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LES INVASIONS NORMANDES D’APRES ERMENTAIRE
26/11/2006 19:13
Le Document : Type de doc = témoignage hagiographique (vies de saints et récits de miracles). Documents qui posent problèmes d’interprétation car écrit dans un but édifiant = montrer grande valeur du saint de son sanctuaire et les nombreux miracles qu’il a accompli pour y atttirer les pélerins et donc les revenus. Compétitions entre les différents sanctuaires amènent des imitations entre les récits => des topos hagiographiques. Svt aussi, les textes ont été rédigés plusieurs fois => éléments d’origine disparaissent sous les réécritures qui témoignent plus de leur époque que de ce qu’elles prétendent rapporter (pas le cas ici, les moines de St-Philibert ont pris la peine d’écrire un second récit, très différents du premier).
ð cas rare en hagiographie = un texte de première main (phénomène en général limité au IX° siècle et à la fin du Moyen Age = rédaction d’un récit hagiographique immédiatement après les faits rapportés et non modifié ensuite).
ð Ici doc qui pourrait laisser croire qu’il n’a pas de mission édifiante et qu’il se contente de rapporter objectivement les faits qui ont contraint à la fuite la communauté de Noirmoutiers. En réalité, tendance à l’exagération pour deux raisons :
- hagiographique : dangers traversés témoignent de l’efficacité de la protection de saint Philibert qui a permi à la communauté de survivre.
- humaine : justifier la « désertion » des moines de Noirmoutiers qui ont préféré fuir devant l’ennemi plutôt que d’affronter le martyr.
+ insertion dans contexte monastique de deuxième moitié du IX° siècle : moines = ceux qui ont le plus durement subi les invasions normandes car monastères = proies idéales pour les pillards. + pensée ecclésiastique qui fait des invasions normandes une punition divine contre les péchés des grands et la division de l’empire. => sauvagerie des normands et division des laïcs = deux grands topos hagiographiques de la période (miracles de Saint-Riquier, Vie de Saint Anchaire). Par opposition, miracles accomplis par les reliques = signe de la force de l’Eglise qui peut seule mener le peuple au salut et à la paix grâce à l’intercession des saints, d’autant plus que la fin des temps semble proche (Normands mis en rapport avec les cavaliers de l’apocalypse, qui annoncent la venue de la fin de monde) = millénarisme.
Rédigé vers 875, après l’installation définitive des moines de Saint-Philibert de Noirmoutiers à Tournus, en pleine Bourgogne, hors d’atteinte des attaques normandes, dans le but de rappeler le périple de la communauté depuis qu’elle a quitté Noirmoutiers en 848 devant la multiplication des raids normands (1° raid en 824) et les miracles accomplis par le saint durant cette longue translation, qui montrent son accord => but très matériel = attirer les pélerins pour reconstituer le patrimoine de la communauté ruiné par les attaques normandes et les années d’errance. Auteur inconnnu par ailleurs. Son nom semble le rattacher à la famille du sénéchal Adalard, puissante dans toute la vallée de la Loire et proche de Charles le Chauve (Ermentrude, sa femme = nièce d’Adalard). Il donne un résumé des grands événements des années précédentes, sans doute + ou – de mémoire (erreur de chronologie) => un document qui nous informe moins sur les faits que sur la manière dont ils ont été ressentis par les contemporrains.
Problématique : Lien étroit entre discordes intestines, invasions normandes et territorialisation du pouvoir, qui montre qu’il n’y a pas d’explication simple et unilatérale au déclin de la monarchie carolingienne dans la deuxième moitié du IX° siècle.
Commentaire du texte exigeait identification claire de 2 événements que Ermentaire sous-entend :
- « leurs rivalités réciproques » : allusion aux luttes entre Robert le Fort, Lambert de Nantes, et Charles le Chauves représenté par Ranoux de Poitiers pour le contrôle de la basse-vallée de la Loire dans les années 850, qui s’étaient accompagnées d’alliance des différents partis avec les Normnds et les Bretons.
- « l’année 857 de l’incarnation du Christ s’était écoulée dans ce déchaînement général des guerres civiles et étrangères » = allusion à l’invasion de royaume de Charles par son frère Louis le Germanique en 857/858, alors qu’il était occupé à assiéger les Normands sur une île de la basse vallée de la Seine.
Plan :
I- En toile de fond : les invasions normandes.
A- La litanie des pillages : texte très littéraire, qui montre l’ampleur du désastre par des procédés divers, parmi lesquels l’accumulation litanique, l’hyperbole (anéantissement), la périphrase (aussi est-il plus exact de dire qu’on l’a arraché aux mains des Normands) => texte vivants, faits pour être lu durant la liturgie, dans le sanctuaire du saint.
B- Une punition divine qui frappe toute la terre.
II- Rivalités aristocratiques et pouvoirs territoriaux.
A- Un monde déchiré par les querelles intestines.
B- Le refus de résister : une idée à nuancer.
C- Les gains de ceux qui résistent : trajet des moines de Saint-Philibert suit possession de Robert le Fort et de ses alliés.
III- La fin d’un monde.
A- Références apocalyptiques et millénarisme.
B- La conscience qu’un monde est en train de disparaître = le monde franc tel qu’il avait existé, globalement, depuis Clovis. Pour la première fois, le pouvoir central est véritablement mis à mal. Processus de décomposition.
Conclusion : Texte complexe car il mêle plusieurs niveaux de compréhension et ne se donne pas ouvertement pour ce qu’il est = une critique cléricale de l’évolution de la société carolingienne à la fin du IX° siècle (texte + ou – contemporain de mort de Charles le Chauve et de la décomposition du royaume de Francie Occidentale) qui montre bien que au-delà des invasions normandes, c’est l’incapacité des souverains carolingiens à grouper autour d’eux leur aristocratie pour assurer la défense du royaume (incapacité aux causes elles-aussi multiples) qui mène à leur déclin.
Commentaire de Annalista Anglo-Saxo (05/11/2008 17:17) :
Quelques étudiants sous-doués du cortex trouvent judicieux de recopier ton
excellent commentaire et de le rendre quasiment tel quel à leur chargé de
TD. C'est idiot : comme si le dit chargé de TD ne savait pas regarder
sur Internet ! Dommage pour eux…
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Le règne de Charles le Chauve (840-877) : de Coulaisne à Quierzy.
26/11/2006 19:11
Illsutration : portrait de Charles II le Chauve, Bible de Metz, dites "Bible du couronnement", c. 869.
Intro :
Le règne de Charles le Chauve peut être résumé par deux grands textes qui l’ouvre et le close : les capitulaires de Coulaines et de Quierzy qui institue une relation nouvelle entre le roi et les grands du royaume.
2 capitulaires placés sous l’autorité de Charles le Chauve et de ses fidèles :
1- résultat des délibérations de l’assemblée du peuple réunie à Coulaines = premier plaid général tenu dans le royaume de Charles le Chauve, qui met fin à une campagne contre les Bretons, dont la révolté a occupé Charles depuis la conclusion du traité de Verdun. Ce pacte qui organise les rapports entre le roi et les grands laïques et ecclésiastiques de Francie Occidentale = organisation du royaume qu’annonce mes AB après conclusion de Verdun. Date connue grâce aux AB qui signale tenue d’un plaid à Coulaines en novembre 843. Document débute par un très long préambule qui expose les raisons qui ont imposé sa rédaction => insertion dans la problématique générale de l’idéal carolingien de remise en ordre et de préservation de la paix. + exposé qui met en valeur délibération commune + dispositif précédé par rappel de la communauté de décision divisé en 4 § , abordant successivement le statut des clercs, du roi, des grands laïcs et le meintien des prérogatives de l’état.
2- résultat des délibérations du colloque de Reims durant lequel Charles le Chauve rencontre les plus grands aristocrates laïques et ecclésiastiques du royaume pour organiser la régence du royaume durant on expédition en l’Italie où il va porter secours au pape contre les musulmans => organisation provisoire du royaume durant son absence, que sa mort en Italie, en août, va inscrire dans la durée. Confirmé pour la forme par l’assemblée du plaid de Quierzy => fidèles cités dans l’acte = seulmt les + importants. Protocole très bref qui indique la date précise de l’acte, le place sous l’autorité de Charles et précise l’aspect collectif de l’acte (consentement des fidèles, réponse à leurs interrogations). Dispositif divisé en § (capitulaire) qui indiquent les propositions de l’assemblée des grands et les réponses du roi jusqu’à la clause 9. La clause 10 et les suivantes, qui organisent la régence du royaume abandonnent la forme dialoguée : l’empereur propose et dispose selon ce qu’ont proposé les fidèles, mais de sa pleine autorité. Là encore, idéal de mise en ordre et de maintien de la paix durant l’absence du roi.
2 actes qui, à chaque extrémité du règne de Charles le Chauve, montrent comment le roi, placé dans une situation délicate, doit faire appel aux grands pour valider ses décisions et assurer ma gestion de son royaume.
Pbic : Evolution du système carolingien vers la féodalité du fait de l’importance des structures de vassalité qui lient les grands au roi et dont celui-ci doit de plus en plus tenir compte dans l’organisation du gouvernement de son royaume.
Plan : I- Le souverain : entre héritage carolingien et affaiblissement.
A- Un roi garant de la justice et de la paix.
Charles réaffirme toutes les fonctions traditionnelles du souverain franc : garant d’une justice égale pour tout qui permet de maintenir la paix, protecteur de l’église sur laquelle il veille (défense de ses biens, de son unité => affaire des clercs d’Ebbon soutenus par Lothaire : clercs ordonnés par Ebbon de Reims, archevêque déposé pour avoir participé à la révolte contre Louis le Pieux. Lothaire le réinstalla brièvement sur le trône de Reims entre 840 et 842, mais son successeur Hincmar, proche conseiller De Charles, refusa de reconnaître la validité des ordinations presbytérales et diaconales opérées durant cette période, engageant Charles dans un long bras de fer diplomatique avec le pape et avec Lothaire Ier) et au secours de laquelle il se porte.
B- Un pouvoir de plus en plus contractuel.
LOT et HALPHEN avaient vu dans Coulaines une preuve que la « monarchie était descendue de son trône », E. MAGNOU-NORTIER ou R. LE JAN préfèrent parler d’une nouvelle forme de « monarchie contractuelle » qui donne une base constitutionnelle à l’exercice du pouvoir royal. Cette contractualisation est renforcée par l’introduction de la promesse du sacre lors du sacre lotharingien de 869 à Metz.
C- La difficulté à penser l’état.
Pour enrayer les périls de la division entre les grands, Charles souligne le devoir de service du roi, et donc du bien public (res publica) , qui unit tous les potentes dans une situation de dépendance du pouvoir souverain. Mais en même temps, il doit garantir aux grands la libre jouissance, puis la transmission héréditaire des honores. Enfin, ces textes s’inscrivent toujours dans un espace carolingien européen : Coulaines est une réplique aux tentatives de Lothaire de dévoyer les grands, et Charles en expédie une copie à Louis le Germanique ; Quierzy s’inscrit dans le rêve de rénover l’empire unitaire, mais aussi comme une réplique à la tentation de Louis le Bègue de s’allier à ses cousins germaniques contre son père.
II- Des grands de plus en plus puissants.
A- fideles ou proceres ?
Nature ambiguë des personnages à qui s’adresse ces textes = fidèles du roi, mais aussi ceux qui ont reçu de lui une part de son pouvoir pour l’assister (= honneur, charge) => processus lent d’accaparement, mais encore limité par habileté politique de Charles (dont témoignent les textes). Une forte tendance à confondre honneurs et bénéfices, charges publiques et service vassalique. Charlemagne avait utilisé les liens privés pour renforcer le service public, mais la tendance s’inverse sous Charles le Chauve, avec une tentation pour les grands de confondre leurs honneurs avec un bien familial.
B- Des obligations réciproques.
Des relations complexes entre roi et ses fidèles basées sur de multiples obligations d’entraide et de respect mutuel, de fidélité, qu’il faut organiser plus strictement lorsque le roi quitte le royaume pour quelques temps, comme c’est le cas en 877.
Ces obligations sont sanctionnées par la possibilité pour le roi de faire exécuter le vassal infidèle (décollation de Bernard de Septimanie en 844, puis de son fils Guillaume en 876), mais aussi par la possibilité pour le vassal qui se sent lésé par son seigneur de l’abandonner et de se tourner vers un autre maître (ex. Adalard quitte le royaume de Charles pour se rallier à Louis le Germanique en 862, les grands insatisfaits de Charles appellent Louis à leur aide et lui offre le royaume en 858).
C- L’hérédité des charges et la liberté d’élection.
On a surtout retenu de Quierzy le § 9 qui institue les fils aînés des comtes comme héritiers présomptifs non-seulement des biens, mais aussi des charges publiques et revenus attachés (honores et beneficia) de leur père. Longtemps perçue comme cause immédiate de l’effondrement du pouvoir carolingien.
En fait, mesure de circonstance qui devait encourager les jeunes nobles à partir en Italie avec Charles sans crainte d’être spoliés de leur héritage à leur retour, et qui fait passer dans le droit un mode de succession qui existait dans les faits depuis la fin du règne de Chm, mais aussi empêcher Louis le Bègue de disposer des honores à son gré et de se constituer une clientèle contre son père.
En annexe : plus grande liberté d’élection apparente des évêques, mais en fait, échappe au roi pour passer aux mains des comtes.
III- Une société en mouvement fondée sur des relations familiales et interpersonnelles.
A- Liens de parenté et d’amitié qui unissent les rois entre eux, mais aussi les grandes familles de la noblesse. La bataille d’Andernach, en 876, marque ainsi une évolution décisive qui montre l’importance de ces liens réciproques : pour la première fois, on ne cherche plus à se tuer, mais à faire des prisonniers qui sont ensuite rendus contre rançon.
Structures concurrentes qui mettent en danger la cohérence de l’Etat et annoncent les liens féodaux.
B- Affaires de famille :
Ces liens multiformes influent sur les relations entre les rois (confraternité, problèmes d’héritage après la mort de Lothaire Ier en 855, avec la progressive captation de l’héritage de ses fils par Charles), à l’intérieur de la famille royale (révoltes des fils de Charles contre leur père) et entre le roi et les grands, qui lui sont liés familialement (par ses mariages successifs avec Ermentrude, sœur d’Adalard puis Blichilde, sœur de Boson, Charles s’est allié aux plus grandes familles de Francie occidentale et de Lotharingie, par sa mère, il est lié à la puissante famille des Welfs). Il va jouer sur ses liens pour opérer un jeu de bascule d’un parti aristocratique à l’autre, les faisant profiter tour à tour de sa faveur, afin de toujours les maintenir dans une relative égalité sous son pouvoir.
C- Une société d’ordre :
Apparition de l’idée d’une répartition de la société en grands ordres vivant selon leur état et appelé à œuvrer différemment pour le roi et le bien commun.
=> nouveau statut du roi, garant de cet ordre.
Conclusion : Société carolingienne de la deuxième moitié du IX° siècle, marquée par la disparition de l’Empire, est surtout marquée par la disparition de l’idée d’état qui avait accompagné sa définition sous Louis le Pieux : à l’idéal de bien commun exposé dans le pacte de Coulaines succède les dispositions visant à préserver les avantages particuliers du capitulaire de Quierzy. Malgré la formulation plus autoritaire du second, il témoigne d’une régression du pouvoir royal que Charles le Chauve avait encore réussi à ralentir grâce à un habile jeu politique entre les différentes factions aristocratiques, mais que ces héritiers ne peuvent plus freiner. Fort des concessions de Quierzy, les grands vont, en quelques années, ruiner les bases de l’Etat et imposer leur volonté, adaptant les structures du pouvoir aux nouvelles conditions d’une société plus cloisonnées.
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Charlemagne, le Conquérant
26/11/2006 18:46
Dans l’imaginaire collectif, l’image pacifique d’un Charlemagne empereur à la barbe fleurie et père de l’Europe voisine avec celle en apparence contradictoire du guerrier fougueux bâtissant un empire à la pointe de l’épée. Les deux sont pourtant étroitement liées et imbriquées, puisque l’empire fut la conséquence des conquêtes, dans le cadre d’un mouvement aux causes diverses que l’on a appelé la dilatatio imperii. Cherchant à réunifier l’ensemble des terres du royaume des Francs et à étendre ce dernier au nom de l’Église et de sa protection, Charlemagne a donc multiplié les conquêtes, et parmi les multiples facettes d’un règne long et riche s’impose la figure du conquérant.
Roi des Francs avec son frère Carloman en décembre 768, puis seul en 772, roi des Lombards en 774, empereur en 800, Charlemagne a, quand il meurt, en janvier 814, accomplit une œuvre remarquable par son importance et sa diversité, qui toucha aussi bien à la réforme de l’administration du royaume qu’à celle de l’Eglise, à la protection des arts et des lettres qu’à la réglementation du commerce (donner des exemples si besoin et le temps). Cette œuvre doit se comprendre dans le cadre d’un empire en pleine expansion dont Charles cherche à optimiser le gouvernement au fur et à mesure qu’il l’accroît. On peut donc se demander quelles furent les motivations et les conséquences d’un telle œuvre de conquête.
Deux plans possibles :
- chronologique, associant à chaque phase une thématique précise :
I- Un roi protecteur de l’Eglise et allié du pape : la conquête du royaume des Lombards (773-787).
Deux phases :
ð le royaume lombard proprement dit (773-774)
ð les principautés méridionales (Bénévent et Spolète) : 787-789.
II- Un roi chrétien et prosélyte : la conquête de la Saxe et des marges slaves. (771-809).
But essentiel = conversion des païens, avec débat interne dans l’entourage de Charles entre partisans de la conversion forcée (ex. Saxe) et conversion par la persuasion (Avars).
III- Un roi des Francs : la fin de l’unification du royaume et la conquête de la Bavière (788).
ð Trois terres historiquement franques qu’il achève de reconquérir : l’Aquitaine (769), la Rhétie (773) et la Bretagne (797-799).
ð une conquête majeure : la Bavière, avec difficultés liées au fait que le duc Tassilon est son cousin germain.
- thématique, associant l’étude des conquêtes à celle de leur contexte :
I- Histoire des conquêtes de Charlemagne :
A- La victoire sur les Lombards
B- La conquête de la Saxe
C- L’annexion de la Bavière
ð montrer que par une politique progressive, Charles encercle la Bavière par le Sud puis par le Nord afin de l’annexer. Celle-ci est sa dernière conquête.
D- Les dernières conquêtes : Slaves et Avars à l’Est, marche d’Espagne et Bretagne à l’Ouest, mais avec un Charlemagne vieillissant qui ne commande plus lui-même l’armée après la première campagne avare de 791.
II- Les moyens des conquêtes :
A- L’armée : l’évolution vers la professionnalisation.
Passage du « champ de mars » en mai => généralisation de la cavalerie, donc besoin de fourrage pour la convocation de l’armée.
B- Un armement de plus en plus élaboré et coûteux.
C- Une stratégie fondée sur la mobilité et la rapidité.
- trois corps d’armée en tenaille ;
- la mobilité : l’anecdote d’Eginhard sur le passage de la Garonne (769).
III- Les motivations de la conquête :
A- Motivations idéologiques (1) : la protection de l’Eglise.
B- Motivations idéologiques (2) : l’accroissement de l’Eglise.
C- Motivations matérielles : trouver de nouvelles sources de revenus et de nouvelles terres pour les églises et les vassaux, afin de garantir la position du roi.
Conclusion : Par l’ampleur de son œuvre et ses talents stratégiques, Charlemagne a bien mérité de figurer dans la galerie des grands conquérants, entre Alexandre et César, Gengis Khan et Napoléon. Fondée sur une idéologie associant étroitement défense de l’Église et accroissement du royaume, ces conquêtes étaient aussi un nécessité pour souder autour de lui les peuples et les aristocraties de l’empire et maintenir sa position de souverain. Par leur importance et leur rapidité, elles ont nécessité une adaptation de l’administration qui est en grande partie à l’origine des grandes réformes de Charles. Enfin, par leur ampleur, elles ont justifié le couronnement impérial de 800 : Charlemagne, régnant sur plusieurs royaumes, ne pouvait plus être un simple roi. Le titre impérial couronna son œuvre, mais l’engagea également dans une longue querelle stérile avec Byzance, tandis que le nouveau danger viking se profilait sur les côtes septentrionales de l’empire. Mis sur sa défensive, sans vraie possibilité de nouvelle expansion, ses successeurs verraient dès lors leur pouvoir menacé.
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Les capitulaires saxons
26/11/2006 18:42
Intro :
Deux textes qui sont des capitulaires, c’est-à-dire des textes législatifs ou réglementaires qui reçoivent leur nom de leur structure en brefs chapitres. = forme typique de la législation carolingienne.
3 grands types de capitulaires :
- les capitularia ad legem addenda, textes législatifs qui complètent la loi salique ou une autre législation nationale en vigueur dans le royaume des Francs.
- les capitularia missorum : circulaires servant d’instruction et de pense bête aux missi dominici.
- les autres capitulaires qui peuvent être des textes réglementaires consacrés à un sujet précis (les capitularia des Villis ; les capitularia de exercitu promovendo), des diplômes de concession de droits très détaillés (le capitulaire des Hispani) ou des traités internationaux (le pactum veneticum ou le pactum Hludowicianum).
Les textes ici donnés appartiennent à la première catégorie.
Les capitulaires sont placés sous l’autorité du souverain qui en est l’auteur théorique. Mais ils sont le fruit d’une œuvre d’élaboration collective, par les grands laïcs et ecclésiastiques, dans le cadre des plaids généraux (grandes assemblées réunies sous la présidence du roi pour la convocation et la dissolution de l’armée, en mai-juin et en septembre-octobre, à laquelle devaient assister tous les comtes, évêques, abbés et vassaux du roi, pour y délibérer des affaires du royaume) => « il a plu à tous que… » « A l’ordre du roi s’étant assemblés, au palais d’Aix, les vénérables abbés …. » Le fruit de ces délibérations est réuni dans un texte qui est lu en public par le roi (adnuntiatio). C’est la parole du roi (verbum regis) qui lui donne force de loi (= promulgation).
Le premier s’intègre dans le contexte de la conquête de la Saxe, entamée par Charles dès 771, et intensifiée au début des années 780. Á partir de 782, les nobles saxons se rallient progressivement à Charles et commencent à se convertir. En 785, seul Widukind et ses proches poursuivent la lutte en Nordalbingie. En avril, ce dernier négocie sa reddition. Il reçoit le baptême à Attigny le 23 mai, jour de la Pentecôte, alors que Charles tient son plaid général. Le capitulaire doit donc avoir été rédigé dans les jours qui suivirent cet événement qui consacrait l’annexion de la Saxe au royaume des Francs.
Le second intervient alors que la situation de la Saxe semble se normaliser. Il est daté très précisément du 28 octobre 797. En fait, les assouplissements apportés au régime de 785 incitèrent certains saxons à se révolter au printemps 798, qui se prolongea sporadiquement jusqu’en 802 et fut le dernier grand mouvement d’opposition saxon à la conquête, preuve qu’à cette date, la majorité des Saxons avaient déjà accepté le pouvoir du roi des Francs.
Ces textes montrent l’alliance étroite entre conquête franque et conversion au christianisme, entre christianisation et insertion dans les structures administratives et légales franques et enfin l’évolution d’un statut d’exception dans une terre récemment conquise vers une normalisation et le retour au droit commun.
Pbic : La conquête et la christianisation de la Saxe permettent son intégration au monde franc et, en retour, la consécration de certaines coutumes saxonnes par la loi carolingienne. Pourquoi était-il donc si essentiel pour Charlemagne de convertir les Saxons ?
I- La Christianisation de la Saxe, prolongement de la conquête :
A- La Saxe, terre païenne :
3 éléments semblent, dans le texte, caractériser le paganisme saxon : texte 1, c. 1 : les temples, les idoles (= deux stéréotypes du paganisme) et texte 1, c. 4 : la crémation des défunts (mais problème : archéologue retrouvent traces d’inhumation en Saxe dès le VIIème siècle) => probablement coutume restée en vigueur dans le petit peuple.
Justification de la conquête = conversion des païens au service de l’Église.
B- Une christianisation violente et forcée fondée sur la menace de mort :
- obligation de la conversion (texte 1 cap. 4) sous peine de mort qui rappelle le massacre de Lippespring de 781.
- Répression violente de toutes les atteintes au christianisme (texte 1, c. 1-3 : destruction des églises, vol du mobilier liturgique, atteinte au clergé).
- La peine de mort apparaît comme la punition normale pour les païens, plus proches de l'animal que e l'homme (d'autres textes comparent les Saxons à des chiens qu'il faut dresser)
C- Une conversion religieuse et politique :
Caractère ambigu de ces mesures qui peuvent aussi avoir un sens politique :
- les clercs, dont le meurtre est puni, sont aussi des agents du roi ;
- texte 1 c. 5« quiconque complotera avec les païens » : menace pour l’ordre public (poursuite de la résistance dans quelques poches isolées, surtout en Nordalbingie) et danger de trahison (alliance avec les Danois et les Slaves restés païens contre les Francs) => rester païen est une atteinte à la sécurité du royaume.
- Texte 1 c. 6Manquement à la fidélité au roi = punie comme les manquement à la foi, car en latin, foi et fidélité se disent pareil (fides). Le fidelis est aussi bien le chrétien que le fidèle du roi. Le chrétien, qui a la foi, est celui en qui l’on peut avoir « confiance » (cum fide) alors que le païen est par nature perfide (m. à m. « sans foi »), donc sa fidélité ne vaut pas. Celui qui n’est pas fidèle au roi est donc suspect d’être païen.
La conversion de la Saxe avait donc des motivations religieuses, mais c’était également un moyen pour Charlemagne d’y instaurer l’ordre politique franc.
II- La mise en place des institutions franques :
A- La mise en place de l’administration franque :
Surtout texte 1 + chapitre 1 et 7 du texte 2 :
Comtes (francs nommés en Saxe pour y assurer l’administration, dans des circonscriptions plus vastes que les comtés du cœur du royaume), missi dominici (très importants dans une zone vaste et sous-administrée où ils servent de relais entre le roi, les comtes et la population), plaids comtaux = tribunal (remarquer que le texte 1 instaure les peines et en même temps les juridictions qui seront chargées de les prononcer), prêtres qui ont un rôle de surveillance, et qui annoncent la mise en place de structures épiscopales et la coopération des comtes et des évêques dans l’administration.
Ban du roi + service = convocation à l’armée pour y effectuer le service militaire du par les hommes libres.
B- La mise en place d’une législation inspirée de la loi franque :
Texte 2 c. 1 : réaffirmation du 1er devoir du roi chrétien = protection des plus faibles. Structure typiquement carolingienne que les capitulaires ne cessent de reprendre qui sont également un signe d’approfondissement de la christianisation de la Saxe.
L’interdiction du rapt et de la violence privée est également un classique de la législation capitulaire qui réserve le monopole de la violence à l’État et au roi.
Les dispositions des c. 3 et 4, relative à la compensation, sont issues des lois saliques et ripuaires, les deux grands codes francs sur lesquels se fonde la justice carolingienne.
C- L’intégration de la Saxe au royaume des Francs :
Le c. 3 du texte 2 place les Saxons sur un pied d’égalité légale avec les Francs. Le c. 1 montre qu’en 797, la situation en Saxe était assez normalisée pour que les hommes libres saxons soient convoqués à l’Ost franc sans que Charlemagne ne craignent qu’ils ne trahissent ou se retournent contre lui.
Cette évolution se traduit par les liens qui se créent très vite entre noblesse franque et saxonne. Par exemple, Widukind, d’abord relégué dans un monastère, est libéré dans les années 790 et devient comte en Saxe. Il resta toujours fidèle à Charles par la suite. Ses descendants épousèrent des franques.
Le deuxième texte témoigne de cette évolution, en particulier par le biais du principe compensatoire, qui est un signe de christianisation (v. le cours sur les lois d'Ethelbert et celui sur la Vie de saint Amand.)
III- Les coutumes saxonnes, de la condamnation du paganisme à la rédaction de la Loi des Saxons :
Evolution : le premier texte est imposé par les Francs et Charlemagne, le second est issu d’une délibération commune des grands du royaume et des « Saxons des divers cantons » (c'est-à-dire les délégués de la noblesse saxonne désigné par comtés, pagus).
A- Des coutumes nationales condamnées au nom du paganisme :
Texte 1 en général, et plus particulièrement le c. 7, qui interdit les assemblées traditionnelles, qui étaient la base de la vie publique en Saxe et associait délibérations collectives sur la gestion du groupe et rites propitiatoires païens. Ces assemblées des nobles de chaque région de Saxe avaient un rôle essentiel pour le gouvernement d’un ensemble qui ne devient jamais une royauté unifiée mais resta toujours une confédération tribale. Elles sont donc supprimées et Charlemagne leur substitut les tribunaux comtaux francs => briser les cadres de vie et solidarités traditionnels.
Mais les Carolingiens n’avaient pas les moyens matériels, et sans doute pas la volonté, de transformer les Saxons en Francs. Ils les intégrèrent à leur univers politique tout en conservant certaines de leurs traditions sur lesquelles ils pouvaient appuyer leur gouvernement, notamment en réaffirmant la structure sociale distinguant les nobles, les libres et les lites (semi-libres attachés à un maître), ce qui leur permettait de s'appuyer sur ls premiers pour tenir les autres.
B- Le retour des assemblées saxonnes en 797 :
Les Saxons des cantons qui participent à l’assemblée d’Aix sont issus du même type d’assemblées, qui au temps de l’indépendance, désignaient les délégués qui se rendaient à la grande assemblée annuelle à l’Irminsul. Mais la structure est réaménagée dans le cadre du royaume des Francs, et les délégués ne se rendent désormais plus dans un lieu de culte païen symbole de la nation saxonne, mais dans le centre du pouvoir politique et religieux du roi des Francs.
Les assemblées locales réapparaissent également sous l’appellation de plaids dans le c. 8 (« qu’alors les hommes du canton se réunissent en commun plaid ») mais sans mention du comte, ce sont donc des assemblées distinctes du plaid comtal. Elles ont néanmoins des prérogatives judiciaires dans un cadre légal qui ressort de la coutume saxonne.
C- La codification de la loi saxonne :
Á la période de la conquête durant laquelle les Saxons sont soumis brutalement à la loi franque succède une période de reconnaissance qui voit la prise en compte puis la mise par écrit des coutumes judiciaires saxonnes. Le c. 8 en est un exemple très net puisqu’il décrit une procédure pour faire appliquer une décision de justice qui n’existe ni dans la loi salique ni dans la loi ripuaire, et qui doit donc être typiquement saxonne (on sait qu’elle l’est car elle apparaît ensuite dans la version rédigée de la Loi des Saxons).
Cette loi saxonne est citée nommément dans le c. 7. En fait, au moment où le texte est écrit, ça n’est pas encore une loi écrite, mais un ensemble de coutumes orales qu’ont commencé à rassembler les comtes exerçant en Saxe. Elle fut mise par écrit après 802, lorsque Charles, lors d’une assemblée tenue à Aix, décida de faire mettre par écrit, sur le modèle des lois franques, toutes les lois du royaume.
Dans un souci d’efficacité administrative, les Francs laissèrent donc en place un certains nombres de coutumes et de pratiques locales qui pouvaient servir de relais à leur pouvoir. En retour, les populations locales acceptaient mieux une domination qui, en respectant leurs particularismes, se faisaient moins oppressante. L’unité qui manquait à la Saxe au temps de son indépendance prit alors corps autour du christianisme et du service du roi carolingien.
Conclusion :
Les liens étroits tissés entre la dynastie carolingienne et l’Église, plus substantiels qui ceux qui avaient existé sous les Mérovingiens, orientèrent toute l’idéologie politique de la période. Le roi carolingien, protecteur de l’Église, se devait de convertir les païens et de les intégrer à son royaume. On observe une confusion entre royaume des Francs et chrétienté, les sujets du roi étant forcément chrétiens. Ce principe fondait le lien de fidélité qui devait unir les sujets à leur souverain et se fondait sur la foi partagée. Ainsi les rois carolingiens pouvaient-ils adresser leurs actes solennels à « tous les fidèles de Dieu qui sont aussi les nôtres. »
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Le règne de Rothari d’après le pseudo-Frédégaire et Paul Diacre
26/11/2006 18:35
Introduction :
Deux textes témoignant du règne du roi Lombard Rothari (636-652) tirés de deux œuvres composées à des dates et en des lieux différents et présentant des projets historiques distincts : la Chronique dite du pseudo-Frédégaire et l’Histoire des Lombards de Paul Diacre.
La première est une chronique universelle qui se veut la continuation de l’Histoire d’Orose et de l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours. Le nom de Frédégaire, à qui elle a été attribuée au XVIème siècle, est en fait le nom du scribe qui en recopia le manuscrit au VIIIème siècle. C’est en fait une œuvre composite qui relate l’histoire du royaume des Francs et de ses voisins de 591 à 769, et est due à plusieurs auteurs différents. La partie qui nous intéresse ici a été écrite en Bourgogne, le royaume mérovingien le plus proche du royaume des Lombards, par un auteur qui était sans doute un clerc ou un moine et qui était très attaché à la morale chrétienne, qu’il n’hésite pas à utiliser pour disqualifier les rois ou les grands dont l’action lui déplait. Il écrit dans la seconde moitié du VIIème siècle, soit très peu de temps après les événements, mais son récit est triplement orienté :
- parce qu’il est Franc et donc opposé aux Lombards ;
- parce qu’il est catholique et donc opposé aux ariens ;
- parce que son projet historiographique est d’abord un projet chrétien de défense et d’illustration de la morale ecclésiastique.
La seconde est une histoire nationale, la plus tardive écrite puisqu’elle date des années 780’s par Paul Diacre, lombard exilé à la cour de Charlemagne après l’invasion de l’Italie par les Fracs (774). Ce décalage correspond à l’histoire même des Lombards, derniers venus des envahisseurs germaniques qui n’entrent en Italie qu’en 568. L’histoire de Paul Diacre reprend les topoi du genre, puisant chez Jordanès, Grégoire, Isidore et Bède. Sa première partie, qui rapporte le périple des Lombards de Scandinavie jusqu’en Italie est totalement mythique. Par contre, la seconde partie, consacrée à l’histoire du royaume lombard en Italie est très documentée, appuyée sur des documents que Paul Diacre cite (comme le prologue de l’Edit de Rothari dans le texte). Les faits sont donc fiables, mais le projet idéologique double (les Lombards sont élus de Dieu pour gouverner l’Italie : malgré leur arianisme ils étaient destinés à devenir de bons catholiques) et le contexte de rédaction (alors que les Lombards ont été vaincus par les Francs) en font une défense et illustration du peuple lombard, une sorte de panégyrique funèbre rendant un dernier hommage à la grandeur du peuple vaincu.
Ces deux textes sont complémentaires dans l’ensemble, même si ils s’opposent sur certaines appréciations. L’un complète les silences factuels de l’autre. Ils rapportent la façon dont Rothari, après avoir obtenu le trône des Lombards en épousant le veuve du précédant roi, gouverna le royaume, l’agrandit, mais eut un mode de vie peu en accord avec les préceptes de l’Église.
Le règne de Rothari est une période charnière dans l’histoire du royaume des Lombards : il met fin à l’époque de la conquête et consacre l’installation définitive des Lombards en Italie. Libérés des menaces franques et byzantines par la crise que traverse ces deux ensembles, ils peuvent organiser leurs conquêtes. Cette période de stabilisation ouvre la voie à la conversion au catholicisme de ses successeurs et à l’intégration complète des Lombards à la société italienne. Mais il souligne aussi l’inachèvement de ce projet politique : lui comme ses héritiers ne parviennent pas à éliminer la présence byzantine en Italie, ni à s’emparer de Rome, symbole de l’unité italienne.
PB : Dans ce contexte, les enjeux du règne de Rothari étaient doubles : achever autant que possible l’unité du royaume et lui donner la stabilité nécessaire à son maintien, alors que les Lombards, derniers venus, n’avait jamais eu l’expérience de la société romaine.
Plan : 1- le royaume 2- la royauté (= deux parties descriptives) 3- le roi (partie + critique).
I- Le royaume des Lombards dans le deuxième tiers du VIIème siècle.
A- Un royaume encore morcelé :
« un des ducs du territoire de Brescia » : royaume des Lombards est divisé en 12 duchés = grandes unités territoriales gouvernées par un chef de guerre (dux) qui y tient aussi l’administration civile. Chaque duché est divisé en gastaldies, unités plus petites, autour d’une cité. A l’origine, les ducs étaient les compagnons d’armes du roi, et les gastalds les compagnons d’armes des ducs. Cette structure est donc calquée sur celle de l’armée. Les duchés avaient une grande tradition d’autonomie dans la mesure où, de 574 à 584, les ducs gouvernèrent le royaume sans roi. Cette autonomie reste forte dans les duchés méridionaux, coupés du reste du royaume par les terres byzantines. L’unité du royaume est symbolisée par la cité de Pavie, résidence du roi, où se réunit l’armée lombarde avant chaque campagne.
En fait, Frédégaire comprend mal la structure lombarde, il faut plutôt comprendre « un des Gastalds du duché de Brescia ».
B- Une société divisée mais en voie de réunification :
« en ce temps presque toutes les villes du royaume avait deux évêques… » : en s’installant en Italie, les Lombards ont repris à leur compte la stricte séparation entre catholiques et ariens qu’avaient instaurés les Ostrogoths. Néanmoins, cette coupure de la société ne survit pas à l’épreuve du temps : « Gondeberge, qui était chrétienne »= catholique (pour le pseudo-Fred., les ariens sont des polythéistes). : pour des motifs diplomatiques, les rois lombards épousent des femmes de la noblesse romaine ou des princesses franques, qui sont catholiques et cherchent à les convertir ou au moins à les influencer. « l’évêque arien de cette ville, Anastase, s’étant converti » : les cas de conversions personnelle se multiplient, rendant caduque la définition des statuts par la religion, puisqu’il y a des lombards catholiques et des romains ariens.
ð fusion progressive des élites (cf. Anastase : nom romain, donc ou c’est un lombard qui a un nom latin (nbx cas attestés, dont Paul Diacre lui-même), ou c’est un romain devenu arien).
ð Mais la fusion reste incomplète en Italie en raison de la présence byzantine qui crée une confusion.
C- Un royaume à l’unité territoriale encore inachevée :
Il y a deux catégories de Romains en Italie : les sujets autochtones du roi des Lombards, et les « Romains de Ravenne » = populations placées sous l’autorité de l’empereur d’Orient depuis la reconquête justinienne des années 550, en particulier dans l’exarchat de Ravenne, qui est au contact direct des Lombards, et dont dépend le duché de Rome, où le pape est un simple fonctionnaire byzantin. 2 conséquences :
- les Romains de l’intérieur sont tjs + ou – suspectés de trahison ;
- Un des grands buts des rois Lombards, qui leur permet d’unifier leur peuple autour d’un projet commun, est la conquête de toute l’Italie. Rothari s’y illustrent particulièrement :
Le ps-Fred s’intéresse particulièrement aux conquêtes septentrionales de ce roi, qui permettent aux Lombards de supprimer les dernières cités-tampons byzantines subsistantes entre leur royaume et celui des Francs => intérêt direct pour un Franc de Bourgogne.
Paul Diacre signale cette intervention en Ligurie, mais s’intéresse surtout aux expéditions contre l’exarchat (Odierzo et bataille de la Scultenna) qui s’intègrent dans ce projet d’unification.
Ce projet fédérateur destiné à unir les Lombards derrière leur roi conduit à s’interroger sur la nature du pouvoir de ce dernier.
II- La royauté lombarde : une royauté élective, guerrière et justicière.
A- Un roi chef de guerre élu par l’armée des Lombards :
« un homme courageux » + récit des campagnes militaires = Rothari est d’abord un chef de guerre menant son peuple à la bataille. Victoire militaire = meilleur moyen pour un roi lombard de se maintenir (insistance sur le caractère éclatant de la victoire de la Scultenna : 8000 morts, chiffre non fiable à prendre pour sa valeur symbolique : un très grand nombre)
Paul Diacre est peu dissert sur les modalités de son choix (mais il a déjà expliqué auparavant comment est choisi le roi des Lombards). Le ps. Fred, moins coutumier de fait, habitué qu’il est à la succession dynastique mérovingienne, s’attarde sur le fait que Gondeberge lui promet « qu’avec son aide il serait élevé au trône par tous les Lombards » et qu’il fut en effet « à l’instigation de Gondeberge élevés sur le trône par tous les grands des Lombards » => cérémonie à rapprocher de l’élévation au pavois de Clovis. « Tous les Lombards » = l’assemblée des Arimani (mot à mot les « hommes de l’armée ») ou Thinga = convocation de l’armée à Pavie + assemblée politique ou sont discutées les grandes questions concernant le gouvernement du royaume. C’est dans ce cadre que le roi est élu.
Mais aussitôt élu, Rothari « fit périr un grand nombre de nobles qu’il savait être ses ennemis », signe que sa légitimité, fondée sur la seule élection restait insuffisante pour tenir tête au grand.
B- La légitimation par les femmes :
Le déficit de légitimité de la royauté lombarde, en grande partie liée au principe électif et au système des duchés, beaucoup de ducs étant plus puissants que le roi, est compensé par le choix d’épouse incarnant la continuité de la succession royale depuis la période dynastique (période qui s’achève avec Alboin, + en 572, le conquérant de l’Italie). v. généalogie.
Ps. Fred : mise à l’écart de Gondeberge : la femme légitime le pouvoir mais n’y participe pas.
La force militaire (« inspira une certaine crainte ») et le mariage avec une héritière royale était les deux piliers qui permettaient au roi d’assurer sa mission, qui était d’abord de maintenir l’ordre symbolique de la société.
C- Un roi justicier garant de la paix civile :
« Désirant la paix, il établit dans tout le royaume une très forte discipline… » + « suivant les sentiers de la justice » : dans le contexte d’un royaume divisé en douze unités territoriales susceptibles d’entrer à tout moment en conflit entre elle, le rôle du roi est d’abord de maintenir la paix intérieure du royaume, notamment en offrant un exutoire guerrier à ses sujets, mais aussi en contrôlant les ducs par la menace : épisode D’Aion, fils d’Arichis de Bénévent, qui se rend auprès du roi : tous les fils de ducs sont élevés à la cours, où ils lient des liens perso avec le roi, mais où ils servent aussi d’otage en cas de rébellion de leur père.
Mais cette paix civile doit aussi être garantie à tous, par la loi : « il mit par écrit les lois des Lombards… » Prenant acte de la fusion à l’œuvre dans son royaume, Rothari édicte une unique loi, qui matérialise la stabilisation du royaume, et qui est en réalité un mixte de la loi lombarde orale et du droit romain, pour tous ses sujets. (mais il est normal que Paul Diacre insiste sur le caractère lombard de cette réforme).
Cette façon de voir de Paul Diacre incite à porter un œil plus critique sur ces documents pour en tirer un bilan du règne de Rothari.
III- Le règne de Rothari : un bilan contrasté.
A- Le Rothari de Paul Diacre : un législateur héritier de Rome.
Pour Paul Diacre, Rothari est l’un des fondateurs du royaume lombard par son œuvre législative, d’où les précautions oratoires qu’il prend dès le début du récit de son règne pour le racheter malgré son arianisme : en particulier, bien qu’hérétique, Rothari « marche sur les sentiers de la justice », comme un bon chrétien. Il s’abstient également de mentionné que son inhumation ad sanctos se fait à proximité de la cathédrale arienne de Pavie.
Son œuvre législative est doublement fondamentale pour Paul : 1- la rédaction de ce « code » élève les Lombards au même rangs que les autres peuples germaniques (cf. Code d’Euric) ;
2- en faisant acte de législateur, Rothari se hisse au rang de l’empereur, qu’il imite d’ailleurs formellement en donnant au code le nom d’« édit » = loi impériale romaine.
Cette exaltation du caractère lombard de son œuvre éclate dans la datation utilisée par Paul : il ne date pas par le Christ ou les règnes impériaux, comme c’est ma coutume au VIIIème siècle, mais en année depuis « l’arrivée des Lombards en Italie ». Le chiffre de 75 ans retenu a d’ailleurs une forte valeur symbolique.
B- Le Rothari du ps. Fréd. : un tyran brutal et sanguinaire.
Au contraire du Lombard Paul Diacre, le ps. Fred. se montre très critique envers Rothari, utilisant en particulier la morale conjugale comme arme pour attaquer de façon détournée sa politique (procédé courant sous sa plume, fait de même contre Dagobert Ier) et en l’accusant d’une brutalité hors de propos (traitement des cités ligures) qui l’assimile à un barbare => confusion morale/politique qui est typique des époques anciennes ou le « bien gouverner » s’entend d’abord au sens éthique de Bien.
3 niveau du plus explicite au plus implicite :
- le comportement de Rothari à l’égard de Gondeberge qui est une franque : en s’attaquant à l’honneur d’une princesse de sang franc, le Lombard menace l’honneur de tout le peuple franc.
- la défense d’un modèle matrimonial monogame chrétien, dont Gondeberge est présentée comme la championne. Au-delà, sur une thématique qui se trouve déjà chez Grégoire, sont opposés un modèle germanique soi-disant polygamiques (concubinage), associé au paganisme (<>° au « christianisme » de Gondeberge) ou à l’arianisme et un modèle romain catholique monogame fondé sur la fidélité. En fait, les études récentes (R. Le Jan) ont montré que ce discours est très théorique, avant tout polémique, et reflète mal la réalité d’une société largement monogame ou la polygamie et la polygynie successive sont des signes de puissance de l’élite.
- la dénonciation d’une menace lombarde : en unifiant le royaume, en portant ses frontières jusqu’aux limites du royaume des Francs, Rothari constitue une menace pour le pouvoir mérovingien déjà fragilisé.
C- Le poids du fait religieux.
Malgré leurs divergences, le ps. Fred et Paul Diacre s’accordent néanmoins pour reconnaître que l’arianisme de Rothari était un problème qui mettait un frein à sa légitimité. En particulier, le projet lombard d’union de la péninsule autour de Rome était voué à l’échec aussi longtemps que l’arianisme restait un obstacle au ralliement des Romains. A la fin, Paul Diacre doit bien admettre cette limite, à travers une anecdote exemplaire : le viol de la sépulture de Rothari qui parce qu’en mauvais chrétien il ne s’est pas fait inhumé humblement et sans ornements, voit son dernier repos troublé par des voleurs. Archéologiquement, l’anecdote est instructive car elle nous apprend qu’autour de 650, les Lombards pratiquaient encore l’inhumation vêtue (avec les habits, bijoux et armes du défunt), rituel condamné par l’Église catholique et qui a alors disparu chez les autres peuples non païens.
Conclusion :
Rothari releva le premier des défis de son règne : s’imposer et assurer, par des moyens variés, sa légitimité à la tête du royaume. Au fil d’un règne de 16 ans, il stabilisa le royaume, lui donnant des frontières qui n’évolueraient guère pendant près d’un siècle, jusqu’à la prise de Ravenne par le roi Aistulf en 751.Surtout, prenant acte de l’installation durable des lombards en Italie et de leur progressive fusion avec les populations locales, il fixa le droit pour en faire la base de l’administration du royaume. Malgré tout, son règne reste une œuvre inachevée : il ne put mettre fin à la présence byzantine et Italie, et son attachement à l’arianisme se manifesta à contretemps d’une société marquée par la multiplication des conversions individuelles au catholicisme. Surtout, sa pratique matrimoniale mina de l’intérieur sa légitimité en entraînant la marginalisation de son épouse. Son successeur Rodoald, dernier époux de Gondeperge, ne se maintint d’ailleurs que deux ans. Aripert (653-661), en se convertissant au catholicisme, acheva l’œuvre de Rothari et donna de nouvelles bases à la royauté lombarde.
Conclusion générale :
Deux cas à la fois proches et différents : deux peuples germaniques ariens ultra-minoritaires qui s’intègrent à deux sociétés romaines ultra-majoritaires qu’elles transforment de l’intérieur ; deux royautés électives dans lesquelles les femmes interviennent comme facteur de légitimité du pouvoir royal, mais tandis que l’une arrive à un blocage lié au contexte global de la péninsule ibérique, l’autre sait renouveler les bases de sa légitimité et survivre jusqu’à la conquête franque. Alors que les guerres de successions en Wisigoths sont la première cause de la défaite de 711, celle des Lombards en 774 a des causes plus variées et complexes, et le problème de la légitimité royale n’y intervient que très marginalement.
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