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Les capitulaires saxons
26/11/2006 18:42
Intro :
Deux textes qui sont des capitulaires, c’est-à-dire des textes législatifs ou réglementaires qui reçoivent leur nom de leur structure en brefs chapitres. = forme typique de la législation carolingienne.
3 grands types de capitulaires :
- les capitularia ad legem addenda, textes législatifs qui complètent la loi salique ou une autre législation nationale en vigueur dans le royaume des Francs.
- les capitularia missorum : circulaires servant d’instruction et de pense bête aux missi dominici.
- les autres capitulaires qui peuvent être des textes réglementaires consacrés à un sujet précis (les capitularia des Villis ; les capitularia de exercitu promovendo), des diplômes de concession de droits très détaillés (le capitulaire des Hispani) ou des traités internationaux (le pactum veneticum ou le pactum Hludowicianum).
Les textes ici donnés appartiennent à la première catégorie.
Les capitulaires sont placés sous l’autorité du souverain qui en est l’auteur théorique. Mais ils sont le fruit d’une œuvre d’élaboration collective, par les grands laïcs et ecclésiastiques, dans le cadre des plaids généraux (grandes assemblées réunies sous la présidence du roi pour la convocation et la dissolution de l’armée, en mai-juin et en septembre-octobre, à laquelle devaient assister tous les comtes, évêques, abbés et vassaux du roi, pour y délibérer des affaires du royaume) => « il a plu à tous que… » « A l’ordre du roi s’étant assemblés, au palais d’Aix, les vénérables abbés …. » Le fruit de ces délibérations est réuni dans un texte qui est lu en public par le roi (adnuntiatio). C’est la parole du roi (verbum regis) qui lui donne force de loi (= promulgation).
Le premier s’intègre dans le contexte de la conquête de la Saxe, entamée par Charles dès 771, et intensifiée au début des années 780. Á partir de 782, les nobles saxons se rallient progressivement à Charles et commencent à se convertir. En 785, seul Widukind et ses proches poursuivent la lutte en Nordalbingie. En avril, ce dernier négocie sa reddition. Il reçoit le baptême à Attigny le 23 mai, jour de la Pentecôte, alors que Charles tient son plaid général. Le capitulaire doit donc avoir été rédigé dans les jours qui suivirent cet événement qui consacrait l’annexion de la Saxe au royaume des Francs.
Le second intervient alors que la situation de la Saxe semble se normaliser. Il est daté très précisément du 28 octobre 797. En fait, les assouplissements apportés au régime de 785 incitèrent certains saxons à se révolter au printemps 798, qui se prolongea sporadiquement jusqu’en 802 et fut le dernier grand mouvement d’opposition saxon à la conquête, preuve qu’à cette date, la majorité des Saxons avaient déjà accepté le pouvoir du roi des Francs.
Ces textes montrent l’alliance étroite entre conquête franque et conversion au christianisme, entre christianisation et insertion dans les structures administratives et légales franques et enfin l’évolution d’un statut d’exception dans une terre récemment conquise vers une normalisation et le retour au droit commun.
Pbic : La conquête et la christianisation de la Saxe permettent son intégration au monde franc et, en retour, la consécration de certaines coutumes saxonnes par la loi carolingienne. Pourquoi était-il donc si essentiel pour Charlemagne de convertir les Saxons ?
I- La Christianisation de la Saxe, prolongement de la conquête :
A- La Saxe, terre païenne :
3 éléments semblent, dans le texte, caractériser le paganisme saxon : texte 1, c. 1 : les temples, les idoles (= deux stéréotypes du paganisme) et texte 1, c. 4 : la crémation des défunts (mais problème : archéologue retrouvent traces d’inhumation en Saxe dès le VIIème siècle) => probablement coutume restée en vigueur dans le petit peuple.
Justification de la conquête = conversion des païens au service de l’Église.
B- Une christianisation violente et forcée fondée sur la menace de mort :
- obligation de la conversion (texte 1 cap. 4) sous peine de mort qui rappelle le massacre de Lippespring de 781.
- Répression violente de toutes les atteintes au christianisme (texte 1, c. 1-3 : destruction des églises, vol du mobilier liturgique, atteinte au clergé).
- La peine de mort apparaît comme la punition normale pour les païens, plus proches de l'animal que e l'homme (d'autres textes comparent les Saxons à des chiens qu'il faut dresser)
C- Une conversion religieuse et politique :
Caractère ambigu de ces mesures qui peuvent aussi avoir un sens politique :
- les clercs, dont le meurtre est puni, sont aussi des agents du roi ;
- texte 1 c. 5« quiconque complotera avec les païens » : menace pour l’ordre public (poursuite de la résistance dans quelques poches isolées, surtout en Nordalbingie) et danger de trahison (alliance avec les Danois et les Slaves restés païens contre les Francs) => rester païen est une atteinte à la sécurité du royaume.
- Texte 1 c. 6Manquement à la fidélité au roi = punie comme les manquement à la foi, car en latin, foi et fidélité se disent pareil (fides). Le fidelis est aussi bien le chrétien que le fidèle du roi. Le chrétien, qui a la foi, est celui en qui l’on peut avoir « confiance » (cum fide) alors que le païen est par nature perfide (m. à m. « sans foi »), donc sa fidélité ne vaut pas. Celui qui n’est pas fidèle au roi est donc suspect d’être païen.
La conversion de la Saxe avait donc des motivations religieuses, mais c’était également un moyen pour Charlemagne d’y instaurer l’ordre politique franc.
II- La mise en place des institutions franques :
A- La mise en place de l’administration franque :
Surtout texte 1 + chapitre 1 et 7 du texte 2 :
Comtes (francs nommés en Saxe pour y assurer l’administration, dans des circonscriptions plus vastes que les comtés du cœur du royaume), missi dominici (très importants dans une zone vaste et sous-administrée où ils servent de relais entre le roi, les comtes et la population), plaids comtaux = tribunal (remarquer que le texte 1 instaure les peines et en même temps les juridictions qui seront chargées de les prononcer), prêtres qui ont un rôle de surveillance, et qui annoncent la mise en place de structures épiscopales et la coopération des comtes et des évêques dans l’administration.
Ban du roi + service = convocation à l’armée pour y effectuer le service militaire du par les hommes libres.
B- La mise en place d’une législation inspirée de la loi franque :
Texte 2 c. 1 : réaffirmation du 1er devoir du roi chrétien = protection des plus faibles. Structure typiquement carolingienne que les capitulaires ne cessent de reprendre qui sont également un signe d’approfondissement de la christianisation de la Saxe.
L’interdiction du rapt et de la violence privée est également un classique de la législation capitulaire qui réserve le monopole de la violence à l’État et au roi.
Les dispositions des c. 3 et 4, relative à la compensation, sont issues des lois saliques et ripuaires, les deux grands codes francs sur lesquels se fonde la justice carolingienne.
C- L’intégration de la Saxe au royaume des Francs :
Le c. 3 du texte 2 place les Saxons sur un pied d’égalité légale avec les Francs. Le c. 1 montre qu’en 797, la situation en Saxe était assez normalisée pour que les hommes libres saxons soient convoqués à l’Ost franc sans que Charlemagne ne craignent qu’ils ne trahissent ou se retournent contre lui.
Cette évolution se traduit par les liens qui se créent très vite entre noblesse franque et saxonne. Par exemple, Widukind, d’abord relégué dans un monastère, est libéré dans les années 790 et devient comte en Saxe. Il resta toujours fidèle à Charles par la suite. Ses descendants épousèrent des franques.
Le deuxième texte témoigne de cette évolution, en particulier par le biais du principe compensatoire, qui est un signe de christianisation (v. le cours sur les lois d'Ethelbert et celui sur la Vie de saint Amand.)
III- Les coutumes saxonnes, de la condamnation du paganisme à la rédaction de la Loi des Saxons :
Evolution : le premier texte est imposé par les Francs et Charlemagne, le second est issu d’une délibération commune des grands du royaume et des « Saxons des divers cantons » (c'est-à-dire les délégués de la noblesse saxonne désigné par comtés, pagus).
A- Des coutumes nationales condamnées au nom du paganisme :
Texte 1 en général, et plus particulièrement le c. 7, qui interdit les assemblées traditionnelles, qui étaient la base de la vie publique en Saxe et associait délibérations collectives sur la gestion du groupe et rites propitiatoires païens. Ces assemblées des nobles de chaque région de Saxe avaient un rôle essentiel pour le gouvernement d’un ensemble qui ne devient jamais une royauté unifiée mais resta toujours une confédération tribale. Elles sont donc supprimées et Charlemagne leur substitut les tribunaux comtaux francs => briser les cadres de vie et solidarités traditionnels.
Mais les Carolingiens n’avaient pas les moyens matériels, et sans doute pas la volonté, de transformer les Saxons en Francs. Ils les intégrèrent à leur univers politique tout en conservant certaines de leurs traditions sur lesquelles ils pouvaient appuyer leur gouvernement, notamment en réaffirmant la structure sociale distinguant les nobles, les libres et les lites (semi-libres attachés à un maître), ce qui leur permettait de s'appuyer sur ls premiers pour tenir les autres.
B- Le retour des assemblées saxonnes en 797 :
Les Saxons des cantons qui participent à l’assemblée d’Aix sont issus du même type d’assemblées, qui au temps de l’indépendance, désignaient les délégués qui se rendaient à la grande assemblée annuelle à l’Irminsul. Mais la structure est réaménagée dans le cadre du royaume des Francs, et les délégués ne se rendent désormais plus dans un lieu de culte païen symbole de la nation saxonne, mais dans le centre du pouvoir politique et religieux du roi des Francs.
Les assemblées locales réapparaissent également sous l’appellation de plaids dans le c. 8 (« qu’alors les hommes du canton se réunissent en commun plaid ») mais sans mention du comte, ce sont donc des assemblées distinctes du plaid comtal. Elles ont néanmoins des prérogatives judiciaires dans un cadre légal qui ressort de la coutume saxonne.
C- La codification de la loi saxonne :
Á la période de la conquête durant laquelle les Saxons sont soumis brutalement à la loi franque succède une période de reconnaissance qui voit la prise en compte puis la mise par écrit des coutumes judiciaires saxonnes. Le c. 8 en est un exemple très net puisqu’il décrit une procédure pour faire appliquer une décision de justice qui n’existe ni dans la loi salique ni dans la loi ripuaire, et qui doit donc être typiquement saxonne (on sait qu’elle l’est car elle apparaît ensuite dans la version rédigée de la Loi des Saxons).
Cette loi saxonne est citée nommément dans le c. 7. En fait, au moment où le texte est écrit, ça n’est pas encore une loi écrite, mais un ensemble de coutumes orales qu’ont commencé à rassembler les comtes exerçant en Saxe. Elle fut mise par écrit après 802, lorsque Charles, lors d’une assemblée tenue à Aix, décida de faire mettre par écrit, sur le modèle des lois franques, toutes les lois du royaume.
Dans un souci d’efficacité administrative, les Francs laissèrent donc en place un certains nombres de coutumes et de pratiques locales qui pouvaient servir de relais à leur pouvoir. En retour, les populations locales acceptaient mieux une domination qui, en respectant leurs particularismes, se faisaient moins oppressante. L’unité qui manquait à la Saxe au temps de son indépendance prit alors corps autour du christianisme et du service du roi carolingien.
Conclusion :
Les liens étroits tissés entre la dynastie carolingienne et l’Église, plus substantiels qui ceux qui avaient existé sous les Mérovingiens, orientèrent toute l’idéologie politique de la période. Le roi carolingien, protecteur de l’Église, se devait de convertir les païens et de les intégrer à son royaume. On observe une confusion entre royaume des Francs et chrétienté, les sujets du roi étant forcément chrétiens. Ce principe fondait le lien de fidélité qui devait unir les sujets à leur souverain et se fondait sur la foi partagée. Ainsi les rois carolingiens pouvaient-ils adresser leurs actes solennels à « tous les fidèles de Dieu qui sont aussi les nôtres. »
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Le règne de Rothari d’après le pseudo-Frédégaire et Paul Diacre
26/11/2006 18:35
Introduction :
Deux textes témoignant du règne du roi Lombard Rothari (636-652) tirés de deux œuvres composées à des dates et en des lieux différents et présentant des projets historiques distincts : la Chronique dite du pseudo-Frédégaire et l’Histoire des Lombards de Paul Diacre.
La première est une chronique universelle qui se veut la continuation de l’Histoire d’Orose et de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours. Le nom de Frédégaire, à qui elle a été attribuée au XVIème siècle, est en fait le nom du scribe qui en recopia le manuscrit au VIIIème siècle. C’est en fait une œuvre composite qui relate l’histoire du royaume des Francs et de ses voisins de 591 à 769, et est due à plusieurs auteurs différents. La partie qui nous intéresse ici a été écrite en Bourgogne, le royaume mérovingien le plus proche du royaume des Lombards, par un auteur qui était sans doute un clerc ou un moine et qui était très attaché à la morale chrétienne, qu’il n’hésite pas à utiliser pour disqualifier les rois ou les grands dont l’action lui déplait. Il écrit dans la seconde moitié du VIIème siècle, soit très peu de temps après les événements, mais son récit est triplement orienté :
- parce qu’il est Franc et donc opposé aux Lombards ;
- parce qu’il est catholique et donc opposé aux ariens ;
- parce que son projet historiographique est d’abord un projet chrétien de défense et d’illustration de la morale ecclésiastique.
La seconde est une histoire nationale, la plus tardive écrite puisqu’elle date des années 780’s par Paul Diacre, lombard exilé à la cour de Charlemagne après l’invasion de l’Italie par les Fracs (774). Ce décalage correspond à l’histoire même des Lombards, derniers venus des envahisseurs germaniques qui n’entrent en Italie qu’en 568. L’histoire de Paul Diacre reprend les topoi du genre, puisant chez Jordanès, Grégoire, Isidore et Bède. Sa première partie, qui rapporte le périple des Lombards de Scandinavie jusqu’en Italie est totalement mythique. Par contre, la seconde partie, consacrée à l’histoire du royaume lombard en Italie est très documentée, appuyée sur des documents que Paul Diacre cite (comme le prologue de l’Edit de Rothari dans le texte). Les faits sont donc fiables, mais le projet idéologique double (les Lombards sont élus de Dieu pour gouverner l’Italie : malgré leur arianisme ils étaient destinés à devenir de bons catholiques) et le contexte de rédaction (alors que les Lombards ont été vaincus par les Francs) en font une défense et illustration du peuple lombard, une sorte de panégyrique funèbre rendant un dernier hommage à la grandeur du peuple vaincu.
Ces deux textes sont complémentaires dans l’ensemble, même si ils s’opposent sur certaines appréciations. L’un complète les silences factuels de l’autre. Ils rapportent la façon dont Rothari, après avoir obtenu le trône des Lombards en épousant le veuve du précédant roi, gouverna le royaume, l’agrandit, mais eut un mode de vie peu en accord avec les préceptes de l’Église.
Le règne de Rothari est une période charnière dans l’histoire du royaume des Lombards : il met fin à l’époque de la conquête et consacre l’installation définitive des Lombards en Italie. Libérés des menaces franques et byzantines par la crise que traverse ces deux ensembles, ils peuvent organiser leurs conquêtes. Cette période de stabilisation ouvre la voie à la conversion au catholicisme de ses successeurs et à l’intégration complète des Lombards à la société italienne. Mais il souligne aussi l’inachèvement de ce projet politique : lui comme ses héritiers ne parviennent pas à éliminer la présence byzantine en Italie, ni à s’emparer de Rome, symbole de l’unité italienne.
PB : Dans ce contexte, les enjeux du règne de Rothari étaient doubles : achever autant que possible l’unité du royaume et lui donner la stabilité nécessaire à son maintien, alors que les Lombards, derniers venus, n’avait jamais eu l’expérience de la société romaine.
Plan : 1- le royaume 2- la royauté (= deux parties descriptives) 3- le roi (partie + critique).
I- Le royaume des Lombards dans le deuxième tiers du VIIème siècle.
A- Un royaume encore morcelé :
« un des ducs du territoire de Brescia » : royaume des Lombards est divisé en 12 duchés = grandes unités territoriales gouvernées par un chef de guerre (dux) qui y tient aussi l’administration civile. Chaque duché est divisé en gastaldies, unités plus petites, autour d’une cité. A l’origine, les ducs étaient les compagnons d’armes du roi, et les gastalds les compagnons d’armes des ducs. Cette structure est donc calquée sur celle de l’armée. Les duchés avaient une grande tradition d’autonomie dans la mesure où, de 574 à 584, les ducs gouvernèrent le royaume sans roi. Cette autonomie reste forte dans les duchés méridionaux, coupés du reste du royaume par les terres byzantines. L’unité du royaume est symbolisée par la cité de Pavie, résidence du roi, où se réunit l’armée lombarde avant chaque campagne.
En fait, Frédégaire comprend mal la structure lombarde, il faut plutôt comprendre « un des Gastalds du duché de Brescia ».
B- Une société divisée mais en voie de réunification :
« en ce temps presque toutes les villes du royaume avait deux évêques… » : en s’installant en Italie, les Lombards ont repris à leur compte la stricte séparation entre catholiques et ariens qu’avaient instaurés les Ostrogoths. Néanmoins, cette coupure de la société ne survit pas à l’épreuve du temps : « Gondeberge, qui était chrétienne »= catholique (pour le pseudo-Fred., les ariens sont des polythéistes). : pour des motifs diplomatiques, les rois lombards épousent des femmes de la noblesse romaine ou des princesses franques, qui sont catholiques et cherchent à les convertir ou au moins à les influencer. « l’évêque arien de cette ville, Anastase, s’étant converti » : les cas de conversions personnelle se multiplient, rendant caduque la définition des statuts par la religion, puisqu’il y a des lombards catholiques et des romains ariens.
ð fusion progressive des élites (cf. Anastase : nom romain, donc ou c’est un lombard qui a un nom latin (nbx cas attestés, dont Paul Diacre lui-même), ou c’est un romain devenu arien).
ð Mais la fusion reste incomplète en Italie en raison de la présence byzantine qui crée une confusion.
C- Un royaume à l’unité territoriale encore inachevée :
Il y a deux catégories de Romains en Italie : les sujets autochtones du roi des Lombards, et les « Romains de Ravenne » = populations placées sous l’autorité de l’empereur d’Orient depuis la reconquête justinienne des années 550, en particulier dans l’exarchat de Ravenne, qui est au contact direct des Lombards, et dont dépend le duché de Rome, où le pape est un simple fonctionnaire byzantin. 2 conséquences :
- les Romains de l’intérieur sont tjs + ou – suspectés de trahison ;
- Un des grands buts des rois Lombards, qui leur permet d’unifier leur peuple autour d’un projet commun, est la conquête de toute l’Italie. Rothari s’y illustrent particulièrement :
Le ps-Fred s’intéresse particulièrement aux conquêtes septentrionales de ce roi, qui permettent aux Lombards de supprimer les dernières cités-tampons byzantines subsistantes entre leur royaume et celui des Francs => intérêt direct pour un Franc de Bourgogne.
Paul Diacre signale cette intervention en Ligurie, mais s’intéresse surtout aux expéditions contre l’exarchat (Odierzo et bataille de la Scultenna) qui s’intègrent dans ce projet d’unification.
Ce projet fédérateur destiné à unir les Lombards derrière leur roi conduit à s’interroger sur la nature du pouvoir de ce dernier.
II- La royauté lombarde : une royauté élective, guerrière et justicière.
A- Un roi chef de guerre élu par l’armée des Lombards :
« un homme courageux » + récit des campagnes militaires = Rothari est d’abord un chef de guerre menant son peuple à la bataille. Victoire militaire = meilleur moyen pour un roi lombard de se maintenir (insistance sur le caractère éclatant de la victoire de la Scultenna : 8000 morts, chiffre non fiable à prendre pour sa valeur symbolique : un très grand nombre)
Paul Diacre est peu dissert sur les modalités de son choix (mais il a déjà expliqué auparavant comment est choisi le roi des Lombards). Le ps. Fred, moins coutumier de fait, habitué qu’il est à la succession dynastique mérovingienne, s’attarde sur le fait que Gondeberge lui promet « qu’avec son aide il serait élevé au trône par tous les Lombards » et qu’il fut en effet « à l’instigation de Gondeberge élevés sur le trône par tous les grands des Lombards » => cérémonie à rapprocher de l’élévation au pavois de Clovis. « Tous les Lombards » = l’assemblée des Arimani (mot à mot les « hommes de l’armée ») ou Thinga = convocation de l’armée à Pavie + assemblée politique ou sont discutées les grandes questions concernant le gouvernement du royaume. C’est dans ce cadre que le roi est élu.
Mais aussitôt élu, Rothari « fit périr un grand nombre de nobles qu’il savait être ses ennemis », signe que sa légitimité, fondée sur la seule élection restait insuffisante pour tenir tête au grand.
B- La légitimation par les femmes :
Le déficit de légitimité de la royauté lombarde, en grande partie liée au principe électif et au système des duchés, beaucoup de ducs étant plus puissants que le roi, est compensé par le choix d’épouse incarnant la continuité de la succession royale depuis la période dynastique (période qui s’achève avec Alboin, + en 572, le conquérant de l’Italie). v. généalogie.
Ps. Fred : mise à l’écart de Gondeberge : la femme légitime le pouvoir mais n’y participe pas.
La force militaire (« inspira une certaine crainte ») et le mariage avec une héritière royale était les deux piliers qui permettaient au roi d’assurer sa mission, qui était d’abord de maintenir l’ordre symbolique de la société.
C- Un roi justicier garant de la paix civile :
« Désirant la paix, il établit dans tout le royaume une très forte discipline… » + « suivant les sentiers de la justice » : dans le contexte d’un royaume divisé en douze unités territoriales susceptibles d’entrer à tout moment en conflit entre elle, le rôle du roi est d’abord de maintenir la paix intérieure du royaume, notamment en offrant un exutoire guerrier à ses sujets, mais aussi en contrôlant les ducs par la menace : épisode D’Aion, fils d’Arichis de Bénévent, qui se rend auprès du roi : tous les fils de ducs sont élevés à la cours, où ils lient des liens perso avec le roi, mais où ils servent aussi d’otage en cas de rébellion de leur père.
Mais cette paix civile doit aussi être garantie à tous, par la loi : « il mit par écrit les lois des Lombards… » Prenant acte de la fusion à l’œuvre dans son royaume, Rothari édicte une unique loi, qui matérialise la stabilisation du royaume, et qui est en réalité un mixte de la loi lombarde orale et du droit romain, pour tous ses sujets. (mais il est normal que Paul Diacre insiste sur le caractère lombard de cette réforme).
Cette façon de voir de Paul Diacre incite à porter un œil plus critique sur ces documents pour en tirer un bilan du règne de Rothari.
III- Le règne de Rothari : un bilan contrasté.
A- Le Rothari de Paul Diacre : un législateur héritier de Rome.
Pour Paul Diacre, Rothari est l’un des fondateurs du royaume lombard par son œuvre législative, d’où les précautions oratoires qu’il prend dès le début du récit de son règne pour le racheter malgré son arianisme : en particulier, bien qu’hérétique, Rothari « marche sur les sentiers de la justice », comme un bon chrétien. Il s’abstient également de mentionné que son inhumation ad sanctos se fait à proximité de la cathédrale arienne de Pavie.
Son œuvre législative est doublement fondamentale pour Paul : 1- la rédaction de ce « code » élève les Lombards au même rangs que les autres peuples germaniques (cf. Code d’Euric) ;
2- en faisant acte de législateur, Rothari se hisse au rang de l’empereur, qu’il imite d’ailleurs formellement en donnant au code le nom d’« édit » = loi impériale romaine.
Cette exaltation du caractère lombard de son œuvre éclate dans la datation utilisée par Paul : il ne date pas par le Christ ou les règnes impériaux, comme c’est ma coutume au VIIIème siècle, mais en année depuis « l’arrivée des Lombards en Italie ». Le chiffre de 75 ans retenu a d’ailleurs une forte valeur symbolique.
B- Le Rothari du ps. Fréd. : un tyran brutal et sanguinaire.
Au contraire du Lombard Paul Diacre, le ps. Fred. se montre très critique envers Rothari, utilisant en particulier la morale conjugale comme arme pour attaquer de façon détournée sa politique (procédé courant sous sa plume, fait de même contre Dagobert Ier) et en l’accusant d’une brutalité hors de propos (traitement des cités ligures) qui l’assimile à un barbare => confusion morale/politique qui est typique des époques anciennes ou le « bien gouverner » s’entend d’abord au sens éthique de Bien.
3 niveau du plus explicite au plus implicite :
- le comportement de Rothari à l’égard de Gondeberge qui est une franque : en s’attaquant à l’honneur d’une princesse de sang franc, le Lombard menace l’honneur de tout le peuple franc.
- la défense d’un modèle matrimonial monogame chrétien, dont Gondeberge est présentée comme la championne. Au-delà, sur une thématique qui se trouve déjà chez Grégoire, sont opposés un modèle germanique soi-disant polygamiques (concubinage), associé au paganisme (<>° au « christianisme » de Gondeberge) ou à l’arianisme et un modèle romain catholique monogame fondé sur la fidélité. En fait, les études récentes (R. Le Jan) ont montré que ce discours est très théorique, avant tout polémique, et reflète mal la réalité d’une société largement monogame ou la polygamie et la polygynie successive sont des signes de puissance de l’élite.
- la dénonciation d’une menace lombarde : en unifiant le royaume, en portant ses frontières jusqu’aux limites du royaume des Francs, Rothari constitue une menace pour le pouvoir mérovingien déjà fragilisé.
C- Le poids du fait religieux.
Malgré leurs divergences, le ps. Fred et Paul Diacre s’accordent néanmoins pour reconnaître que l’arianisme de Rothari était un problème qui mettait un frein à sa légitimité. En particulier, le projet lombard d’union de la péninsule autour de Rome était voué à l’échec aussi longtemps que l’arianisme restait un obstacle au ralliement des Romains. A la fin, Paul Diacre doit bien admettre cette limite, à travers une anecdote exemplaire : le viol de la sépulture de Rothari qui parce qu’en mauvais chrétien il ne s’est pas fait inhumé humblement et sans ornements, voit son dernier repos troublé par des voleurs. Archéologiquement, l’anecdote est instructive car elle nous apprend qu’autour de 650, les Lombards pratiquaient encore l’inhumation vêtue (avec les habits, bijoux et armes du défunt), rituel condamné par l’Église catholique et qui a alors disparu chez les autres peuples non païens.
Conclusion :
Rothari releva le premier des défis de son règne : s’imposer et assurer, par des moyens variés, sa légitimité à la tête du royaume. Au fil d’un règne de 16 ans, il stabilisa le royaume, lui donnant des frontières qui n’évolueraient guère pendant près d’un siècle, jusqu’à la prise de Ravenne par le roi Aistulf en 751.Surtout, prenant acte de l’installation durable des lombards en Italie et de leur progressive fusion avec les populations locales, il fixa le droit pour en faire la base de l’administration du royaume. Malgré tout, son règne reste une œuvre inachevée : il ne put mettre fin à la présence byzantine et Italie, et son attachement à l’arianisme se manifesta à contretemps d’une société marquée par la multiplication des conversions individuelles au catholicisme. Surtout, sa pratique matrimoniale mina de l’intérieur sa légitimité en entraînant la marginalisation de son épouse. Son successeur Rodoald, dernier époux de Gondeperge, ne se maintint d’ailleurs que deux ans. Aripert (653-661), en se convertissant au catholicisme, acheva l’œuvre de Rothari et donna de nouvelles bases à la royauté lombarde.
Conclusion générale :
Deux cas à la fois proches et différents : deux peuples germaniques ariens ultra-minoritaires qui s’intègrent à deux sociétés romaines ultra-majoritaires qu’elles transforment de l’intérieur ; deux royautés électives dans lesquelles les femmes interviennent comme facteur de légitimité du pouvoir royal, mais tandis que l’une arrive à un blocage lié au contexte global de la péninsule ibérique, l’autre sait renouveler les bases de sa légitimité et survivre jusqu’à la conquête franque. Alors que les guerres de successions en Wisigoths sont la première cause de la défaite de 711, celle des Lombards en 774 a des causes plus variées et complexes, et le problème de la légitimité royale n’y intervient que très marginalement.
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Le royaume des Wisigoths
26/11/2006 18:25
La chute de l’empire romain d’Occident en 476 vient entériner l’apparition, dans toute l’ancien empire, de royaumes dits « barbares », certains nés, comme le royaume des Francs, du vide politique laissé par la déposition de l’empereur, d’autres apparus dès les premières décennies du Vème siècle et qui, sur le plan local, perpétuent l’administration romaine sous le pouvoir d’une élite germanique. C’est le cas du royaume des Wisigoths, nés de la concession, au titre de la fédération, des provinces d’Aquitaine à ce rameau occidental du peuple des Goths entrés dans l’empire dès le IVème siècle, et qui avait reçu la charge de défendre les Gaules contre les Huns et les montagnards Vascons qui mettaient à profit le désordre ambiant pour descendre piller les plaines. Le royaume des Wisigoths est donc d’abord une réalité intimement liée à ce peuple germain qui le dirige : il est l’ensemble des terres soumises au roi des Goths. Mais avec le temps, au fil des conquêtes et des défaites, il tend à s’identifier avec un espace, l’Espagne, où les Goths ont été rejetés par Clovis mais qui va devenir le lieu de l’apogée d’une civilisation mêlant de façon originale culture germanique et romaine et qui fut l’un des principaux vecteurs de la pensée antique au Moyen-Âge. Pourtant, les Wisigoths ne trouveront jamais la stabilité dynastique nécessaire pour épargner au royaume guerres civiles et conflits de succession, et les Musulmans surent utiliser cette faiblesse pour mettre fin à leur domination. De l’installation des Goths en Aquitaine en 418 à la mort, les armes à la main, de son dernier souverain, en 711, le royaume des Wisigoths eut donc un destin heurté, alternant les épisodes glorieux et les défaites cuisantes. Sur quoi se fondait l’originalité de ce royaume né des invasions barbares, mais puissamment marqué par l’héritage romain ? Pour le comprendre, il faut d’abord revenir sur les étapes de sa formation, de 418 à la fin du VIème siècle, avant de s’attarder sur son apogée, dans la première moitié du VIIème siècle, puis d’analyser les causes de la crise profonde qui le frappe à partir des années 660 et qui le conduisit à sa perte.
I- La formation du royaume des Wisigoths :
A- Le royaume d’Aquitaine (418-507) :
- Wisigoths = germains ariens. Leur royauté repose sur le pouvoir charismatique d’une dynastie, les Amales, commune aux Ostrogoths et aux Wisigoths. Le roi est avant tout un chef de guerre qui mène son peuple à la victoire.
- Wisigoths sont fédérés depuis 380. En 407, ils pillent Rome. Á partir de 410, Suèves, Vandales et Alamans franchissent le Rhin, poussés par les Huns. Les Romains y voient l’occasion de se défaire des Wisigoths qui campaient en Italie en les envoyant guerroyer en Gaule.
- 418 : sont installés en Aquitaine 2nde (Bordeaux). Ne peuvent empêcher passage des Suèves et des Vandales en Espagne, mais franchissent les Pyrénées et commencent à s’y installer sous prétexte de les combattre. 450’s : contribuent à vaincre les Huns. (Alliance avec Avitus) mais le roi Théodoric II meurt dans la bataille des champs catalauniques.
- 470’s : s’emparent progressivement de la Narbonnaise 1ère et de l’Aquitaine 1ère. Euric installe sa capitale à Toulouse. Il fait mettre par écrit un code législatif (Loi des Wisigoths ou Code d’Euric) qui institue une stricte coupure entre les Goths ariens et les Gallo-romains catholiques, interdisant notamment les mariages mixtes.
- Son fils Alaric II poursuit son œuvre de codification en faisant rédiger un abrégé du droit romain, le bréviaire d’Alaric, pour servir de loi à ses sujets gallo-romains. Il poursuit l’extension du royaume au-delà des Pyrénées, mais se heurte en Gaule à Clovis, qui veut conquérir l’Aquitaine. Abandonné par les élites gallo-romaines qui se rallient au Franc, Alaric est vaincu et tué à Vouillé. Les Wisigoths doivent abandonner précipitamment l’Aquitaine.
B- La conquête de l’Hispanie (507-610) :
- La conquête franque est néanmoins stoppée sur les Pyrénées par l’obstacle naturel, mais aussi par les montagnards vascons, qui forment dès lors un tampon entre les deux royaumes, et par l’intervention du roi ostrogoth d’Italie Théodoric qui prend sous sa protection le jeune fils d’Alaric et permet aux Wisigoths de conserver une marche au nord des Pyrénées : la Septimanie.
- Mais la défaite de Vouillé laisse des traces durables : la mort d’Alaric à dépouillé les Amales de leur aura charismatique, et beaucoup d’aristocrates wisigoths supportent mal la tutelle des Ostrogoths. Les descendants d’Alaric sont finalement assassinés, et les grands choisissent un nouveau roi. Dès lors, la monarchie gothique devient élective, même si quelques souverains parviennent à assurer la succession à leur fils (Léovigilde (579-586) et Reccarède (586-601)).
- En s’installant en Hispanie, les Goths la trouve déjà en partie occupée par un autre peuple, les Suèves, qui se sont installés sur toute la façade atlantique, des Asturies au Portugal actuel. De plus, dans les années 550, l’empereur d’Orient Justinien lance une tentative de reconquête de l’Occident. Les Byzantins occupent la Bétique (Andalousie) et la Carthagénoise. L’effort essentiel des souverains du VIème siècle est donc l’unification politique de la péninsule, qui est achevée par Léovigilde, qui bat le dernier roi suève en 784-785 et repousse les Byzantins affaiblis par l’invasion lombarde en Italie, même si ils conservent quelques points d’appuis côtiers jusqu’en 610. Désormais, les rois wisigoths s’intitulent « rois des Goths gouvernant au non de Dieu l’Hispanie, la Gaule et la Galice ».
- Léovigilde rompt avec l’empereur et commence à construire un état centralisé, fondé sur l’imitatio imperii (capitale unique = Tolède, frappe de monnaies d’or à son nom, diadème et pourpre, adoption du gentilice impérial Flavius, administration organisées autour des bureaux du Palais), tout en cherchant à imposer une monarchie héréditaire (association de ses deux fils Herménigilde et Reccarède au trône). Son successeur poursuit cette politique ambitieuse.
- Mais Herménigilde se révolte contre son père, en s’appuyant sur les Hispano-romains qui se sentent tenus à l’écart du pouvoir et craignent de voir Léovigilde imposer l’arianisme comme seule religion tolérée.
C- La conversion au catholicisme (589) et l’unification de la péninsule :
- La révolte d’Herménigilde est symptomatique d’une société encore divisée entre envahisseurs et envahis, situation aggravée par le maintien de loi discriminatoire à l’égard des non-goths et des catholiques.
- Léovigilde cherche à unifier l’Hispanie autour de l’arianisme en encourageant les conversions d’Hispano-romains. Mais les ariens sont trop peu nombreux par rapport aux Catholiques, et le rite arien gothique, qui utilise la langue gothique pour sa liturgie, rebute les Hispano-romains.
- Son fils Reccarède, prenant conscience du rapport de force, choisit la solution inverse : il se convertit au catholicisme et encourage les autres Goths à l’imiter. En 590, il convoque un concile à Tolède qui consacre l’unité religieuse de l’Espagne, notamment en réintégrant le clergé arien dans la hiérarchie catholique. Ce concile affirme également le soutien de l’Eglise au roi, qui est élu du peuple et de Dieu.
Ainsi, en moins d’un siècle, les Wisigoths ont su transformer une défaite retentissante et humiliante en un nouveau départ et créer un royaume unifié dans son territoire et dans son idéologie.
Le concile de Tolède III ouvre la porte à une fructueuse collaboration entre le roi et l’Église, entre les élites gothiques et hispano-romaines. Cette collaboration et la fusion culturelle qui en est le résultat sont les fondements de l’apogée du royaume wisigothique d’Espagne.
II- « Hispanie, terre bénie de Dieu » (Isidore de Séville) :
A- Le roi, l’Église et les grands : un gouvernement efficace.
- Les conciles de Tolède, en particulier Tolède VIII (633) qui définit les règles de l’élection du roi par les grands et les évêques et le fonctionnement de la société : le roi gouverne avec l’aide des grands et des évêques. Ensemble, ils doivent assurer au peuple la justice, en échange de quoi, ils perçoivent des impôts. La royauté wisigothique est la première, au Moyen Âge, à dépasser le simple niveau de la protection et de la domination pour envisager des relations administratives entre gouvernants et sujets.
- Même si le principe dynastique ne s’impose pas ou peu, la légitimité royale se transmet par les femmes. Chaque nouveau roi épouse la fille ou la veuve de son prédécesseur.
- cet effort administratif se traduit aussi dans la codification de la loi : Sisebut (612-621) abolit définitivement toute distinction entre loi gothique et romaine. Chindaswinthe et Receswinthe (642-653 et 653-672) réunissent l’intégralité des lois des rois goths depuis Euric, auxquelles ils ajoutent des lois romaines correspondant aux sujets non traités, dans le Forum Iudicium qui est la version achevée de la loi des Wisigoths.
- les dépôts de contrat sur ardoise sont l’indice d’une intense activité commerciale étroitement encadrée par l’administration royale. Le pouvoir royal peut s’appuyer sur un peuple prospère et entreprenant.
B- La fusion des élites :
- Les grands évêques de tradition romaine (Léandre de Séville, Isidore de Séville) sont les plus proches conseillers des rois. Leur réflexion sur le pouvoir, qui est à la base des canons de Tolède, influence leur gouvernement. Par leur intermédiaire, la royauté wisigothique perd un peu plus de ses traits germaniques et accroît son imitation de la pratique impériale.
- Dès la conversion des Goths opérée, les mariages mixtes entre aristocrates hispano-romains et puissants goths se multiplient. Tous ceux qui détiennent le pouvoir, quelque soit leur origine, adopte le costume gothique. Très rapidement, les deux peuples sont tellement mêlés qu’ils deviennent indissociables. Dès les années 630, les sources ne parlent plus de Goths et de Romains, mais seulement de Goths ou d’Hispani, preuve de la définition de plus en plus territoriale du royaume. Plus que de fusion, il faut parler, dans le cas espagnol, d’absorption de la minorité wisigothique par la majorité hispano-romaine, qui se traduit en particulier par la totale disparition de la langue gothique (Espagnol = langue romane qui comporte le – de mots d’origine germanique, en fait 2 : Guerra et le nom propre Garcia = fidèle).
- La fusion est accélérée par l’intégration du clergé arien à l’Église catholique : dès les années 590, il existe un clergé gothique (il faut attendre les années 620 pour trouver des évêques francs).
C- La vigueur intellectuelle et artistique :
- L’Espagne wisigothique devient un berceau du monachisme occidental.
- Développement des arts, et en particulier de l’architecture (arc outrepassé). Les wisigoths sont les seuls, dans l’Europe du VIIème siècle, à construire en pierres.
- Surtout, la littérature et la pensée, illustrée surtout par Isidore de Séville qui transmet le savoir antique au Moyen Âge.
III- Une autocratie tempérée par le coup d’Etat :
A- L’échec de la monarchie élective :
- La multiplication des usurpations et des guerres civiles : la succession de Receswinthe est compliquée : ses fils éliminés, de nombreux prétendants s’affrontent et Wamba doit lutter plusieurs années pour les éliminer tous. + pas de légitimation par les femmes possibles car Reces. ne laisse ni fille ni veuve.
Wamba 672-680
Ervige 680-687.
Egica 687-698, puis co-roi des Wisigoths 698-701.
Wittiza ou Vitiza co-roi des Wisigoths 698-701, puis roi 701-710.
Agila II usurpateur 710-713.
Roderic ou Rodrigue 710-711, meurt au combat face aux musulmans.
La faiblesse des rois qui succède à Receswinthe souligne le problème fondamental de la royauté wisigothique d’après 507 : son déficit de légitimité face au pouvoir des grands qui occasionne des usurpations et des coups d’Etat (nombreux rois assassinés). De plus, pour s’assurer des fidélités, le roi doit donner des terres et des biens aux grands, se privant ainsi progressivement de ses moyens d’intervention et de gouvernement tandis que les puissants le sont de plus en plus, même si chaque usurpation est l’occasion d’une redistribution.
- Les inversions rituelles : cérémonie de dérision de Paul de Septimanie = preuve de cette dévalorisation.
- Le sacre, dernière tentative de sauver la royauté : premier roi sacré = Wamba en 672. La faiblesse politique du roi est compensée par la tentative de réinsuffler une part de sacralité dans sa personne, et de le rendre ainsi intouchable.
B- Une crise sociale profonde :
- L’isolement : après l’échec de l’alliance avec les Francs à la fin du VIème siècle (meurtre de Galswinthe et supplice de Brunehilde), la rupture avec l’Empire et la disparition des Goths d’Italie, les Wisigoths cessent progressivement toute relation avec l’étranger, sinon belliqueuses. Même les campagnes militaires se raréfient après 650, privant le roi de sa légitimité de chef de guerre et les grands des revenus du butin=> guerre civile intervient comme substitut à la guerre étrangère dans une société marquée par la domination d’une classe de guerriers professionnels (cf. grande faide dans le royaume des Francs)
- La pression accrue des grands sur les populations liée à la compétition pour le pouvoir ;
- La multiplication des statuts serviles (anciens esclaves, esclavage pour dette, réduction en esclavage des dépendants des vaincus dans les guerre de succession) et les révoltes d’esclaves.
- L’anti-judaïsme, exutoire de la crise sociale.
C- L’invasion extérieure et la fin du royaume des Wisigoths :
- une invasion provoquée par des rivalités internes : rivalité Rotric / Agila pour le trône + Rotric / Paul de Ceuta pour une femme.
- Le débarquement d’al-Tarik et la réaction des Wisigoths : les uns s’unissent derrière Rotric pour résister, les autres, autour d’Agila, se rallient à l’envahisseur en pensant l’utiliser pour prendre le pouvoir.
- La défaite et le ralliement rapide des élites (v. le comte Théodemir qui signe un traité de ralliement avec al-Tarik, au IXème siècle ses descendants sont devenus de bon musulmans et seul leur surnom d’al-Kutiya, (le goth) rappelle leurs origines.
Conclusion :
Après des débuts mouvementés, la conversion au catholicisme des Wisigoths ouvre la porte à l’intégration de quelques centaines de milliers de germains dans la masse des Hispano-romains. Cette fusion intime avec l’esprit antique est sans doute la marque de fabrique la plus marquante du royaume des Wisigoths qui a su réadapter l’administration à la romaine aux nouvelles réalités du Moyen Âge. Royaume brillant qui excite l’envie et la jalousie de ses voisins, le royaume des Wisigoths est aussi fragilisé par son système politique qui le prive de toute stabilité dynastique. Cela explique la brutalité avec laquelle il est contraint de sortir de son superbe isolement pour disparaître en 711. Mais, plus que chez la poignée de rebelles qui continuent la lutte cachés dans les grottes asturiennes, son esprit a survécu dans les centaines de manuscrits d’Isidore et du Forum Iudicium qui franchissent les Pyrénées avec les réfugiés espagnols et viendront nourrir la renaissance carolingienne.
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La fin des Mérovingiens
08/11/2006 00:38
Question de point de vue : on pourrait aussi appeler ce texte « les débuts des Carolingiens », mais en fait, moins simple, car le but de l’auteur est justement de montrer que les Carolingiens étaient là bien avant que les Mérovingiens ne disparaissent.
Extrait de la Vie de Charlemagne par Eginhard = panégyrique qui est destiné à la glorification du souvenir de l’empereur. Une première difficulté est de faire le tri dans les informations à donner sur l’auteur, personnage majeur de la 1ère moitié du IXème siècle auquel plusieurs biographies ont été consacrées. Il suffira de rappeler ici qu’il a été élevé au palais, a fait parti du proche entourage de Charlemagne puis de son fils Louis le Pieux, et qu’il a été à la fois un homme de haute culture qui a contribué à la « renaissance carolingienne » et un proche collaborateur de ces deux souverains très impliqué dans le gouvernement du royaume. Sa Vie de Charlemagne est autant un hommage à son bienfaiteur qu’un miroir tendu à ses successeurs, dans lequel comparer leurs actes à l’œuvre de leur glorieux prédécesseur.
La présentation de ce document présente plusieurs problèmes :
- son absence de date : si les faits rapportés sont datables entre 732 (victoire de Charles Martel à Poitiers) et 768 (mort de Pépin III), la source elle-même ne comporte aucun élément permettant d’établir sa date de composition qui selon les historiens, varie entre 814 et 840. Il est de toute façon avéré qu’elle a été écrite au moins une soixantaine d’année après l’événement majeur du texte, l’usurpation de Pépin.
- C’est justement un autre aspect problématique : le texte ne présente pas l’action de Pépin comme une usurpation ou un coup d’État mais insiste a contraire sur l’approbation pontificale dont il a fait l’objet.
- Ce texte n’est donc pas objectif, c’est peu de le dire, mais sa vocation panégyrique en fait même une œuvre de propagande destinée à justifier tous les actes de Charlemagne et de ses ancêtres, il présente la version officielle des événements, version qui, plus d’un demi-siècle après les faits, était devenue consensuelle : les Carolingiens se sont substitués aux Mérovingiens car ceux-ci étaient devenus incapables de gouverner le royaume. L’intervention du pape fait de ce changement dynastique l’expression de la volonté divine.
- Le texte présente donc plutôt la vision qu’avaient les hommes de la première moitié du IXème siècle des événements de 751 que les événements dans leur déroulement réel. En cela, c’est d’avantage un témoignage sur l’idéologie politique carolingienne qu’une véritable source historiographique.
Le texte alterne donc très logiquement les références péjoratives parfois nées de l’esprit d’Eginhard à l’égard des Mérovingiens (le char à bœufs) et les hyperboles mélioratives à l’intention des Carolingiens (forcément très riches, très puissants, très courageux…).
ð centres d’intérêts et analyse :
- le changement de dynastie de 751 : comment et pourquoi ? : l’appauvrissement des Mérovingiens, peu à peu dépouillés de leurs biens fiscaux par la nécessité de rémunérer sans cesse les fidélités, de se placer au sommet de la pyramide des circulation des richesses. //t, l’enrichissement des Carolingiens, fondé sur le contrôle des sources de revenus fiscaux (via la charge de maire du Palais, qui intégrait la gestion du trésor royal => aspect mis en valeur par Eginhard, mais sans référence au véritable détournement de fond opéré par les maires du palais pippinides) et le contrôle des zones de dynamisme économique en contact avec les échanges dans les mers du Nord (conquête de la Frise, aspect tu par Eginhard, car moins de nature à glorifier la dynastie) => désordre institutionnel : celui qui détient les moyens du pouvoir n’en détient pas les symboles et inversement.
- les signes et expressions du pouvoir au VIIIème siècle : la naissance noble, la richesse, la gloire militaire, mais aussi la légitimité fournie par « l’élection » du peuple et de Dieu (avec transition sous Pépin de l’une à l’autre = les deux sacres) et les aspects rituels (l’audience, le trône, la chevelure et la barbe longue), avec renouvellement des symboles (passage du mund magique au sacre).
- Une légitimité mérovingienne bien ancrée qui exige l’intervention d’une puissance extérieure, la papauté, pour être brisée : il faut attendre la mort de Pépin et la réussite de la succession dynastique dans la famille carolingienne pour être totalement sûr (1) que l’usurpation a réussi ; (2) que d’autres ne sont pas tentés de tenter à leur tour de renverser la nouvelle dynastie. Eginhard tait un certain nombre d’aspects : le fait que Pépin et Carloman ont du désigner un nouveau roi en 741, après quatre ans de « règne » de Charles Martel sans roi ; les rivalités internes au monde franc après 751, et surtout avant 754. Il doit au contraire insister sur les qualités des Carolingiens, le fait qu’avant même l’usurpation ils sont considérés comme des rois (épisode de Carloman) et la nouvelle légitimité forgée par Charles Martel comme réunificateur du royaume et défenseur de la chrétienté.=> prouver que les Carolingiens ont une légitimité dynastique qui remonte bien au-delà de l’usurpation de 751, jusqu’à Pépin II.
=> Eginhard décrit bien le processus de déchéance des Mérovingiens, mais "oublie" de souligner la responsabilité écrasante des Pippinides, qui les privent progressivement de tout moyen d'action, dans cette décadence.
Plan possible :
I- Un roi qui n’a plus que l’apparence du pouvoir royal.
II- Un maire du palais qui détient la réalité du pouvoir royal.
III- L’usurpation et l’installation de la dynastie franque.
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Les débuts de Charles Martel
08/11/2006 00:35
Intro :
Texte narratif extrait du Liber Historiae Francorum, chronique anonyme du début du VIIIème siècle qui prend la suite de la chronique du pseudo-Frédégaire. Il a été selon toute vraisemblance rédigé en Neustrie, dans un milieu opposé aux Pippinides mais paradoxalement plutôt favorable à Charles Martel, ce qui peut s’expliquer par sa période de rédaction, en 726, alors que Charles s’est imposé à la tête du royaume des Francs et a remporté ses premiers succès contre les Frisons et les Bavarois. L’écriture est donc très proche des faits rapportés, qui se déroulent de 714 à 721 et servent de conclusion au récit (détail du calcul si le temps : Dagobert III meurt en 715, son successeur immédiat est Chilpéric II (715-721) dont le rival et cousin germain Clotaire IV règne de 717 à 719. A la mort de Chilpéric II (721), Thierry IV, fils ou frère de Dagobert III monte sur le trône, la sixième année de son règne est donc 726). L’auteur, témoin direct de ce qu’il raconte, est dans l’ensemble assez objectif et son récit pêche plus par son caractère trop allusif sur certains points que par de véritables déformations idéologiques, ce qui n’est pas le cas des autres sources relatives à ces événements (continuation du Ps. Frédégaire, Annales de Metz) très favorables au contraire aux Carolingiens. Ce texte ne présente donc pas de difficulté critique particulière, c’est un écrit sincère qui est ce pour quoi il se donne. Il es néanmoins centré sur la personne de Charles Martel qui en est le véritable héros.
Il rapporte comment après la mort de son père, Pépin II de Herstall (ou le Grand), en 714, Charles Martel, dernier survivant de son lignage, dut lutter pour s’imposer face à l’aristocratie neustrienne alliée aux Frisons et aux Aquitains et désireuse d’accaparer la charge de maire du Palais sous le prétexte de restaurer la royauté mérovingienne. Charles, après avoir vaincu ses ennemis, passe une alliance avec le duc Eudes d’Aquitaine qui lui laisse les mains libres au nord de la Loire.
Ce texte montre qu’au début du VIIIème siècle, après une cinquantaine d’année de crise du pouvoir royal mérovingien, la succession à la mairie du palais est devenue plus importante que la succession sur le trône. Quels sont donc les enjeux de cette succession, dans un contexte de réduction de la puissance franque ?
Ce document se prête à un commentaire linéaire avec une partie consacrée à chaque paragraphe : le temps des difficultés (2 premier §), le temps du renouveau, le temps de la victoire. On peut aussi suggérer un plan thématique plus charpenté : Une crise de succession associant succession royale et succession à la mairie du palais ; Réduction de la puissance franque et intervention des principautés périphériques ; Le transfert des attributs de la royauté au maire du Palais.
I- Trouver un successeur au roi et surtout au maire du palais
A- les partis en présence :
- le parti neustrien : parti pro-mérovingien (principales résidences des rois mérovingiens = Paris, Soissons, Noyon, en Neustrie). Le roi que choisissent les Francs sous l’influence de Ragenfrid est un symbole en lui-même d’un projet de restauration mérovingien, puisqu’il est le fils de Childéric II et de Bilichilde, eux-mêmes enfants de Clovis II de Neustrie et de Sigebert III d’Austrasie, donc petits-enfants de Dagobert Ier. Il est donc descendant direct de Dagobert et de Clotaire II par ses deux parents. Enfermé au monastère et privé du pouvoir au profit des autres descendants de Clovis II par Ebroïn après le meurtre de ses parents, il est ramené à la dignité royale par le parti neustrien et reçoit alors le nom de Chilpéric II, nom du père de Clovis, qui doit symboliser un nouveau départ pour la dynastie. (v. tables généalogiques)
- Ce projet de restauration neustrien reste néanmoins à nuancer : certes, Ragenfrid, lui-même de lointaine ascendance carolingienne, associe étroitement le roi au gouvernement, ce qui est matérialisé par le fait que le roi l’accompagne dans tous ses déplacements. Mais ce roi est aussi un facteur de légitimation pour ce descendants du groupe des Wulfoald-Gonduin qui a donné tous les maires du palais neustriens au VIIème siècle à l’exception d’Ebroïn et Waraton et est le grand rival des pippinides pour la suprématie au sein de l’aristocratie franque.
- L’autre parti est celui de Charles, appuyé sur l’Austrasie (les opérations se déroulent toute dans une zone à l’ouest de la Meuse, dans les Ardennes, en forêt Charbonnière (grande forêt qui prolongeait autrefois les Ardennes à travers toute l’actuelle Belgique) et dans le Cambrésis, zone qui matérialisait la frontière entre Neustrie et Austrasie. Charles tarde à se choisir un roi et construit sa propre légitimité comme chef de guerre. Il est partisan de la poursuite de la politique de son père de mise en tutelle du roi et de gouvernement du maire du palais appuyé sur l’aristocratie austrasienne.
- Mais pour réussir, Charles doit d’abord affirmer sa légitimité dans son propre camp.
B- Rivalités et crises de succession au sein de la famille Pippinide :
Charles <> héritier naturel de Pépin, car il est le fils d’Alpaïde, une concubine de Pépin, et doit donc affronter l’opposition de Plectrude, son épouse légitime.
Mais la famille pippinide se trouve en proie à une crise qui menace sa survie même : les fils légitimes de Pépin, Grimoald et Theodebald, sont morts avant leur père, et il ne laisse que des petits-fils, Théodebald et Arnulf, trop jeune pour gouverner seul, et grâce auxquels Plectrude légitime son pouvoir (pouvoir critiqué par l’auteur dans la lignée de ce qui a été vu la semaine dernière à propos de la défiance envers le pouvoir féminin des hommes du MA). Théodobald est mis en fuite => perd sa légitimité de chef de guerre (+ Arnulf fait prisonnier) => le camp pippinide se retrouve sans prétendant.
Charles Martel intervient alors comme l’homme providentiel qui peut rallier autour de lui les réseaux de fidélité de son père et réunir les Austrasiens pour les mener au combat.
C- La victoire de Charles Martel :
3 batailles victorieuses : sur le Rhin contre Radbod, puis à Amblève et à Vinchy contre les Neustriens : par la 1ère, rejette les Neustriens hors d’Austrasie et se rapproprie une partie du trésor de son père, puis par la seconde, rétablit la suprématie austrasienne => retour à la situation de Tertry (687).
Mais sa victoire est aussi idéologique : ses adversaires, en s’alliant avec un païen et en attaquant un dimanche de Carême alors que Charles avait offert la paix apparaissent comme des mauvais chrétiens. Donc Charles, dans le discours du rédacteur du LHF, apparaît par contraste comme un bon chrétien, son attitude annonçant le vainqueur de Poitiers.
Dès 717, Charles est donc maître des tria regna, il tient personnellement la Neustrie et l’Austrasie et la Bourgogne fait retour à son demi-frère Arnulf. Mais il lui manque toujours une légitimité : le roi neustrien est en fuite auprès d’Eudes d’Aquitaine.
ð Charles négocie avec Eudes qui rend le roi (compromis connu par ailleurs : en échange, Charles renonce à intervenir au Sud de la Loire).
ð Nouvel équilibre dans le royaume entre le Nord tenu par Charles sous un nouveau roi choisi par Charles et le Sud sous l’influence d’Eudes.
La même année, 721, Arnulf meurt et Charles le remplace par son frère Childebrand.
II- L’affaiblissement du royaume des Francs et les tentatives autonomistes en périphérie.
La victoire décisive de Charles sur les Neustriens est encadrée par deux victoires sur des puissances extérieures, les Frisons et les Aquitains, deux peuples nominalement soumis aux Francs mais qui ont réaffirmé leur autonomie voire leur indépendance, marquant ainsi un affaiblissement de la puissance franque.
A- L’intervention des Frisons :
Alliance de Ragenfred = bien pensée, car Radbod a revanche à prendre sur les Pippinides. En effet, il avait été vaincu par Pépin II et contraint à se soumettre aux Francs, soumission matérialisée par le mariage de sa fille avec Grimoald en 711. Mais assassinat de Grimoald en 714 par des espions frisons le dégage de ses engagements.
Alliance prend la forme d’une amicitia, lien d’engagement réciproque entre deux individus égaux, au contraire de la soumission imposée par Pépin. Noter l’importance des liens personnels, même dans les relations avec les autres peuples.
B- L’intervention d’Eudes d’Aquitaine :
Intérêt d’Eudes = préservé l’autonomie acquise par son père Loup à la fin du VIIème siècle. En fait, maire du palais ne tiennent que les tria regna, et les principautés périphériques sont gouvernées par leurs propres ducs qui s’y comportent comme les maires du palais, exerçant la réalité du pouvoir sous l’autorité nominale du roi mérovingien.
Eudes, en mettant la main sur le roi réaffirme sa légitimité. Mais il tient aussi un moyen de pression sur Charles Martel pour lui imposer de négocier.
C- Le compromis de 721 et le partage des zones d’influence :
« alliance » de Charles et Eudes est aussi appelée amicitia par les Annales de Metz et foedus par le continuateur de Frédégaire. C’est donc un véritable traité entre égaux que concluent le maire du palais et le duc, se reconnaissant un pouvoir équivalent dans leurs zones d’influence respective. Eudes rend le roi Chilpéric en échange de la garantie que Charles ne tentera rien contre l’Aquitaine. C’est au nom de cette alliance que Charles se porterait au secours d’Eudes en 732, utilisant le raid musulman pour réaffirmer son pouvoir sur cette région qui lui échappe en 721. Les présents ne sont donc pas un tribut déguisé, mais une marque de bonnes relations entre les deux hommes.
III- Le transfert des attributs de la royauté au maire du palais.
A- Le trésor et les fidélités base de la puissance :
Armée = troupes de fidèles en armes qu’il faut rémunérer, d’où le besoin du trésor et du butin, que Charles ne cesse de chercher à se procurer. Inversement, l’un des premiers soucis de Ragenfred et Chipéric est d’obtenir de Plectrude le trésor des Pippinides pour pouvoir appuyer le pouvoir royal sur cette base matérielle et ainsi rémunérer des fidèles et accroître leur armée.
Coût croissant de ces fidélités, car armée est de plus en plus composée de spécialistes combattant à cheval et portant un armement très cher.
B- Charles, chef de guerre et négociateur de la paix :
Captation par Charles de deux aspects majeurs du pouvoir royal : la conduite de l’armée et la négociation avec l’étranger. Le roi représente normalement le royaume face à l’étranger, hors ici c’est Charles qui accapare ce rôle. Plus encore, par ses victoires, il capte le charisme du mund.
C- L’affaiblissement du pouvoir royal et le principat :
Ainsi, les cheveux longs des rois que l’on laisse rituellement repousser quand ils sont sortie du monastère, ne deviennent plus qu’un symbole vidé de son sens par l’action de Charles. Si le roi conserve les apparences du pouvoir, Charles, comme son père avant lui, en tient la réalité : c’est le principat (le maire du palais qui réunit les tria regna se fait appeler, pour marquer son pouvoir, princeps Francorum, premier des Francs, sous entendu après le roi). Ce pouvoir est très lié à la puissance militaire car le prince des Francs est celui qui dirige l’armée et les débats lors de sa réunion dans le cadre de l’assemblée qui, en particulier, choisit le roi. Donc, quand le texte dit « les Francs se choisirent pour roi », il faut comprendre qu’ils suivirent le choix du maire du palais, Ragenfred puis Charles, qui présidaient l’assemblée.
Conclusion :
Plus qu’une simple crise successorale, le texte nous met face à un moment de choix décisif dans le royaume des Francs où la rivalité entre Neustrie et Austrasie ouvre sur une véritable opposition sur la place faite au roi mérovingien dans le gouvernement du royaume. Il met en avant la nécessité d’une réaction nécessaire face à l’affaiblissement de la puissance franque, menacée par des puissances étrangères comme les Frisons et même par les princes devenus autonomes de ses anciennes dépendances, telle l’Aquitaine. Charles, par son action résolue et ses talents de chef de guerre apparaît comme le plus à même d’entreprendre cette œuvre de restauration, au dépend d’un roi de plus en plus privé de pouvoir.
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