un monastère, comme à Saint-Vaast d’Arras.
Maître de sa cité et en partie du territoire qui l’entoure, l’évêque est un rouage essentiel de l’administration du royaume.
II- L’évêque et le roi : un royaume chrétien ?
A- le conseiller et l’auxiliaire du roi :
Tradition inaugurée par Rémi de Reims aux côtés de Clovis et poursuivie par Grégoire de Tours auprès, entre autre, de Gontran de Bourgogne.
Particulièrement remarquable sous les règnes de Clotaire II et Dagobert Ier (613-629 et 629-639), avec toute une génération de jeunes issus de la noblesse, élevés au palais, qui remplissent des fonctions palatines puis sont nommés évêques et constituent un réseau d’administrateurs efficaces et d’une grande fidélité envers le roi : Eloi de Noyon-Arras, Ouen de Rouen, Didier de Cahors, Arnoul de Metz pour citer les principaux.
Tradition de l’élection de l’évêque est battue en brèche par l’habitude prise par les rois de désigné un candidat qui est ensuite docilement élu par le clergé et le peuple de la cité.
B- la critique des puissants au risque de la mort :
Néanmoins, cette collaboration ne se fait pas toujours sans problème, car les évêques peuvent entrer en rivalité avec les comtes.
Affaiblissement du pouvoir royal après la mort de Dagobert entraîne un affaiblissement politique de l’épiscopat qui était son principal soutien.
Ex : Arnoul de Metz, imposé comme évêque par le roi, est chassé de sa cité par une révolte qui lui donne un successeur issu de clergé local.
Les évêques se trouvent pris dans tourbillon des ambitions et des affrontements pour le pouvoir.
Ex. Didier d’Autun, prélat bourguignon fidèle aux maires du Palais austrasiens Pippinides et supplicié sur ordre du maire du Palais neustrien Ebroïn, issus du d’un lignage opposé.
C- les risques de l’accommodation avec le pouvoir : un clergé corrompu et illettré ?
Les sources du milieu du VIIIème, à l’époque où siècle les Carolingiens s’emparent du pouvoir et lancent la réforme de l’Église franque, donnent une vision catastrophique de l’épiscopat franc après un siècle de crise : plus de synode ou de concile depuis les années 650, des évêques illettrés, vivant avec leur femme et plusieurs concubines, préférant la chasse et la guerre à la messe, s’appropriant sans vergogne les biens de leur église pour leur profit et celui de leur famille.
Certes, il y a des cas biens avérés d’évêques incompétents ou inaptes, comme l’évêque de Rouen Ragenfred, qui fut déposé en 755, et qui est qualifié d’évêque « illettré et incompétent ». Mais le patrimonialisation des charges épiscopales, si elle a bien entraîné une baisse du niveau religieux et culturel des évêques, n’a pas toujours été systématiquement synonyme de corruption et de simonie : les biens des diocèses sont restés dans l’ensemble bien gérés dans l’intérêt des familles qui occupaient les sièges épiscopaux. (ex. Zacconides de Coire).
Cette crise de l’épiscopat franc dans la deuxième moitié du VIIème siècle montre son lien étroit avec la royauté. Mais elle est aussi le reflet de critiques adressée par des hommes issus de l’autre grande force de la chrétienté : le monachisme, qui a un projet qui entre partiellement en rivalité avec celui des évêques. Enfin, elle vient s’insérer entre deux grandes phases missionnaires et n’entraîne pas, paradoxalement, l’arrêt des missions , mais plutôt un changement de leur nature.
III- L’évêque missionnaire et prédicateur : l’ouverture sur le monde.
A- Des hommes de culture et d’écrit, héritiers de l’aristocratie gallo-romaine :
Cf. Grégoire de Tours, Vénance de Poitiers.
But de l’érudition, du travail des lettres : améliorer l’administration et la prédication, arme essentiel de la mission. Trois des grands évêques du VIIème siècle sont des Aquitains à une époque où l’Aquitaine est un conservatoire des savoirs antiques : Didier de Cahors, Eloi de Noyon et Amand de Maastricht.
B- La mission : au nom de Dieu et du roi : Mission = mouvement essentiel des VIème et VIIème siècles, dans une Église qui se voit comme en mission permanente pour achever la christianisation du monde. Idéal de la peregrinatio pro Deo, de la mise en danger au service de la foi, qui porte à des missions lointaines parmi des peuplades barbares, mais aussi service du roi dont le but est d’entretenir l’unité du royaume. Or, la christianisation des peuplades encore païennes est un moyen de cette unité autoiur du roi des Francs chrétiens.
Il faut distinguer mission dans le royaume (l’essentiel dans la période) dont le but est d’achever sa christianisation, et missions en marches, qui accompagnent les premières tentatives d’expansion à l’Est (cf. saint Wulfran en Frise, saint Amand chez les Wascons et les Slaves). Paradoxalement, la crise de l’épiscopat coïncide avec l’achèvement de la christianisation du monde franc. Dès lors les missions sont plutôt menées hors du royaume, en collaboration avec les pouvoirs qui soutiennent l’expansion, comme les Pippinides en Austrasie ou les Odonides en Aquitaine. Ces missions hors du royaume attire la collaboration de missionnaires étrangers, en particulier anglo-saxons (Wilfrid, Boniface), qui deviennent évêque dans le RF (Wilfrid = évêque d’Utrecht) et sont ensuite à l’origine de la réforme de l’Église franque.
C- La concurrence des moines colombaniens.
Cette influence insulaire est déjà perceptible dans la première moitié du VIIème siècle avec la mission de Colomban, moine irlandais venu approfondir la foi des grands dans le royaume des Francs. De son action naît un monachisme iro-franc qui contribue à l’achèvement de la christianisation des Gaules par un réseau dense de monastères et d’églises rurales fondés sur les propriétés des grands. Mais ce mouvement se heurte aux évêques qui y voient une menace : en effet, les monastères colombaniens sont exempt de l’ordinaire, donc ne dépendent pas de l’évêque du diocèse, et les églises fondées par les grands sont des églises privées régies par le droit de patronage. De larges fractions des diocèses échappent donc aux évêques, ce qui explique aussi leur affaiblissement. Colomban est chassé d’Austrasie par un synode d’évêque.
Mais l’opposition ne dure pas, les colombaniens s’intègrent dans le paysage franc et certains d’entre eux, comme Amand, deviennent évêque, prouvant que épiscopat et monastère pouvait œuvrer ensemble à une meilleure administration de l’Église et à l’œuvre missionnaire.
Conclusion :
Très lié au pouvoir royal, l’évêque mérovingien voit on influence régresser avec lui au profit des moines, soutien des grandes familles aristocratiques. Si l’époque mérovingienne a été celle des saints évêques, cette sainteté est à relativiser, car l’évêque reste avant tout un noble et un grand administrateur fidèle à son roi autant qu’à Dieu et très impliqué dans les affaires de son temps. Cette sainteté active, au service du pouvoir mais aussi du peuple ainsi administré et protégé, est la conséquence de la tension constante entre idéal religieux et réalité politique à laquelle se confrontaient quotidiennement ces hommes.
Commentaire de Charles (25/10/2007 20:05) :
Les eveques avaient beaucoup plus de pouvoir que les rois en place comme
Clovis ou Thierry IV. Ce sont surtout les rois faineants et ce
a partir de l'an 657 compte tenu des 17 souverains Mérovingiens
francs.
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Qu'est-ce qu'une cité ?
09/10/2006 03:15
Illustration : Psautier d'Utrecht (IXème siècle).
Le terme étant déjà revenu à plusieurs reprises dans le TD, quelques éclaircissements :
la structure de la cité (civitas) vient de l'Antiquité même si elle est modifiée par les mutations qui interviennent aux Vème siècle. A l'origine, la cité est un ensemble constitué par un centre urbain et les terres environnantes (pagus) que ce centre contrôle. La cité est la base de l'administration de l'Empire romain. Elle était dirigée par une curie municipale qui était une assemblée de notables.
Avec la fin de l'empire, les curies municipales disparaissent. La centre urbain de la cité est devenue, depuis le IVème siècle, la résidence de l'évêque, qui est chef de l'Eglise dans tout le pagus. Avec la disparition des autres pouvoirs, il devient l'administrateur des cités, tandis que le pagus passe sous le pouvoir du comte, qui réside dans des centres ruraux.
Ainsi, au fil du VIème siècle, le terme cité en vient à désigner le seul centre urbain, qui comprend en général un castrum (ensemble fortifié qui en assure la défense), le quartier cathédral, où réside l'évêque et son clergé, des quartiers résiduels voués au commerce et à l'artisanat et des bourgs monastiques qui se forment autour des tombes des saints évêques enterrés hors des murailles.
La pagus correspond alors à deux réalités distinctes :
- sur le plan ecclésiastique, il constitue le diocèse, c'est à dire la juridiction canonique, de l'évêque.
- sur le plan administratif, il constitue le comté, administré pour le roi par le comte.
La taille des cités varie énormément selon les régions. Elles sont très petites (l'équivalent d'un canton actuel) en Provence, immense (équivalente à deux ou trois départements actuels) dans le centre et l'Ouest des Gaules. Souvent, dans le reste des Gaules, elles correspondent globalement aux départements actuels.
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