|
[ Informations ] [ second semestre ] [ premier semestre ]
|
|
|
|
Quelques documents supplémentaires sur Clovis
09/10/2006 02:13
3 documents se rapportant plutôt au début du règne de Clovis. Vous remarquerez :
- sur l'anneau sigillaire du père de Clovis, Childéric, le portrait qui mêle des traits germaniques (les cheveux longs, la cuirasse) et romains (pallium = manteau des généraux, pillum). Cet anneau est le symbole du commandement militaire qu'avait reçu Childéric des derniers empereurs romains.
- dans la lettre de Rémi de Reims à Clovis, le lien très net qui est établi entre conversion et collaboration des élites gallo-romaines.
- dans le récit du baptême, l'aspect légendaire du texte qui recourt à des images poétiques, place un discours créé de toute pièce dans la bouche de Rémi et établi un lien net entre conversation et entrée dans le monde romain, le baptême faisant de Clovis un "nouveau Constantin".
| |
|
|
|
|
|
|
|
La chute de l'Empire d'Occident (476) (4)
04/10/2006 02:55
Illustration : denier d'argent à l'effigie de Romulus Augustule (475)
III- Romains et Germains : un jeu complexe :
1- Candidats de l’empereur et candidats du maître de la milice.
En démasquant les non-dits et les oublis volontaires de Jordanès, ce texte prend un nouveau relief. Il cesse d’être la simple histoire de l’inexorable déclin romain pour devenir le récit de relations beaucoup plus complexes. Il néglige de citer deux des acteurs majeurs de ces événements : le maître de la milice d’Italie, qui est toujours un barbare, et l’empereur d’Orient. En fait, parmi les empereurs cités, certains sont des créatures du premier (Avitus, désigné par le Wisigoth Théodoric ; Olybrius, désigné par le Suève Ricimer ; Glycère, nommé par le Burgonde Gondebaud) et un autre, Népos, le candidat de l’empereur d’Orient, dont il est le beau-frère par alliance (époux de la sœur de l’empereur). L’empire ne survit que dans cet équilibre de force fragile entre ces deux puissances, les rois Germains et l’empire d’Orient. Oreste, en rompant cet équilibre et en créant un empereur « italien » rompt cet équilibre et met en valeur la vacuité de la fiction impériale.
Observer chez Jordanès l’alternance de l’usage d’ »usurpation » (« à la faveur d’une usurpation plutôt que d’une élection » « qui avait usurpé le trône »), quand le nouvel empereur est issu du choix d’un chef germain (Wisigoth pour Avitus, Burgonde pour Glycère), de « détrôner » quand intervient le candidat de l’empereur d’Orient (Népos) et de « créer » pour Augustule, signifiant ainsi son absence totale d’initiative. N’utilise qu’une fois « élection » (mode normal de désignation de l’empereur, élu par les sénat et l’armée et élevé sur le pavois) pour remarquer son absence. Mais toutes ces « usurpations », validées par le choix de l’armée et de ce qu’il reste du sénat, qui n’a de toute façon guère le choix, sont bien pourtant des « élections » au sens romain du terme (l’élection de Vespasien ou de Constantin ne sont guère différents, c’est le contexte qui a changé). Il utilise là un procédé de péjoration à l’égard des derniers empereurs romains. Mais il se montre aussi curieusement légitimiste tant que l’empereur est en place, ce qui montre qu’il connaît aussi bien la culture romaine.
2- Conflits entre Germains et entre Romains.
En effet, finalement, ce texte ne nous montre qu’un conflit entre Germains et Romains, celui qui oppose Euric à Aegidius pour le contrôle de l’Auvergne. Les autres sont des conflits entre Romains pour l’empire, dans lesquels s’immiscent les Germains qui maîtrisent la nécessaire force militaire, puis, sous-entendu à la fin, un conflit entre Germains, mais du à l’intervention des Romains d’Orient.
Cf. fin 1er et 2ème paragraphe : Oreste sait très habilement manipuler la fiction d’une opposition frontale entre Germains et Romains pour arriver à ses fins : il utilise la menace wisigothique en Gaule pour prendre le contrôle de l’armée et renverser Nepos, dans un contexte où tout projet d’expédition en Gaule aurait été illusoire puisque la Gaule était coupée de l’Italie par le royaume burgonde. De plus, l’armée dont il prend la tête est la même troupe d’auxiliaires germaniques qu’utilise ensuite Odoacre contre lui.
En réalité, ce sont donc des blocs constitués à la fois de Germains et de Romains qui s’affrontent. Glycère, bien que Romain, était soldat dans l’armée burgonde de Gondebaud avant de devenir empereur. L’armée d’Aegydius intègre de nombreux contingents de Francs et d’Alamans aux côtés de Gallo-romains, tandis que celle d’Euric est constituée de guerriers wisigoths qui encadrent une infanterie gallo-romaine => armées multiethniques..
3- Des liens nombreux entre élites romaines et germaniques.
De tels éléments montrent que des liens étroits s’étaient tissés entre les Germains et les Romains, qui ne sont pas restés plus d’un siècle côte à côte sans se rencontrer, mais ont au contraire activement échangé et ont un intérêt commun : la défense de l’empire contre les nouveaux venus (en 451, le père d’Avitus, Aetius, repousse Attila avec une armée coalisée de Romains, de Wisigoths et de Francs). Le même Avitus était allié à Théodoric II, le roi des Wisigoths, sur qui il s’appuya pour devenir empereur. L’armée qui protège Rome et l’Italie, et dont Oreste prend la tête, est celle de Ricimer, de Gondebaud et d’Odoacre : un agrégat de troupes barbares qui servent Rome comme mercenaires et sont promptes à se révolter si leur solde n’est pas payée à temps. C’est d’ailleurs un problème de rétribution qui amène Odoacre à se retourner contre Oreste, et non une opposition naturelle du Germain au Romain. D’autre part, le nouveau pouvoir qui se développe, celui de l’Église, est commun à tous, car à quelques exceptions près (comme les Francs) les Germains installés dans l’empire sont convertis au christianisme, comme les Romains. Enfin, l’une des meilleures preuves de cette acculturation mutuelle est le texte lui-même et son auteur, un Ostrogoth portant un nom chrétien et écrivant en latin l’histoire d’un peuple germain dans laquelle il raconte la fin de Rome en la datant … selon le calendrier romain, et assez instruit de l’histoire romaine pour relever la proximité de noms entre le premier et le dernier des Augustes.
Conclusion :
Par ces non-dits, ses approximations volontaires, ses ellipses dans la façon de raconter les faits, Jordanès grossit artificiellement le trait pour construire une opposition entre Romains et Germains qui est e fait plutôt une mise en scène de la confrontation entre Ostrogoths et Byzantins qui se déroule au moment où il écrit. En réalité, élites romaines et germaniques sont liées entre elles et vivent dans un même univers social et culturel, luttant ensemble pour imposer leurs candidats à la tête de l’empire. Les rois germaniques font carrière dans l’armée romaine, les Romains s’allient aux Germains contre d’autres Romains. Dans ce monde mixte, multiethnique, l’empire a déjà cessé d’exister et l’acte d’Odoacre, en 476, ne fait qu’entériner en droit ce qui était depuis longtemps vrai en fait. Le paradoxe est que cet empire moribond sur le terrain survivra encore longtemps dans les têtes, jusqu’à donner l’envie aux descendants des rois barbares du Vème siècle de se faire à leur tour empereurs.
| |
|
|
|
|
|
|
|
La chute de l'Empire d'Occident (476) (3)
04/10/2006 02:51
Illustration : Odoacre épargne Romulus Augustule, gravure du XIXème siècle.
II- Anciennes et nouvelles hiérarchies :
1- Empereurs, rois et maîtres de la milice.
Analyse des mots posant problème dans le texte :
Empereur : aussi appelé César (ligne 2) ou auguste (dernier §), il reste la source absolue de tout pouvoir en théorie (cf. tentative de Nepos de déposer Aegidius en Gaule). En réalité, il est le jouet des rivalités entre les grandes familles sénatoriales, parmi lesquelles il est choisi, les rois germaniques et l’empereur d’Orient.
Sénateurs : en théorie, membres l’assemblée législative de Rome qui choisit l’empereur et dont sont issus les grands administrateurs de l’empire. En pratique, le sénat ne se réunit plus depuis le début du IVème siècle. Sénateur est devenu un titre qui marque l’appartenance à une classe sociale caractérisée par :
- la noblesse
- la possession d’immenses domaines fonciers (les villae) au centre desquels ils installent leurs luxueuses demeurent et dont les paysans sont leurs clients.
- L’origine romaine.
Maître de la milice (magister militiae) : milice = armée, c’est donc une sorte de général en chef de l’armée cantonnée dans une province. Mais remplacement des légions régulières, faute de recrues, par des troupes mercenaires et fédérées germaniques => les maîtres de la milice sont souvent des rois Germains qui reçoivent ce titre au moment du traité de fédération et de moins en moins des Romains. Ainsi, le titre de maître de la milice devient une manière de reconnaître le pouvoir de fait des rois germaniques installés dans l’empire comme fédérés, puis par la suite, aux grands sénateurs s’étant taillé des principautés régionales (il fut porté par Avitus et Aegidius en Gaule, par Marcellin en Dalmatie, par Théodoric II et Euric en Aquitaine et Espagne, par Gondebaud en Provence, par Ricimer et par Odoacre en Italie). Le maître de la milice d’Italie a une importance particulière dans la mesure où il choisit de fait l’empereur.
Roi : chef d’un peuple germanique installé dans l’empire comme fédéré. Ils peuvent être héréditaires ou élus par leur armée. L’installation de ces peuples dans des zones géographiques précises qu’ils doivent défendre fait que leur pouvoir s’exerce aussi sur les citoyens romains y habitant, d’où une territorialisation du pouvoir.
Duc / Patrice (chef, protecteur) : les rares romains qui sont encore mm sont aussi gouverneur de province et concentrent pouvoirs civils et militaires dans des zones où ils possèdent aussi leurs villae. Ils y possèdent donc un pouvoir proche de celui des rois germaniques. D’ailleurs, après 476, Aegidius est appelé roi des Romains.
Evêque : la christianisation de l’empire, officialisée par l’édit de Milan (313) a donné un rôle important aux évêques, chefs de l’église dans une cité qu’ils administrent également au nom de l’empereur. Progressivement, ils deviennent le seul pouvoir réel dans les cités. Les empereurs déchus qui deviennent empereur conservent donc une fonction politique, tout en étant exclu de la lutte pour le pouvoir par leur statut ecclésiastique (interdiction de se marier, donc d’avoir des enfants ; interdiction de porter les armes).
ð un pouvoir central vidé de son contenu par la réalité des pouvoirs locaux.
2- Duchés et principautés.
Ecdicius est appelé « duc des Romains », il se réfugie « en des lieux plus sûrs » = son domaine, au nord de la Loire ; Népos se réfugie en Dalmatie et y exile Glycère, or, depuis son père (le « patrice » = protecteur), sa famille y a construit une véritable principauté : Sur la base du pouvoir des ducs et des rois se développent de nouvelles formes d’organisation politique fondée sur le pouvoir d’un homme qui s’attache personnellement ses dépendants. Ces structures répondent à la dissolution des liens administratifs prédominant dans l’empire romain, au profit des liens de clientèles (un patron protège ses clients en échange de services) qui se limitaient au départ au domaine privé. C’est cette structure de liens interpersonnels qui leur permet de contrôler de vastes zones et d’y implanter localement leur pouvoir, ce qui achève de mettre à mal l’autorité centrale de l’empereur. Cette structure est en fait très proche des liens de fidélité tissés par les chefs barbares avec leurs hommes.
3- Les conséquences du coup de force de 476 : un seul empereur.
« L’empire d’occident du peuple romain périt. Depuis lors ce sont les rois des Goths qui possèdent Rome et l’Italie. » La conséquence première du coup de force de 476 est l’accession de tous ces princes, ducs et maîtres de la milice au titre de roi (ex. Aegdius devient « roi des Romains »), et l’indépendance des rois barbares implantés dans l’empire.
Néanmoins, l’empereur d’Orient tire parti du fait qu’Odoacre a renvoyé les insignes impériaux à Constantinople pour voir dans les événements de 476 non la chute de l’empire d’Occident, mais la réunification sous sa seule autorité de l’Empire romain. Ils considèrent donc ces rois comme ses administrateurs, leur décerne des titres romains et cherchent à les éliminer quand ils deviennent trop autonomes, comme Odoacre en Italie. Mais les Goths envoyés le remplacer deviennent à leur tour trop autonomes. En 551, Justinien déclenche une guerre de reconquête de l’Italie. La dernière phrase du texte est une réponse idéologique à ce projet : il n’y a plus d’empire en Occident, les rois ostrogoths ne sont pas les délégués de l’empereur, ils « possèdent » l’Italie comme un bien personnel. Ainsi, ça n’est que 70 ans après les faits que l’on commence à tirer les conséquences entière d’un événements qui était passé quasiment inaperçu en 476.
| |
|
|
|
|
|
|
|
La chute de l'Empire d'Occident (476) (2)
04/10/2006 02:46
Corps du commentaire :
Avant de rédiger le commentaire, il faut veiller à :
- Elucider les éléments qui demandent à l’être : identifier les personnages et les lieux.
Personnages :
Olybrius
Glycère
Népos, fils de la sœur de Marcellin
Euric
Ecdicius
Avitus
Oreste
Augustule
Odoacre
Lieux :
Ravenne
La cité des Arvernes
Dalmatie / Salone
Plaisance
Lucullus / Campanie
- identifier les passages qui posent problème et demanderont donc à être analysés en détail = passage soulignés dans le texte.
I- Une période troublée :
1- La succession au trône impériale.
Texte cite 5 empereurs en tout : Avitus (455-456) ; Olybrius (472), Glycère (472-474), Julius Nepos (474-475) et Romulus Augustule (475-476) = succession très rapide, tous règnent un an ou moins.
Mode de la narration, en accumulant la liste de ces successions très rapides sans vraiment d’explication (à part l’usurpation) sur leurs causes accroit cette sensation vertigineuse d’un empire devenu fou et courant à sa perte (v. les premières lignes) et utilise cet argument pour expliquer l’affaiblissement général de l’empire. (« c’est en considérant toutes ces vicissitudes…. »). Un seul à une origine identifiée : c’est Avitus qui était sénateur, puisque son fils l’était aussi (titre héréditaire). Mais on sait par ailleurs que tous étaient issus de cette classe, à l’exception de Glycère, simple soldat porté sur le trône par son général et qui était un fantoche. D’ailleurs, de façon générale, tous apparaissent comme des fantoches qui ne font rien : Jordanès ne nous dit rien de leur action, le seul qui tente de réagir à l’affaiblissement de l’empire, Nepos, voit son initiative se retourner contre lui (tentative de reprendre le contrôle de la Gaule et révolte d’Oreste). Mais d’autres tirent profit de cet affaiblissement.
2- Le pouvoir croissant des chefs de guerre.
Quatre personnages tirent leur épingle du jeu dans ce texte, deux Romain et deux Barbares. Ils ont en commun de contrôler la puissance militaire (ce qui se traduit par le titre de « maître de la milice ») :
- Ecdicius (ou Aegidius), l’homme fort des Gaules qui doit certes reculer devant les Wisigoths mais qui préserve son indépendance à l’égard de Rome puisque Nepos ne peut le faire déposer ;
- Oreste qui, en prenant le commandement de l’armée, acquiert le moyen de peser sur le choix de l’empereur ;
- Euric, le roi des Wisigoths, qui accroît ses possessions ;
- Odoacre, le roi des Turcilinges, qui met fin à l’empire ;
ð montre prédominance des pouvoirs appuyés sur l’armée, composée essentiellement d’auxiliaires germaniques (« et des troupes d’auxiliaires appartenant à diverses nations »), qui fait et défait les empereurs, et ayant un fort ancrage local.
3- La fin de l’empire.
La conséquence logique de cette situation est la fin de l’empire romain d’Occident, qui avait déjà perdu toute réalité, puisque l’empereur n’était plus qu’une marionnette entre les mains de ceux qui contrôlaient les forces militaires. « il arriva à Ravenne et s’y arrêta pour faire empereur son fils Augustule » : Un symbole de cette situation est le choix d’Oreste de ne pas devenir empereur mais de confier le trône à son fils de 15 ans (d’où son surnom d’Augustule, petit Auguste). « Odoacre, roi des Turcilines … d’empara de l’Italie. Oreste fut tué et Odoacre ayant détrôné son fils Augustule, le condamna à la peine de l’exil » : En 476, Odoacre, devenu maître de la milice, met le siège devant Milan, où résident Oreste et Romulus Augustule depuis qu’il a pris le contrôle de Ravenne. La ville, mal défendue par les rares troupes restées fidèles à Oreste, tombe rapidement et Oreste est tué. On raconte qu’Odoacre, ému par la jeunesse et la beauté de Romulus Augustule, décida l’épargner et de l’exiler. Mais en pratique, cet enfant privé de tout pouvoir et de tout soutien ne représentait plus aucun danger pour lui. « C’est ainsi que l’empire d’Occident du peuple romain … périt » : Odoacre fit ensuite envoyer les insignes impériaux à l’empereur d’Orient, signifiant ainsi qu’ils étaient devenus en Occident, et se proclama roi d’Italie. Mais son règne fut de courte durée, car l’empereur Zénon envoya les Ostrogoths fédérés en Pannonie occuper en son nom l’Italie. En 480, Théodoric Ier le Grand éliminait Odoacre et devenait roi d’Italie (« depuis lors ce sont les rois des Goths qui possèdent Rome et l’Italie »).
| |
|
|
|
|
|
|
|
La chute de l'Empire d'Occident (476)
04/10/2006 02:44
Quelques rappeles méthodologiques que je n'ai pu faire vendredi dernier faute de temps : vous observerez que :
1- tout extrait ou résumé du texte doit être commenté et analysé sinon c'est de la paraphrase.
2- on cite toujours le texte avant d'analyser, chaque élément du commentaire doit s'appuyer sur le texte. On peut cependant apporter des connaissances extérieures si elles éclairent le contenu du texte (v. le III)
3- Les parties sont liées entre elles par des transitions, chaque partie s'achève par une conclusion partielle.
Ce qui suit est la reprise intégrale du commentaire présenté le 29/09/06 :
Introduction :
Présentation du document :
La nature du doc : un récit extrait d’une œuvre narrative
L’auteur : Jordanès (Jornandès) : historien du VIème siècle d’origine gothique mais converti au christianisme et écrivant en latin, ce qui démontre bien l’assimilation très rapide de la culture romaine par les barbares installés dans l’ancien empire. Lettré, notaire (= celui qui rédige des actes) de formation, Jordanès travailla au service de princes gothiques aussi bien que d’Italiens d’origine romaine et accompagna le pape Virgile à Constantinople en 551. Il résidait à Ravenne, ancienne capitale impériale romaine devenue la principale résidence des rois ostrogoths d’Italie, puis centre de l’administration byzantine après la reconquête de l’Italie dans les années 550. On lui doit deux œuvres majeures qui témoignent de cette double appartenance : une Histoire Romaine (jusqu’en 552) et une Histoire des Goths …
L’œuvre : … achevée en 552 ou 553, au moment où débute la reconquête byzantine de l’Italie, elle rapporte les tribulations des Goths de leur départ de Scandinavie, au IIème siècle, jusqu’à leur scission en deux rameaux et leur installation en Italie (Ostrogoths) et en Espagne (Wisigoths). D’abord totalement légendaire, cette histoire ce fait plus précises et détaillées à partir de l’entrée des Goths dans l’Empire romain (380) d’abord comme alliés et mercenaires contre les Huns d’Attila, puis comme successeurs de l’empire déclinant. C’est d’ailleurs le propos fondamental de l’ouvrage que de démontrer que les Goths ont été choisis par Dieu qui les a guidé à travers leurs longues années d’exil et les a destiné à prendre la suite des Romains corrompus. D’où une vision très péjorative donnée des Romains dans cette œuvre.
Date du doc / des événements rapportés : Cet aspect culmine dans le récit des divisions et querelles entre les derniers empereurs qui conduit à la chute de l’empire d’Occident, événements qui ouvre la porte à la domination gothique en Italie (v. dernier paragraphe). La date de 476 peut se déduire des deux dates en style romain que donne Jordanés : l’empire commence en 709 de Rome = 79-732 = -23 (accession d’Octavien au titre d’Auguste) et s’achève en 522 du règne des Césars = -46 (1ère dictature de César, ancêtre fictif de tous les empereurs romain) + 522 = 476. Jordanès écrit donc 76 ans après les faits, dans une période de nombreux documents devaient subsister, mais où aucun témoin direct ne survivait.
Conclure sur la valeur historique du document : de l’ensemble de ces éléments on peut conclure que le texte est fiable, bien documenté dans sa composition factuelle, Jordanès n’a pas inventé d’événements. Mais le temps passé entre les faits et la rédaction et le parti pris idéologique de l’auteur l’amène à faire :
- des erreurs ponctuelles : Nepos était le fils et non le neveu de Marcellin ; Avitus régna 4 mois et non quelques jours et ne se retira pas volontairement mais fut déposé, puis chassé de Plaisance.
- un choix dans ses sources et à cacher certains événements.
Analyse : Le texte rapporte la façon dont, dans les années précédant 476, la succession très rapide des empereurs, mus par la seule ambition, entraîne l’affaiblissement de l’Empire d’Occident et, finalement, la déposition du dernier empereur, Romulus Augustule, par le chef barbare Odoacre en 476. Les Ostrogoths prennent alors le pouvoir en Italie.
Contexte : Depuis le IVème siècle, l’Empire romain est divisée en deux parties, l’Empire d’Orient, avec pour capitale Constantinople, qui reste un État puissant et bien organisé, et l’Empire d’Occident, dont la capitale Rome est désertée au profit des villes impériales de Milan et Ravenne, et qui d’affaiblit sous les coups d’une grave crise économique et sociale et d’une série d’invasions barbares. Rome est pillée à deux reprises, par les Wisigoths en 407 puis par les Vandales en 455. En 410, plusieurs peuples germaniques franchissent le Rhin, poussés par les Huns d’Attila qui déferlent à leur tour sur l’empire. Pour assurer la défense de ses frontières, l’empereur d’occident affaibli et privé de moyens doit accepter l’installation de peuples germaniques dans l’empire. Ceux-ci signent un traité (foedus) par lequel, en échange de terres, ils s’engagent à défendre le limes contre leurs congénères. C’est la fédération (faire liste des régions ainsi passées sous contrôle barbare). Dès lors, le titre impérial devient, en occident, l’objet d’une rivalité entre les rois barbares fédérés et les empereurs d’Orient qui espèrent utiliser la situation pour réunifier l’empire.
Problématique : Dès le 4ème siècle, l’empire d’Occident est donc marqué par la présence et l’influence croissante des barbares germaniques, tandis que la noblesse romain se retire progressivement des affaires publiques pour reconstituer son pouvoir dans les campagnes, sur un modèle proche de celui des Germains. Dans un empire peuplé de germains romanisés et de romains barbarisés, la date de 476 apparaît donc, pour les contemporains, comme un non-événement, tant le pouvoir véritable avait depuis longtemps déjà déserté Rome.
Annonce du plan :
Duns un premier temps, il est nécessaire d’élucider la succession des événements qui conduisent à la déposition de Romulus Augustule. Puis l’on verra comment de nouvelles hiérarchies d’instaurent qui concurrencent les vieilles hiérarchies vidées de leur contenu. Enfin, il faudra montrer comment, à travers ses non-dits, Jordanès masque une réalité bien plus complexe que la simple décadence romaine qu’il nous donne à voir.
= une partie événementielle, une partie d’analyse des termes du texte, une partie de critique de la source.
| |
|
|
|
|