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année universitaire 2006-2007

VIP-Blog de dreillard
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  • Créé le : 04/10/2006 02:29
    Modifié : 24/06/2007 14:30

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    Soulèvements, révoltes et contestations populaires en France et en Angleterre aux XIVème et XVème siècles.

    15/04/2007 00:10

    Soulèvements, révoltes et contestations populaires en France et en Angleterre aux XIVème et XVème siècles.


    Illustration : massacre des Jacques par la chevalerie d'Île de France à Meaux (juillet 1358), enluminure des Chroniques de Froissart (v. 1400).

    Introduction :

     

    Du final de Notre-Dame de Paris, dans lequel Hugo met en scène la révolte des Parisiens contre l’exécution d’Esméralda à la conclusion du Nom de la Rose, où Umberto Ecco décrit la déroute de l’inquisition face à la rébellion des villageois, en passant par le Brave Heart de Mel Gibson, le soulèvement populaire est un passage presque obligé du roman et du film historique médiéval, qui est instrumentalisé comme le moment de l’entrée du peuple dans l’histoire (v. mise en scène de Anaud avec le peuple qui se (sou)lève au sens propre, qui relève la tête). Ce mythe littéraire et cinématographique s’appuie-t-il sur une réalité historique ?

     

    Définitions :

     

    3 termes (soulèvements, révoltes, contestations) qui sont plus ou moins synonymes et varient surtout dans leur ampleur et leurs conséquences à long terme. Les deux premiers ont un sens plus restreint, qui implique l’usage de la violence contre une autorité qui se présente comme légitime, tandis que le troisième englobe un champ plus large de mise en cause du pouvoir, qui peut également recourir à des moyens pacifiques.

     

    De tels mouvements, circonscrits à des événements locaux et sans lendemain et au domaine de la contestation religieuse (catharisme, valdéisme) dans les premiers siècles du Moyen Âge, prennent une ampleur et une importance sans commune mesure avec ce qui précède à partir du XIVème siècle. Le phénomène marque toute l’Europe, avec une plus grande précocité des révoltes urbaines en Italie : souvent très violentes dans leur déroulement comme dans leur répression, elles s’inscrivent dans le contexte complexe de temps troublés par la guerre, la famine, la crise économique et les épidémies. Il faut néanmoins introduire une distinction entre l’Italie, l’Espagne et le monde germanique d’une part, qui ne sont affectés que par des révoltes urbaines, et les royaumes de France et d’Angleterre qui se heurtent à des soulèvements de plus grande ampleur affectant aussi bien les villes que les campagnes et pouvant s’étendre à des régions entières (Flandre, Ecosse), dans le cadre de guerres étrangères (guerre de Cent ans) et civiles (guerre des Armagnacs et des Bourguignons, guerre des Deux Roses).

     

    Ces révoltes et soulèvements populaires anglais et français ont en outre un statut particulier dans la mesure où l’historiographie classique s’en est emparé pour en faire les prémices des révolutions des XVIIème et XVIIIème siècle. Plus récemment, les historiens, abandonnant cette attitude a posteriori,  ont insisté sur la précocité de la construction de l’Etat-nation en France et en Angleterre, insistant sur le rôle que deux des attributs de ces Etats, la fiscalité et le monopole de la violence, ont joué dans le déclenchements de ces contestations au sein d’un peuple attaché à ses « coutumes et libertés ». Loin d’être annonciatrices des révolutions libérales, ces révoltes furent donc plutôt des combats d’arrière-garde contre la mise en place de l’Etat moderne, lors desquels le peuple fut souvent instrumentalisé par les bourgeois et la noblesse contre le roi et ses conseillers. Malgré leur instrumentalisation, elles témoignent malgré tout d’une place nouvelle du peuple, en particulier des villes.

     

    Problématique : lien entre construction de l’Etat moderne et multiplication des contestations violentes et des remises en cause de ses acquis.

     

    I-                   Révoltes fiscales et contestations de l’impôt :

     

    Á partir de Philippe le Bel (+ en 1314) et d’Edouard II (+ en 1321), l’Etat se construit sur la mise en place d’un système fiscal royal permanent, affermé à des officiers de la couronne qui abusent souvent de ce système pour s’enrichir. Ces abus, associés à l’idée tenace que le « roi doit vivre du sien », c’est-à-dire des seuls revenus du domaine (qui ne représentent plus que 2% du budget de l’Etat vers 1450) et que l’impôt doit être « consenti » par le peuple fut la première cause des révoltes aux XIVème et XVème siècles, dans un contexte où la guerre entraîne une hausse sans précédent de la pression fiscale (jusqu’à 68% des revenus en 1378-1379).

     

    1-      Le principe du « consentement » (« quod omnes tangit ») et la contestation de l’impôt royal :

     

    Jusqu’en 1451 en France, le roi ne peut décider seul de nouveaux impôts. Il doit obtenir l’accord des Etats (généraux ou de Languedoc et de Languedoïl). Le roi d’Angleterre ne put jamais s’affranchir de la tutelle fiscale du parlement (mais pouvait être contourné par la mise au pas du Parlement, comme sous les Lancastre, début XVème siècle).

     

    Or les XIVème et XVème siècle voient une hausse des besoins des Etats royaux, en raison de la multiplication des officiers qui permettent une meilleure administration, du développement du faste de la cours, et surtout de la guerre. L’impôt royal, d’abord exceptionnel, local et lié à une situation précise (financement d’une campagne, de grands travaux) devient progressivement permanent, sans justification et applicable dans tout le royaume, où il se superpose aux redevances seigneuriales. Aux impôts directs (taille, fouage) viennent s’ajouter des droits indirects (gabelle, aides).

     

    Dans le même temps, les malheurs de la guerre se combinent aux épidémies et à une période de récession économique (cycle B de Kondratief de 1350 à 1500) pour créer une grande misère dans le peuple, à qui cette nouvelle pression financière paraît insupportable, d’autant qu’elle vient doubler les redevances seigneuriales.

     

    NB : c’est bien l’impôt royal et les nouvelles obligations liées à la construction de l’Etat que les paysans refusent, car dans le même temps, dans les années 1380-1390, les hausses des prélèvements seigneuriaux ne provoquent pas de révoltes et de très rares contestations.

     

    La pratique des mutations monétaires, qui consistent à jouer sur la quantité de métal précieux dans la monnaie  pour faire baisser ou augmenter les prix selon les besoins du trésor royal, aggrave encore cette situation. La première grande émeute en France (Paris, 1306, v. texte) est d’ailleurs liée à une telle mutation qui avait provoqué le triplement des loyers dans la capitale.

     

    Cette insurrection ouvre un cycle de près d’un siècle de soulèvements populaires qui deviennent progressivement le vecteur de contestation de l’ordre politique.

     

     

    2-      La « grande jacquerie » (1358) , et la révolte des paysans anglais ou « Tyler’s revolt » (1381-1382).

     

     

    Deux situations proches d’absence du pouvoir royal (Jean II prisonnier en Angleterre, Richard III âgé de 14 ans) avec reproches adressés non au roi mais aux hommes qui  l’entourent et gouvernent à sa place (régence). Dans les deux cas, la combinaison :

     

    -         d’un mouvement rural de protestation contre la hausse excessive des impôts (crue de taille en France, troisième poll tax en Angleterre) liée aux activités militaires de la guerre de cent ans, concentrés dans les régions bordières de la capitale (Vexin, Île de France et Picardie en France, Essex et Kent en Angleterre) ;

     

    -         d’un mouvement urbain dans la capitale du royaume (Etienne Marcel à Paris, John Ball à Londres) ;

     

    -         d’une effervescence sociale et politico-religieuse (« réformation du royaume » en France, Lollards adamites et partisans de Wycliff en Angleterre).

     

    Dans les deux cas, la révolte s’achève par le massacre des paysans, la reprise en main violente de la capitale et la réaffirmation du pouvoir royal (prise de pouvoir personnelle de Richard III, régence de Charles V).

     

    Dans les deux cas également, la contestation purement fiscale débouche sur des revendications sociales et politiques, ce qui va se généraliser par la suite.

     

     

    3-      L’insurrection anti-fiscale de 1378-1382, Maillotins et Cabochiens, … ou quand les révoltes fiscales deviennent politiques.

     

    Dans les années 1380, les révoltes fiscales prennent un tour plus nettement politique, d’abord en Angleterre avec la coalescence des revendications paysannes et des théories sociales et politiques de John Wycliff, qui revendiquait l’élection par le peuple de ses gouvernants, la saisie des biens du clergé et le partage égalitaire des biens.

     

                Après l’échec de l’insurrection d’Étienne Marcel, la grande révolte anti-fiscale de 1378-1382 débouche malgré tout sur un rapprochement d’intérêt entre le peuple des villes et les bourgeois pour défendre les coutumes et libertés et les opposer aux exigences croissantes du pouvoir royal (=> se traduit par suppression des communes au moment de la répression entre 1383 et 1389). Moins ambitieuse qu’Etienne Marcel, la bourgeoisie n’en profite pas moins pour poser des exigences de participation aux affaires du royaume qui trouveront une réalisation à partir des années 1390.

     

                Cette plus grande modestie des revendications entraînent néanmoins la perte de la spécificité des révoltes urbaines au XVème siècle. Sous couvert de réforme politique, la révolte cabochienne de 1413 est en fait instrumentalisée par les Bourguignons qui lâchent les insurgés dès qu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. La même tragique mésaventure marque la révolte parisienne de 1418.

     

                En Angleterre, la chute de Richard III et la lutte entre les Lancastre et les Bedford, puis la guerre des Deux Roses s’accompagnent de la même instrumentalisation des révoltes urbaines.

     

    Malgré leur retentissement immédiat et leurs conséquences à cours terme (suppression des fouages et tailles en 1380), les grandes émeutes fiscales des années 1370-1380 échouèrent. A partir des années 1390, l’impôt devient une composante normale du gouvernement royal. Les derniers mouvements anti-fiscaux se font moins violents (le Puy, 1477 ; Mutemaque de Reims en 1461 => destruction des registres ; Albret, 1477 : les paysans fuient dans les bois pour échapper à l’impôt) ou changent de nature : en 1481, le « populaire » d’Agen se révolte, mais contre les bourgeois et les consuls de la ville accusés de répartir l’impôt à leur avantage et d’accabler les plus pauvres.

     

    ð                            problème = manque persistant de légitimité des Valois qui les obligent à s’appuyer sur les factions nobles, les princes et les Etats généraux pour gouverner // parallèle en Angleterre avec la fin des Plantagenêt et la multiplication des crises de succession, qui donne un rôle croissant au parlement.

     

     

     

     

     

     

    II-                Monopole d’Etat de la violence et contestations de ce monopole :

     

     

    Or cette légitimité était le seul moyen, pour le roi, d’imposer la mise en place de l’autorité d’un Etat qui, dans le contexte de la guerre extérieure, devait imposer son monopole de la violence afin d'éviter rivalités et affrontements internes.

     

     

    1-      La mise au pas de la population et le contrôle de la violence :

     

    Á travers son action fiscale et judiciaire, l’Etat en construction pose une différence fondamentale entre violence légitime, qu’il est le seul à pouvoir exercer pour se faire payer son dû et punir les coupables, et criminalité, terme qui désigne désormais tout acte violent exercé en dehors du monopole de l’Etat.

     

    Des faits jugés jusque là normaux (bagarres) ou justifiant la mansuétude des juges (meurtres dans le cadre d’une vengeance familiale ou villageoise, viol) sont désormais des crimes passibles de la mort ou de lourdes peines (bannissement, prison). Les XIVème et XVème siècles inventent également la prison comme moyen généralisé de coercition.

     

    Ex : minutes du tribunal prévôtal du Châtelet : à partir des années 1430, multiplications des procédures visant à condamner les auteurs de rixes et bagarres, qui étaient jusque là un exutoire naturel à la densité des villes médiévales. S’accompagne d’une croissance exponentielle des condamnations à des châtiments violents (peine de mort, bastonnade, mutilations).

     

    Or, les premières victimes des émeutes et révoltes populaires sont les prévôts, officiers collecteurs et surtout sergents qui, plus proches des administrés, incarnaient l’autorité dans ce qu’elle avait de plus violente et arbitraire, emprisonnant les réfractaires à l’impôt, saisissant leurs biens et appliquant les peines de justice. Les officiers des parlements, surtout de moindre rang, et les officiers de justice étaient également la cible des attaques du peuple, qui leur reprochait le caractère de plus en plus coercitif de la justice (libération de prisonniers, émeutes contre le châtiment des meneurs de la Harelle à Rouen ou de la grande Jacquerie à Paris, ou plus simplement refus des peines infligées dont témoigne là encore les registres de Châtelet). Il était fréquent qu’ils soient accusés également de s’enrichir aux dépends des administrés (système de la ferme : les officiers avancent l’argent au roi, puis se remboursent par les prélèvements).

     

     

    2-      Une extrême violence dans les révoltes :

     

    Chaque révolte ou soulèvement est l’occasion de meurtres et de violences à l’encontre des représentants du pouvoir royal. Tant qu’ils se limitent à des émeutes ponctuelles d’un ou quelques jours, elles vont rarement plus loin.

     

    Par contre, dès lors que ces mouvements s’installent dans le temps, ils prennent un caractère de violence extrême exercée à l’encontre de ceux qui sont perçus comme des opposants ou des ennemis. La grande Jacquerie ou la révolte des paysans anglais s’accompagnent d’assassinats souvent brutaux de nobles, de véritables mises à sac des châteaux qui sont incendiés. Les viols de dames et demoiselles sont également nombreux, et sont utilisés comme un moyen symbolique pour déshonorer les nobles auxquels s’en prennent les révoltés.

     

    Maillotins et cabochiens font régner la terreur à Paris, exécutant sans procès leurs opposants. Leurs surnoms sont d’ailleurs évocateurs : les maillotins étaient armés de maillets de plomb avec lesquels ils fracassaient le crâne de leurs ennemis. Les cabochiens étaient encadrés par la confrérie des bouchers écorcheurs qui n’hésitaient pas à égorger les bourgeois ou Armagnac comme du bétail. Cette violence et les nombreux pillages qui l’accompagne expliquent d’ailleurs la façon dont la population et la bourgeoisie de Paris se désolidarisent très vite de ces mouvements.

     

    A l’extrême violence des émeutiers répond donc une grande cruauté de la répression.

     

     

    3-      L’extrême violence de la répression :

     

    Avec Charles V, les marmousets ou le dauphin Louis, fils de Charles VI et régent jusqu’en 1407, comme avec les Lancastre, apparaît une nouvelle vision de l’exercice du pouvoir : au compromis typique de la période féodale succède l’exercice supérieur de l’autorité royale. Les sujets, des plus humbles aux plus nobles, doivent obéir au roi car il est le roi. Tout refus d’obtempérer, et en particulier tout refus d’acquitter l’impôt, doit être châtié de façon exemplaire, mais également tout abus nuisant au pouvoir royal.

     

    Ex. en 1383, la révolte fiscale du Languedoc est écrasée dans le sang, mais le fermier général de Languedoc, convaincu de détournement de fonds, est également brûlé vif.

     

    Cette répression va croissante au XVème siècle, avec la raréfaction des émeutes anti-fiscales.

     

    Ex. : en 1461, après la Mutemaque de Reims, pour de simples destructions de registres fiscaux, Louis XI fit prononcer 9 condamnations à mort et plusieurs dizaines de banissements perpétuels et de mutilations de la main droite ou des oreilles. En 1477, 800 personnes sont jugées après les émeutes du Puy, alors qu’il n’y a eu aucun mort.

     

    Au XVème siècle, la mutilation des oreilles ou du nez devient la punition normale de ceux qui refusent d’acquitter l’impôt, ce qui a clairement pour but d’impressionner et de faire peur.

     

     

    C’est donc en partie par la violence et surtout l’exercice d’une violence légitime et fondée en droit que l’Etat moderne s’affirme et brise ceux qui résistent à sa mise en place. Mais cela ne pouvait suffire à asseoir sa légitimité : à côté de ces moyens concrets, les rois français et anglais se sont aussi appuyés sur la construction d’une identité commune, dont la mise en place a été favorisé par la guerre de Cents Ans. Le problème se posait alors de l’acceptation de cette identité par tous les sujets de la couronne. 

     

     

    III-             La « fabrique des nations » :

     

    D’une part, malgré leur violence, les révoltes populaires marquent l’adhésion du peuple des villes et des campagnes à l’Etat royal sur lequel ils essaient désormais de faire pression. Le contact entre le roi et le peuple, longtemps oblitéré par les seigneurs, redevient possible, en particulier dans les villes. Mais ces peuples pouvaient aussi, comme en Flandre ou en Ecosse, refuser ce pouvoir royal et aspirer à fonder leur propre Etat.

     

     

    1-      Contestation des actions concrètes de l’Etat mais reconnaissance de son autorité.

     

    Á part les Turlupins, le millénarisme révolutionnaire, fréquent dans l’empire, en Italie et en Europe centrale (Hussisme au début du XVème siècle) n’eut pas d’influence en France, ce qui témoigne d’une réelle autonomisation du politique à l’égard du religieux. Les soulèvements et contestations qui y ont lieu sont clairement dressés contre l’Etat et la noblesse accusée de confisquer le pouvoir et d’être incompétente.

     

    Cette référence étatique et nationale est confirmée par les pogroms qui les accompagnent en 1380 et 1382, les Juifs étant désormais jugés comme des étrangers venus appauvrir les Français plus que comme des déicides.

     

    Cette composante « pré-nationale » de la contestation apparaît encore plus clairement dans le parcours des femmes qui, comme Jeanne d’Arc, Piéronne la Bretonne (jeune mystique parisienne qui s’en prit aux Anglais et fut brûlée vive en 1430) ou Jeanne Hâchette (bourgeoise de Beauvais qui prit la tête des femmes de la ville pour aider à la défense des murailles de la ville) rejetèrent la condition dans laquelle les enfermait la société de l’époque pour prendre les armes au nom du roi et de la France.

     

    Le chemin restait néanmoins long à parcourir jusqu’à une véritable « identité nationale » : les soulèvements normands contre la conquête anglaise en 1434-1436 relevaient encore d’avantage de la protestation anti-fiscale, la « conquête devant payer la conquête » pour les Anglais, que de la résistance patriotique. L’aide française aux révoltés (Caen, 1436) fut tardive et peu importante, et il n’y eut jamais de jonction entre les émeutiers paysans et les nobles pro-français qui poursuivaient la lutte contre l’occupant, les seconds méprisant les premiers.

     

    L’apparition de cette idée pré-nationale est plus nette dans les contestations pacifiques qui se manifestent aux Etats de 1357-1358, de 1413 et de 1428 : les défaites de Crécy (1346), Poitiers (1356) et Azincourt (1415) qui ont vu l’effondrement de la chevalerie anglaise sont attribuée à la lâcheté et à l’incompétence de la noblesse. On voit donc se développer dans le Tiers Etat, mais aussi chez certains clercs issus de l’université, un parti dit des « populaires » qui porte l’idée de « réformation du royaume ». Cette réforme doit rétablir un lien direct entre le roi et son peuple, en particulier par l’entrée de représentants des 3 ordres au conseil royal. Repris par Etienne Marcel et les Cabochiens, ce projet ne trouve jamais de réalisation dans une société ou les nobles restent le principal soutien du pouvoir royal, mais témoigne de la conscience du peuple de former une unité autour de son roi.

     

    Le millénarisme révolutionnaire connut au contraire l’une de ses grandes heures de gloire en Angleterre, avec la jonction des paysans révoltés et des partisans de la réforme religieuse de John Wycliff dans les années 1370-1380. Mais au contraire d’autres mouvements proprement religieux et sociaux (v. Patarins en Italie, Giordano Bruno, adamites dans l’empire), la doctrine de Wycliff, fondée sur le rejet de Rome et l’établissement d’une liturgie anglaise comportait des éléments clairement pré-nationaux qui inspirèrent Jan Huss, et en font donc un ancêtre direct des réformes luthériennes et anglicanes.

     

    Au final, aucune pression ou contestation populaire n’est efficace à long terme, faute d’un projet politique cohérent et organisé qui remettent vraiment en cause le système en place. Les cibles sont les officiers et sergents, accusés de mal exécutés les ordres du roi, plus rarement la noblesse, taxée d’incompétence, jamais le roi lui-même. Contrairement à une légende tenace, et hormis dans le cas particulier de la révolte de Wycliff, ces mouvements et contestations populaires n’ont rien de démocratiques. Ils montrent au contraire les progrès du pouvoir royal et l’attachement du peuple à la personne du roi, dernier recours face aux difficultés du temps, et donc les premiers balbutiements d’une appartenance commune au sein de ce qui commence à devenir une nation. Mais cette nation et son Etat pouvait aussi s’opposer à la volonté d’un groupe concurrent de s’ériger lui-même en entité indépendante. C’est ce qu’illustrent les exemples de la Flandre et de l’Ecosse.

     

     

    2-      Etat en construction contre Etat en devenir (1) : la révolte de Flandre.

     

    Observer que dans le cas flamand, l’identité linguistique ne précède pas l’identité politique mais au contraire s’agrège à elle dans le cadre des luttes entre noblesse favorable au roi (Léliarts), qui adopte le Français alors qu’elle avait été flamingante jusqu’au XIIIème siècle, et municipalités et paysans partisans de l’indépendance (Klauwaerts), qui adopte le Flamand alors que beaucoup de bourgeois avaient été, pour des raisons commerciales, longtemps francophones.

     

    Cette opposition transparaît militairement dans les batailles comme Courtrai (1302) ou Cassel (1328), qui voient l’affrontement de la chevalerie française et des milices urbaines et paysannes flamandes.

     

    D’ailleurs, à l’origine, la révolte de Flandre n’a rien de « nationale » mais est une révolte fiscale : les « mâtines de Bruges » (1302) répondent à la hausse des impôts par Philippe le Bel. Jusqu’à la révolte de Gand (1358), ce caractère anti-fiscal reste présent et même dominant, Mais la lutte de succession entre Louis de Nevers, soutenu par le roi de France, et Robert de Cassel (1320-1322) puis l’accession au comté de Louis de Mâle (mort en 1384) et enfin de son gendre Philippe le Hardi, vainqueur des Gantois à Roosebeke en 1382, donne à la révolte un tour de plus en plus politique. Le but des cités flamandes devient de plus en plus clairement, à la fin du XIVème et au XVème siècle, de s’affranchir de la tutelle du roi de France, ce que permet paradoxalement l’annexion aux Etats de Bourgogne : après avoir soutenu la politique du roi pour obtenir son héritage flamand, Philippe le Hardi puis ses descendants se montrèrent de plus en plus indépendants, ce qui favorisa le détachement de la Flandre du royaume de France.

     

     

    3-      Etat en construction contre Etat en devenir (2) : la guerre d’Ecosse.

     

    L’intervention d’Edouard II dans la succession au trône d’Écosse lui avait permis d’exiger l’hommage vassalique du nouveau roi. Cette situation allait déboucher sur une révolte qui est l’une des rares, au Moyen Âge, à voir la coalescence d’un mouvement aristocratique suscité par Robert Bruce, prétendant déçu au trône d’Écosse, et d’un soulèvement populaire encadré par de petits chevaliers dont l’exemple le plus fameux est William Wallace, dit Braveheart, qui forma et entraîna les paysans écossais au combat, au point de leur permettre de remporter une victoire sans précédent sur la chevalerie anglaise en 1322. Sa stratégie, consistant à privilégier l’archerie et à dresser des piques en avant de ses troupes pour briser la charge anglaise devait d’ailleurs être reprise avec succès par les mêmes Anglais contre les Français lors des batailles de Crécy, Poitiers et Azincourt.

     

    De tous les soulèvements de la fin du Moyen Âge, la guerre d’Ecosse apparaît comme celui qui correspond le mieux à un conflit proprement national, les Écossais luttant d’abord pour leur indépendance, même si ici comme ailleurs, la composant anti-fiscale fut présente : l’une des premières mesures d’Edouard II une fois sa suzeraineté établie sur l’Écosse avait en effet été d’y établir l’impôt royal.

     

     

    Conclusion :

     

    Mise en cause d’un système féodal qui paraît de plus en plus inutile au fut et à mesure que les nobles font la preuve, en particulier sur les champs de bataille, de leur incompétence, mouvement de revendication des bourgeoisies urbaines qui revendiquent une participation au pouvoir royal, refus des nouvelles obligations liées à l’établissement d’un Eta royal centralisé, attaques contre une Eglise jugées trop riche et corrompue, les révoltes et contestations populaires des XIVème et XVème siècle mêlent de façon inextricable des aspects qui annoncent les temps modernes à des réactions de crainte face à la modernité qui se met en place. Loin d’être les premières prémices des révolutions de la fin de l’Ancien Régime, elles sont plutôt le symptôme d’un Etat féodal en crise que l’Etat moderne peine encore à remplacer. Incapables d’établir un programme de réforme cohérent sur la durée, elles ne permirent que l’accession partielle de la frange supérieure des patriciens urbains aux responsabilités, par leur agrégation à une noblesse qui, en tant que principal soutien du roi, garde sa place prépondérante. Elles ne parviennent pas non plus à renverser le système féodal, la grande mutation de la seigneurie classique en seigneurie purement foncière, ce que l’on a appelé la néo-féodalité, étant plutôt la conséquence du renforcement du pouvoir royal. Il faut néanmoins noter que les rois, en France comme en Angleterre, ont su à propos s’appuyer sur ces mouvements pour briser certains des privilèges de l’aristocratie féodale et mieux la soumettre à leur autorité. Cette mise au pas de la noblesse dans un gouvernement royal devenu un Etat de finances plus que de justice est le principal syndrome de l’entrée dans les Temps Modernes.

     

     

    Annexes : Principales révoltes et contestations fiscales en France aux XIVème et XVème siècles

     

    1306 : révoltes des Parisiens contre les mutations monétaires.

     

    1347, 1355, 1356-57 : rejet de la crue de taille par les Etats généraux.

     

    Mars 1357 : révolte anti-fiscale à Toulouse et en Languedoc.

     

    Mars - juillet1358 : révolte de Paris (Etienne Marcel)

     

    Eté 1358 : « grande jacquerie »

     

    Octobre 1358 : révolte parisienne contre la répression des partisans d’Etienne Marcel.

     

    1363-1384 : révolte des Tuchins d’Auvergne (paysans sans terres, salariés sans emplois et nobles déclassés) qui refusent l’impôt et survivent en pillant et brigandant.

     

    1372 : les Turlupins sont brûlés vifs à Rouen et Paris (Jeanne Daubenton) : Turlupins = mouvement hérétique adamiste prônant le retour à l’Eden (nudité, refus du travail et de la sexualité) qui se double, du XIIIème au XVème siècle, d’une vive contestation sociale (pillages, massacres de nobles et de patriciens urbains).Les Turlupins ont soutenu les révoltes urbaines de Flandre.

     

    1375-1379 : le duc d’Anjou, lieutenant du roi en Languedoc, mène une politique fiscale oppressive.

     

    Pâques 1378 : révoltes anti-fiscales au Puy, Nîmes, Alès.

     

    Octobre 1379 : émeutes anti-fiscales à Montpellier.

     

    Octobre – novembre 1380 : agitation anti-fiscale dans la vallée de l’Oise, à Rouen et à Chartres. Agression d’agents fiscaux à Paris.

     

    Décembre 1380 – février 1381 : les Etats généraux refusent le rétablissement du fouage, puis l’accepte sous la pression du gouvernement royal.

     

    Février 1381 : émeutes anti-fiscales à Saint-Quentin et en Languedoc.

     

    24 février 1382 : Harelle de Rouen.

     

    1er mars 1382 : révolte des Maillotins de Paris suivie de révolte à Laon, Reims, Orléans et en Languedoc. Prise de Bruges par les Gantois.

     

    Printemps-été 1382 : révolte générale dans le Nord de la France au cri de « vive Gand ! vive Paris ! » menée par « merdaille  comme de dignans (= dinandier), drapiers (= salariés des deux confréries les plus hiérarchisées) et gens de povre estoffe, enforcés de caïmans et gens d’estrange besoigne » (= casseurs et pilleurs)

     

    Novembre 1382 : défaite des Gantois à Roosebeke.

     

    Eté - 11 janvier 1383 : reprise en main par le duc Jean sans Peur de Bourgogne : exécution des meneurs de la Harelle et des Maillotins, occupation de Paris et Rouen par l’armée royale. Les institutions municipales sont supprimées dans de nombreuses cités jusqu’en 1389. A Paris, la prévôté des marchands est supprimée. Le roi n’accorde son pardon que contre d’énormes amendes (800 000 francs en Auvergne).

     

    Janvier 1413 :


    Commentaire de Vincent Thouvenot de La Membrolle sur Choisille (04/06/2009 20:30) :

    Je trouve partial & m&disant le commentaire établi dans ce site au sujet de la Comagnie de la Fraternité des Pauvres ; plus connu sous le sobriquet irrespectieux des Turlupins . Le massacre de la Fraternité des Pauvres a été commanditée par la royauté et la papauté sous l'Inquisition qui utilisait la torture , le meurtre ! Turlupin de = flûte & de pine sifflet des bergère & bergers . Ces instruments servaient pour le rassemblement des pauvres . J'ai appris beaucoup sur ce mouvement qui n'avait pas tout faux loin de là contrairement à ce que prétendent les documents concernant cette tragédie historiques . La Compagnie de la Fraternité des Pauvres ou la Société des Pauvres était un danger pour les pouvoirs sexistes militaires , royaux & papaux !

    vincent.thouvenot37@orange.fr




    Azincourt : la fin de la chevalerie

    14/04/2007 23:41

    Azincourt : la fin de la chevalerie


    Intro :

     

    Le MA est marqué, sur le plan militaire, par la domination de la cavalerie lourde qui, du VIIIème au XIVème siècle, est la maîtresse des champs de bataille.

     

    Source et nature :

     

    Extrait d’une Histoire consacrée à Artus III de Bretagne, l’un des concurrents au duché soutenu par les Français durant la guerre des deux Jeanne, qui occupa de hautes fonctions militaires dans l’entourage des rois de France (connétable, équivalent du chef d’Etat major actuel). Ces histoires consacrées à un individu particulier se multiplient à partir du XVème siècle. Cette individualisation de l’histoire, associée à leur mode de composition (témoignage d’un proche après la mort du personnage, indépendamment de toute commande ou patronage) tranche avec la tradition historiographique des siècles précédents. Plus qu’histoire, le terme de « biographie » serait plus adéquat. Ce genre nouveau montre les progrès de l’individualisme à la fin du Moyen Âge. + deux illustrations d’une chronique datant du règne de Charles VII. Elles aussi, même si elles continuent à donner une vision très codifiée de l’événement, témoigne d’un plus grand soucis de réalisme dans les détails (en particulier la seconde).

     

    Auteur :

     

    Guillaume de Gruel (c. 1410-1474/1482), noble breton, entra au service du comte de Richemont en 1425 et l’accompagna fidèlement jusqu’à sa mort (1474), au point de devenir l’un de ses intimes. La partie de son œuvre antérieure à 1425, tributaire des souvenirs du comte et d’autres historiens, est la moins développée. Son récit, très allusif, demande à être complété par d’autres sources. De façon générale, la bonne fois et l’originalité manifestée par Gruel dans son ouvrage font considérer son œuvre comme très fiable.

     

    Les enluminures sont anonymes.

     

    Dates :

     

    La date de l’événement est bien donnée par l’auteur (25 octobre 1415) et ne pose pas problème, étant confirmée par d’autres sources.

     

    La date de composition de l’œuvre est plus problématique. Gruel écrivit après la mort d’Artus, en 1474, et avant sa propre mort, intervenue avant 1482. Il est probable qu’il s’est appuyé sur des notes prises tout au long de présence auprès du comte de Richemont.

     

    Il écrit donc au moins 60 ans après les faits, relatant des événements dont il a eu vent quand il était adolescent (il a une quinzaine d’année à l’époque d’Azincourt) et qu’il n’a pas vécu personnellement, ce qui peut expliquer le caractère très elliptique de son témoignage.

     

    Les enluminures, en revanche, sont beaucoup mieux documentées, s’appuyant sûrement sur des témoignages directs, avec un grand soucis de réalisme dans la figuration des bannières et insignes qui permettent de distinguer les combattants.

     

    Contexte :

     

    Á partir des années 1380, France et Angleterre apparaissent épuisées économiquement par la guerre. Des grandes révoltes fiscales remettent en cause le financement de la guerre par l’impôt. Au renforcement du pouvoir royal par Charles V puis dans les premières années de Charles VI s’oppose une grande instabilité politique en Angleterre, où le meurtre de Richard III ouvre une longue crise de succession opposant les grandes familles nobles. Victorieux, Henri IV Lancastre doit encore affronter plusieurs révoltes nobiliaires et il faut attendre 1413 pour que son fils Henri V soit assez assuré pour envisager de reprendre la lutte en France. Au printemps 1415, il met donc fin à 30 ans de trêve tacite en débarquant en Normandie qu’il commence à soumettre. Se heurtant à une résistance plus forte qu’attendue renforcée par la convocation du ban et de l’arrière ban par Charles VI, à l’automne, il chevauche vers Calais pour se rembarquer, poursuivi par l’armée française. Arrivé près d’Azincourt (Somme), il est acculé à livrer bataille. Ce combat, qui semblait mal se présenter pour les Anglais, fut pourtant une défaite retentissante pour les Français, qui faillit mettre en cause jusqu’aux fondements de la monarchie.

     

    Il faut donc comprendre comment une armée supérieure en nombre et qui avait l’initiative du combat contre une troupe en fuite put être anéantie en quelques heures.

     

    Problématique :

     

    Qu’est-ce qui a changé à Azincourt ? Pourquoi les Français ont-il subi une défaite aussi sévère.

     

     

    I-                   Le déroulement de la bataille.

     

    -         une bataille de champ (enluminure 1 + « mettre leur gens en bataille ») = bataille codifiée, ou l’on n’attaque pas à l’improviste.

     

    -         La charge française (« grand nombre de champ à cheval ») et la manœuvre d’encerclement : chevalerie au centre, cavalerie gasconne et lombarde (= mercenaires) sur les ailes qui doivent enveloppés l’armée anglaise (« qui devaient frapper sur les flancs »).

     

    -         Un terrain trop étroit pour la manœuvre ((« qui trop était étroite pour combattre tant de gens ») + enluminure 1 : terrain plat entouré de collines, malaisée pour les attaques de cavaleries.

     

    -         La riposte de l’archerie anglaise (« les traits venir si drus ») et la débandade des ailes (« ils se mirent en fuite et vinrent rompre la bataille de nos gens ») => en se repliant, disloquent le front principal français (à gauche sur l’enluminure 1) => gène manœuvre de l’archerie française et déploiement de la chevalerie.

     

    -         La mêlée : enluminure 2 : profitant de l’immobilisation de la chevalerie française, charge anglaise mêlant chevalerie et infanterie qui jettent bas les chevaliers français et massacrent l’infanterie française (« tirés de dessous les morts et fut reconnu à sa côte d’armes » = les fantassins morts et blessés, les Anglais viennent achever les morts roturiers après la bataille, et Artus de Richemont ne doit qu’à ses armoiries d’échapper à la mort). coincée entre le front anglais et leur cavalerie.

     

    -         les Français, qui ne peuvent fuir, sont massacrés ou capturés, laissant la victoire aux Anglais.

     

     

    II-                Les conditions matérielles de la bataille.

     

    -         deux armées à la composition proche (enluminure 1) : les Français ont retenu la leçon de Crécy et de Poitiers et ne misent plus tout sur la chevalerie (nobles). Dans les deux camps, la chevalerie, dont la charge doit emporter la décision (d’où sa position en retrait) est encadrée par des unités de cavalerie mercenaire (non nobles) (« gascons et lombards ») et surtout de troupes d’infanterie : archers (anglais, plus rapides et performants) et arbalétriers (choix français qui s’avéra lourd de conséquence car l’arbalète est plus lourde et plus lente à recharger) et routiers (enluminure 2) = fantassins formés en carrés qui peuvent résister à une charge et jeter les chevaliers à bas.

     

    -         Enluminure 2 : combat n’est plus une charge frontale, la tactique devient plus complexe avec des unités d’infanterie qui sont encadrées et commandées par la chevalerie. Le but est de capturer les chevaliers et de tuer les autres (corps au sol).

     

    -         Néanmoins, les Français gardent deux faiblesses par rapport aux Anglais :

     

    • l’absence d’armée permanente qui les force à recourir massivement aux mercenaires (alors que les Lancastre sont les premiers à organiser un embryon d’armée qui fut la base de leur accession au trône). Renforcé par le fait que certains de ces mercenaires (les Gascons) viennent de terres soumises au roi d’Angleterre.

       

    • Une chaîne de commandement encore peu efficace qui rend la discipline des troupes encore aléatoire (débandade des mercenaires) et empêche une retraite en ordre et une contre-offensive (« en telle manière qu’à grand peine se purent jamais rassembler que les Anglais ne fussent toujours près d’eux »).

       

     

    III-              Le résultat de la bataille et ses conséquences.

     

    -         Azincourt fut un désastre pour l’armée française : nombreux morts (« retiré de dessous les morts » et prisonniers (« et là furent pris… ») qui privent la France des meilleures de ses troupes, mais aussi de son administration, car beaucoup des nobles capturés à Azincourt avaient des fonctions de commandement et d’administration à la cour (enluminure 2 : chevaliers emmenés prisonniers), parmi les tués se trouvaient de nombreux baillis ou sénéchaux et officiers de la couronne. Les prisonniers, emmenés loin de France (« emmena ses prisonniers et de là alla en Angleterre »), furent parfois longs à revenir : 5 ans pour Artus de Richemont (jusqu’en 1420), connétable, plus de 15 ans pour Charles d’Orléans (« monseigneur d’Orléans »), cousin du roi et chef du parti Armagnac.

     

    -         A ce désastre militaire s’ajouta un fort coup économique, car il fallut payer la rançon des prisonniers.

     

    -         Un coup politique : les soutiens du roi et du dauphin Louis, le duc de Bourbon, le duc d’Orléans, sont prisonniers. Le parti Armagnac est décapité, ce qui laisse le champ libre aux Bourguignons alliés des Anglais. De même, en Bretagne, la captivité d’Arthus de Richemont favorise les intérêts des partisans de l’Angleterre. Henri V voit dans sa victoire un jugement de Dieu qui justifie ses droits à la couronne de France (explique rapidité de son rembarquement : il a le temps de planifier avec soin une nouvelle campagne après le coup fatal porté aux Français).

     

    -         Le pire est néanmoins évité : échaudés par le désastre de Poitiers, les conseillers du roi ont réussi à convaincre Charles VI et ses fils de ne pas prendre part en personne à la bataille. Le roi et le dauphin sont donc toujours vivants et aux affaires.

     

     

    Conclusion :

     

    Le désastre d’Azincourt est donc d’abord due au manque d’organisation et de discipline de l’armée française et à un commandement déficient qui n’a ni su choisir un terrain correct pour mener bataille, ni relayer efficacement ses ordres pour organiser une retraite dans l’ordre. L’absence d’armée professionnelle, la volatilité des mercenaires et le choix de l’arbalète plutôt que de l’arc sont venus affaiblir un peu plus l’armée française.

     

    Ultime conséquence à court terme = le traité de Troyes (1420) qui livre la moitié de la France et la couronne française à Henri V.  Mais à long terme, la leçon d’Azincourt inspirera toute l’œuvre de réforme militaire de Charles VII et son effort pour établir une outil militaire apte à battre les Anglais.

     

     






    Les ordres monastiques

    10/04/2007 01:05

    Les ordres monastiques


    Illustration : plan type d'une abbaye au XIIème siècle construite selon les critères de la Règle de saint Benoît. On remarque la façon dont l'ensemble des bâtiments sont coupés du monde par une muraille, l'espace des moines étant lui-même centré sur le cloître, tandis que les visiteurs sont cantonés à proximité de la porte. L'ensemble des besoins de la communauté peuvent être remplis par les divers équipements du monastère, ce qui témoigne d'une volonté d'autarcie. Il est à remarquer que ce plan coïncide plutôt avec un monastère cistercien, qui est en général de petite taille. Les monastères bénédictins - clunisiens, plus grands et mieux équipés, étaient néanmoins construits sur un plan du même type.

    Introduction :

    Ordre monastique :  monastique = qui se rapporte aux moines, à ceux qui ont fait le choix d’une vie solitaire (monos) consacrée à Dieu dans un cadre cénobitique (cloître = coupure par /t à l’extérieur) <> d’ermite ou anachorète.

    Ordre : défini par une règle de vie commune, ce qui oppose les moines (réguliers) aux clercs séculiers (les chanoines sont donc exclus du sujet). Cette règle reste dans la majeure partie de la période la Règle de saint Benoît, rédigée par Benoît de Nursie, fondateur du Mont Cassin, au VIème siècle. Elle associe harmonieusement travail, prière et méditation de la parole divine et exige du moine quatre vœux : chasteté, obéissance, pauvreté et stabilité. Elle est commune aux bénédictins, cisterciens, chartreux et ordres militaires qui en donnent plusieurs interprétations. 

    Rupture au XIIIème siècle, avec de nouveaux ordres non cloîtrés, les ordres mendiants, qui adoptent la Règle de Saint Augustin, qui était jusque là en usage chez les séculiers = cas limite, car par certains aspects sont des moines (vie religieuse, chasteté, pauvreté, obéissance) mais ils vivent dans le monde. On les inclura donc dans le sujet + borne chronologique = il faut les intégrer sous peine de n’avoir rien à dire sur le XIIIème siècle. 

    Le sujet court donc d’une réforme (Cluny, fondé en 911) à une autre (la naissance des ordres mendiants dans les premières décennies du XIIIème siècle). => problème de la réforme, du retour à un idéal de pureté évangélique et de rupture avec le monde, sans cesse réaffirmé mais battu en brèche par les nécessaires compromis avec la société. Chaque réforme emporte l’adhésion des fidèles, car elle est en phase avec son époque (premier âge féodal pour Cluny, culture chevaleresque pour Cîteaux, essor des villes pour les mendiants) et c’est ce succès même qui conduit peu à peu à l’abandon de l’idéal et au retour dans le monde.

    Problématique : étude de la tension constante entre l’idéal évangélique de la Règle et la nécessaire implication dans les affaires du monde.

     I-                   Le siècle de Cluny (c. 950 – c. 1085).

     A-    Cluny et Gorze : le renouveau bénédictin.

     => réformateurs bénédictins du Xème siècle comprennent que le seul moyen pour les moines de survivre à la violence du premier âge féodal est de s’intégrer à la société seigneuriale pour collaborer avec l’élite noble et, à terme, en prendre le contrôle (accès des clunisiens à l’épiscopat et à la papauté : Hildebrandt, moine de Cluny, devient le pape Grégoire VII, 1075)

     B-    La vie à Cluny :

     -         idéal d’autarcie (v. plan) => frères lais (frères d’origine non noble ayant prononcé des vœux partiels et employés à la gestion des exploitations agricoles)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    -         travail = surtout intellectuel et artistiques (copie et enluminure des manuscrits), l’essentiel de la vie du moine clunisien est consacrée à la lecture d’ouvrages de piété et de théologie (on garde liste de 15 livres qui étaient remis à chaque moine de Cluny au début du carême) et à la prière liturgique (7 « heures » monastiques = prières collectives des psaumes : matines (au milieu de la nuit), laudes (matin), tierce (vers 9h), messe ou sexte (vers 12h), none (vers 15h), vêpres (vers 18h) et complies (vers 21h)). Ces horaires provoquent un décalage dans le rythme de vie du moine par rapport au reste de la société : les moines sont les seuls, au Moyen Âge, à ne pas vivre selon le rythme de l’heure solaire, ce qui exigeait un gros investissement dans l’éclairage, beaucoup de prières se faisant de nuit, et dans le perfectionnement des outils de mesure du temps (clepsydres puis horloges). Le moine ne dormait guère plus de 4 à 6 heures par nuit, ce sommeil étant coupé en deux par les mâtines. Durant le triduum pascal (jeudi, vendredi et samedi saints, qui précèdent Pâques), les moines jeûnaient et veillaient. Les repas se prenaient dans le silence complet, un frère lisant des extraits des écrits patristiques en latin. Tous ces aspects faisaient véritablement du moine clunisien un spécialiste de la prière qui chantait 4 à 5 fois le psautier complet dans l’année.

    -         La majorité des moines vivent au monastère dès leur enfance, car ils ont été offerts comme oblats par leurs parents. Ils ne connaissent donc aucune autre vie que celle de moine. La dot élevée exigée à l’entrée au monastère excluait de fait les roturiers du monachisme clunisien, qui recrutent surtout parmi les cadets de noblesse et la frange supérieure des patriciats urbains.

    C-    La puissance de Cluny :

    -         1er seigneur foncier d’Europe.

     

     

     

     

     

     

    -         Toutes les abbayes rattachées à Cluny, à part les plus prestigieuses, deviennent des prieurés => structure féodale.

    -     Les expressions matérielles de la puissance : l'abbatiale Cluny III, dédicacée par le pape Urbain II en 1095 et qui fut le plus grand édifice de la Chrétienté jusqu'à la reconstruction de Saint-Pierre de Rome au XVIème siècle. Cette abbatiale accueillait une liturgie somptueuse, utilisant un riche mobilier de métaux et de tissus précieux et très théâtrale (les lectures bibliques étaient véritablement jouées par les moines pour mieux les actualiser). Illustration musicale : http://www.vip-blog.com/mp3_blog.php?pseudo=dreillard&mp3=20171.

    -         L’exemption : depuis 996, Cluny et toutes ses filiales, abbaye associées et prieurés, jouissent de l’exemption pleine, ce qui signifie qu’elles ne relèvent que du pape et de l’abbé de Cluny. Aucun autre pouvoir, laïc ou épiscopal, ne peut intervenir dans cette immense seigneurie qui peut rivaliser avec les plus grandes principautés. Au XIème siècle, l’abbé de Cluny est un véritable « pape bis », dont l’influence spirituelle et politique en Occident est souvent plus importante que celle du pontife romain. Son influence est majeure : les idées de paix de Dieu, de réforme de l’Eglise romaine ou de Croisades sont nées à Cluny.

     -         La puissance de Cluny s’accroît encore par la récupération des biens spoliés par les seigneurs laïcs et par la multiplication des donations « pro remedio animae » (pour le salut de l’âme : dons de terres et de revenus aux moines pour qu’ils prient en faveur des donateurs).

     II-                Les « chevaliers du Christ » : mouvements érémitiques et moines guerriers (fin XIème siècle – fin XIIème siècle).

     Nés du refus des compromissions de Cluny, les nouveaux ordres exaltent tous la pureté du moine, combattant du Christ qui mène un combat spirituel contre le mal (militia Christi). Ces mouvements transfèrent donc sur le plan religieux la morale chevaleresque de l’engagement et de l’exploit, ce qui explique leur succès dans la noblesse féodale, qui leur fournit l’essentiel de leurs moines. Cet engagement pour Dieu peut prendre deux formes paradoxales :

     -         le retrait hors du monde et la tentation de l’érémitisme (contemptio mundi);

     -         l’engagement par les armes au service de Dieu.

     A la croisée de ces deux mouvements se dresse les figures des fondateurs de Cîteaux et de Bernard de Clairvaux.

     A-    Nouvelles spiritualités et nouveaux engagements :

     a-      Le retrait du monde : Campanules et Chartreux : les interprétations érémitiques de la RSB.

     Mais paradoxalement, participent aussi à l’expansion agricole en mettant en valeur des espaces reculés (montagnes, marécages) jusque là délaissés.

     b-     L’engagement dans le monde : Templiers (ordre souverain des chevaliers du Christ du Temple de Jérusalem) ; Hospitaliers (ordre souverain des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem) => croisades.

     Mais participent aussi au mouvement d’expansion de la chrétienté occidentale en Espagne (Ordre des Chevaliers de Saint-Jacques de Compostelle) et contre les païens d’Europe de l’Est (Chevaliers teutoniques).

     c- Une expérience originale : Fontevreau : abbaye fondée par Robert d’Arbrissel, un chevalier converti à la vie monastique qui organise une communauté originale, mixte, sous les ordres d’une abbesse. La tentation permanente induite par la proximité des hommes et des femmes devait rendre plus exigeante encore la chasteté des religieux et religieuses, tandis que le fait, pour les hommes, d’obéir à une femme, était une marque d’humilité extrême. Fontevreau connut un grand succès au XIIème siècle, en particulier grâce au soutien d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt, qui s’y firent inhumer. Transformé en ordre strictement féminin à la mort de son fondateur, Fontevreau essaima dans toute l’Europe, avant d’être absorbé par la branche féminine des cisterciennes au XIIIème siècle. Cet ordre témoigne d’une nouvelle demande spirituelle de la part des femmes dont témoigne, à la même époque, l’apparition des premières grandes mystiques, en particulier chez les bénédictines (Hildegarde de Bingen).

     B-    Les débuts de Cîteaux : un anti-Cluny :

     -         allier cénobitisme et retrait du monde : choix de lieux retirés, extrêmes rigueur de vie et humilité (les cisterciens s’habillent en laine blanche pour ne pas avoir à la teindre), monastères extrêmement simples et  austères (à tel point que beaucoup d’anciens monastères cisterciens comme Clairvaux ou Loos sont aujourd’hui devenus des prisons).

     -         le retour à l’idéal de travail et de pauvreté (refus de la seigneurie), mais les abbayes cisterciennes sont organisées sur le modèle du lignage noble : Cîteaux est la mère, ses quatre premières filiales ses filles, les fondations suivantes des petites filles, etc… Tous les abbés se réunissent chaque année à Cîteaux au chapitre général de l’ordre que la, Charte d’Amour règle des cisterciens, compare à un conseil de famille. De même, l’abbaye conserve la distinction entre nobles (moines) et non-nobles (frères convers, qui ne prêtent que des vœux partiels et travaillent plus que les moines). La majorité écrasante des moines cisterciens sont issus de la chevalerie, ce qui a une influence sur la spiritualité cistercienne, perçue comme un combat pour la foi et contre le mal.

     -         la controverse avec Cluny sur la richesse de l’Eglise et le rôle liturgique des œuvres d’art, rejetés par les cisterciens => une nouvelle esthétique de la lumière (Dieu est lumière). Rôle fondamental de saint Bernard qui promeut cette nouvelle idéologie ainsi que le culte de la Vierge Marie. Illsutration musicale : http://www.vip-blog.com/mp3_blog.php?pseudo=dreillard&mp3=20172

     C-    Cîteaux, nouveau Cluny ?

     Par son succès et sa richesse, Cîteaux pourrait être comparée à Cluny. Pourtant, même sans son succès, l’ordre reste différent, plus attaché à ses valeurs d’origine (maintien du refus des seigneuries, par exemple). La filiation symbolique entre les fondations garantie également un meilleur équilibre entre les abbayes. Les cisterciens ont toujours refusé l’exemption, et sont toujours restés soumis, au contraire, à l’évêque ordinaire (évêque du diocèse dans lequel se trouve le monastère).

    L’influence cistercienne sur le monde passe surtout par un magistère d’influence : au contraire des clunisiens qui avaient adapté le monachisme au monde féodal, les cisterciens veulent transformer la société pour la rendre plus conforme au message chrétien. Bien que retirés du monde, ils acceptent de se consacrer à des tâches d’évangélisation ou de prédication, dont le plus bel exemple est donné par Bernard de Clairvaux, qui fut bien plus qu’un abbé. Á la fin du XIIème siècle, tous les papes sont des cisterciens.

     

    Ils agissent aussi sur le monde en intégrant d’immenses espaces vierges qu’ils défrichent, drainent et mettent en culture, ce qui attire les populations => ils sont rattrapés par le monde. + progrès dans la gestion des terres avec le système des granges dépendantes de chaque monastère.

    Néanmoins, à la fin du XIIème siècle, l’afflux de dons est tel que la rigueur de vie des cisterciens se relâche. Les nouveaux monastères sont beaucoup plus luxueusement décorés, les moines abandonnent la charrue aux frères convers, recréant dans leurs abbayes les inégalités de la société seigneuriale.

    III-              La pauvreté volontaire : un nouveau message pour un nouveau public (XIIIème siècle).

    Les nouvelles formes monastiques qui apparaissent au XIIIème siècle sont issues de trois phénomènes :

    -         l’épuisement du monachisme traditionnel, rural, dont la richesse suscite de plus en plus de critiques ;

    -         les divers mouvements hérétiques (Cathares, Vaudois) issus de cette critique ;

    -         l’essor des villes et la nécessité d’encadrer religieusement les populations urbaines.

    A-    Décadence et aporie des ordres issus de la RSB :

    XIIIème siècle marque le déclin des influences cisterciennes et clunisiennes, ces deux ordres faisant l’objet de critique de plus en plus généralisées contre leur richesse et l’exploitation des paysans à laquelle il se livre que ce soit à travers la seigneurie ou le salariat. Si Cîteaux garde un certain prestige dans la noblesse, Cluny traverse même une crise économique liée à l’érosion de sa rente, et qui entraîne un début de fragmentation de l’ordre (certains monastères associés ou prieurés quittent l’ordre). Deux obédiences opposées se créent entre partisans de l’ancien système, majoritaires (grande observance de Cluny) et ceux qui désireraient un retour à plus de pauvreté et de travail (observance ordinaire de Cluny). Les chapitres généraux cessent d’être tenus, comme à Cîteaux, et les fraternités (groupements locaux de monastères) commencent à prendre le pas sur l’ordre.

    La perte de Jérusalem et l’échec des croisades pose la question des ordres militaires. Repliés sur Chypre puis Malte, les Hospitaliers poursuivent la lutte contre les pirates musulmans, mais les templiers, privés de leurs bases en Terre Sainte, ne font plus qu’administrer leur immense fortune, tirée de leurs butins, de leurs terres, et surtout des intérêts des prêts consentis aux chevaliers et aux rois partis se croiser. Leur richesse et leur puissance deviennent plus insolentes encore que celles des clunisiens.

    Ceux qui par leur dénuement volontaire auraient pu, tels les Chartreux, présenter un exemple de vie religieuse pure aux populations s’enferment dans l’aporie de leur retrait hors du monde, perdant toute utilité sociale.

    Ce sont donc d’abord les hérétiques (Cathares, Vaudois) qui présentent un message alternatif de pauvreté et d’humilité aux fidèles. Que pouvait lui opposer l’Eglise ?

    B-     Les dominicains : du prêche à l’inquisition.

    Au début du XIIIème siècle, et malgré l’intervention des troupes de Philippe Auguste à partir de 1220, l’hérésie cathare ne cessait de gagner du terrain. La critique des richesses de l’Eglise et de son pouvoir temporel était un élément essentiel du succès de cette spiritualité hétérodoxe. Un jeune noble espagnol, Domingo Guzman de Alvaceta, étudiant à Salamanque, développa la conviction que le seul moyen de ramener les hérétiques sur le droit chemin était de prêcher la parole de Dieu par l’exemple, en menant une vie humble et pauvre et en refusant la richesse et les pompes de l’Eglise officiel. Entouré de quelques disciples, il gagna le Languedoc où, autour du couvent de Cerisy, construit de leurs propres mains, il remporta quelques succès. Officialisé par Rome en 1226, l’ordre des frères prêcheurs fut chargé de la lutte contre l’hérésie dans toute l’Europe. Mais le Saint Siège trouvait les progrès réalisés par la prédication trop lents. Lorsque l’Inquisition (tribunal ecclésiastique chargé de juger les déviances à la foi et au dogme) fut organisé dans les années 1230, les dominicains furent chargés de son fonctionnement. La torture et le bûcher remplacèrent bientôt la parole, et le prêcheur Bernardo Guy rédigea même, vers 1250, un manuel de l’inquisiteur qui détaillait les différentes hérésies et les moyens d’obtenir, par la persuasion ou la force, les aveux des hérétiques.

    Recrutant surtout des universitaires issus de la petite noblesse et de la bourgeoisie, l’ordre dominicain donna aussi de grands penseurs tels que Thomas d’Aquin ou Albert le Grand.

    L’ordre dominicain ne relevait que du pape, particularité qu’il partageait avec l’ordre franciscain.

    C-    Les franciscains : l’exemplarité de la pauvreté.

    François d’Assise était le fils d’un marchand exemplaire de l’essor des bourgeoisies urbaines à la fin du XIIème siècle. Il vit une jeunesse dorée avant d’être frappé par l’expérience de la guerre. Vers 1205, il renonce à son héritage pour aller vivre parmi les plus pauvres, qu’il impressionne par son mysticisme. Il rassemble bientôt un premier groupe de disciples qui sont d’abord soupçonnés par Rome d’être hérétiques car ils critiquent la richesse de l’Église (v. le Nom de la Rose). Finalement intégrés à l’Église en structurés en ordre suivant la règle de saint Augustin, ils forment les Frères mineurs, religieux qui refusent toute donation et ne vivent que des aumônes des fidèles. Ils sont utilisés dans l’instruction religieuse et l’encadrement des masses de salariés pauvres urbains, au point d’inquiéter les séculiers par leur influence grandissante (ils attiraient en particulier les pauvres car ils n’exigeaient pas le paiement de droits pour célébrer les baptêmes et enterrements comme c’était la coutume dans les églises paroissiales). Surtout issus de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, mais aussi ouvert aux plus pauvres, l’ordre franciscain a un recrutement plus divers que les ordres des siècles précédents. Il est aussi le premier dont la branche féminine, les Clarisses, fut créée presque simultanément, par une amie de François, Claire. Gagnant en influence, les franciscains entrent dans les cercles du pouvoir : l’un d’eux fut le confesseur de Louis IX. Les papes de la fin du XIIIème siècle sont tous issus de l’ordre franciscain. Ce succès les conduisit à se couper de leur humilité originelle. Ils commencèrent à accepter les donations, dîmes et autres droits ecclésiastiques. A partir de la fin du siècle, le franciscain gourmand et libidineux qui abuse de son statut religieux pour dérober de la nourriture et abuser des femmes devient un personnage récurent des fabliaux et des farces. 

     Conclusion :

    De réforme en réforme, le monachisme du Moyen Âge central n’a cessé de chercher à incarner la pureté évangélique dans un monde souvent violent et qu’il cherchait à christianiser par ses prières, mais souvent aussi par son action sur la société. D’abord intimement mêlé au monde féodal, dont étaient issus les moines, presque tous d’origine noble, il s’intégra grâce aux Mendiants à l’essor urbain du XIIIème siècle. Car le paradoxe de ces réformes étaient que le retour à la pureté d’une vie hors du monde avait d’abord pour but d’agir sur ce monde pour le rendre plus profondément chrétien. Le succès même de ses réformes, en accroissant l’influence et la richesse de chaque ordre, a conduit finalement à leur échec, car ils restaient prisonniers d’une structure sociale qui persistaient à les considérer comme des spécialistes de la prière dont l’intercession devait être rémunérée par des dons. Il faut attendre une autre Réforme, plus radicale, au XVIème siècle, pour que naissent de nouvelles formes de religiosité remettant définitivement en cause cette structure. Néanmoins, le fait que tous ces ordres existent encore aujourd'hui montre qu'ils ont sur créer des formes de spiritualité propres qui sont restées porteuses d'un message d'humilité et de retrait de monde à travers les siècles.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     






    Art roman, art gothique

    07/04/2007 23:53

    Art roman, art gothique


    Introduction : histoire de l’art et Histoire.

     

     

    Problématique du rapport entre histoire et histoire de l’art :

     

     

                Sujets à thème artistique posent problèmes d'interprétation. Ces sujets ne sont pas à comprendre comme des sujets d’histoire de l’art, c’est à dire d’histoire des formes (cours d’histoire générale). Le principal problème est de réussir à intégrer l’histoire des formes dans la problématique + large de l’histoire de toute la société, et donc de parvenir à rendre sensible les implications sociales de l’art.

    Depuis Panofsky et Francastel, on a mis l’accent sur le fait que jusqu’à la grande autonomisation de l’artiste du XIX° siècle, l’art est avant tout l’expression des idéaux des classes dirigeantes qui se donnent à voir à travers les œuvres d’art. [NB : Le Focillon, grand classique, reste très valable pour l’histoire des formes mais véhicule encore certains schémas d’explication éculés.]

                Il importe donc de ne pas séparer le fond de la forme, à ne pas faire un exposé d’histoire de l’art ni une étude de sociologie de l’art, mais veiller à lier les deux.

                Sur le plan pratique, cela implique de repérer précisément :

    ð Les formes concernées

    ð Les commanditaires des œuvres, puisque l’artiste médiéval n’a pas d’autonomie dans le choix des thèmes.

    ð Le contexte social et / ou politique.

     

     

    Documents proposés organisés dans cette perspective + perspective d’étude synchronique (constante propre à chaque style) et diachronique (évolution d’un style à l’autre).

    ð à chaque fois : plan, élévation extérieure et intérieure, portail, un exemple de sculpture et un exemple de peinture.

    ð balayage significatif mais restreint : pour des raisons de place et de temps, il n’est pas possible d’étudier ttes les formes d’expression artistique (gravure, arts déco, arts profanes…) ni les évolutions et variantes propres à chaque style => avoir csce que ces aspects existent.

     

     

    Barrières chronologiques = difficiles à poser, car les styles naissent lentement et coexistent, se chevauchent.

    1° éléments du Roman apparaissent dès le X° siècle, dans la filiation directe de l’architecture carolingienne (ou pré-romane) avec laquelle il n’apporte pas de rupture significative => poursuite de la réutilisation des traditions romaines, avec apports byzantins.

                Rupture se situe au cœur même de l’ère romane, au début du XII° siècle, quand les progrès techniques et l’accumulation du capital permet l’apparition d’une monumentalité nouvelle (prémice = Cluny III, fin XI° siècle => reste le plus grand édifice chrétien occidental jusqu’à la construction de Saint-Pierre de Rome).

                On continue à construire des églises romanes jusqu’à la fin du XII° siècle, et même, en Auvergne, en Gascogne, jusqu’au cœur du XIII° siècle. Mais dès 1145, le style gothique s’affirme à Saint-Denis, puis dans tous les nouveaux édifices du Bassin Parisien. Se répend en auréole autour de ce centre, où naissent toutes les évolutions (vers 1260, Sainte Chapelle de Paris, cathédrale de Chartres => Gothique rayonnant).

                Le Gothique survit ensuite jusqu’au début du XVII° siècle, mais sous des formes de plus en plus foisonnantes et influencées par des apports extérieurs, qui en font un style sans vrai rapport, sinon architectonique (formes architecturales de base), avec le gothique des origines. => gothique flamboyant (XIV°-XV°), renaissant et classicisé (XVI° siècle).

     

    Lien entre architecture et évolution de la société : Roman naît au moment où débute le morcellement féodal. Ses plus belles réussites se trouvent dans les monastères ruraux les mieux inscrits dans l’ordre féodal (Cluny, Moissac, Conques, Saint-Philibert de Tournus…) ou dans les capitales des seigneuries les plus puissantes (Poitiers, Angoulême…). Chaque région développe des styles bien caractérisés qui font parler de romans régionaux (poitevins, saintongeais, bourguignons, bretons…) Il survit le plus longtemps dans les zones les plus à l’écart du mouvement d’essor commercial et de recentralisation du pouvoir politic.

                Inversement, le gothique naît au cœur du domaine royal, au moment où débute le renforcement du pouvoir central et dans un centre emblématique de ce renforcement, Saint-Denis. Son essor accompagne celui du pouvoir royal, aussi bien Français qu’Anglais : Capétiens et Plantagenêt vont marquer leur conquête par l’édification de cathédrale gothique (cf. Ste-Cécile d’Albi sous Saint-Louis, Saint-André de Bordeaux, édifiée au moment ou Bdx devient le centre des possessions continentales des Plantagenêt).

                //, l’essor du gothique accompagne deux autres mouvements :

    -     essor urbain : 1° cathédrales gothiques (Senlis, Noyon, Meaux, Laon …) = dans des cités épiscopales affectée par l’essor urbain du XII° siècle et dont la cathédrale avait été peu ou pas modifiée à l’ère romane.

    -     essor des nouveaux ordres religieux : 2° moitié XII° siècle, essor du gothique porté par les fondations cisterciennes qui sont à leur apogée et qui trouvent dans ce style pur et dépouillé une expression de leurs idéaux esthétique. XIII° siècle : X° des chapelles et églises gothiques dépendantes des couvents des ordres mendiants (églises rebaptisées plus tard “ jacobins ”, “ cordeliers ”.

     

    ð deux variantes du gothique :

    -     l’une monumentale et somptueuse, qui trouve son aboutissement dans la Saint-Chapelle = au service du pouvoir royal et épiscopal.

    -     l’autre plus humble et épurée, qui trouve son aboutissement dans les églises-halles franciscaines reproductibles à l’identiques, support des religiosités nouvelles.

     

     

    ð Constantes = problématique : Un roman plutôt rural, seigneurial et monastique, marqué par sa diversité locale, et un gothique plutôt urbain, royal et épiscopal, marqué par son unité de style.

     

    ð Art des seigneurs et art du prince = une évolution des styles qui traduit une évolution dans l’encadrement des fidèles, elle-même liée aux évolutions de la société

     

     

    I-       L’art roman, art de la féodalité.

     

     

    A-  Un art cellulaire.

     

    Même losque l’on a à faire à de très grands édifices, le Roman vise tjs à la création d’ensemble repliés sur eux-mêmes, propice à la méditation intérieure ou à la rumination monastique.

    v. Plan + élévation extérieure : ensemble refermé sur soi qui cherche à exprimer une totalité (développer sur les formes architecturales, la symbolique 8 (tour octogonale) – 4  tours carrées) = passage du monde physique (tours carrées sur le porche) au monde divin (tour octogonale surplombant le chœur)et 7 (travées du chœur et du transept).

    Organisation de la circulation intérieure (déambulatoire => église de pèlerinage ; absidiole => un ensemble étudié pour célébrer une liturgie stationnaire sans avoir de dépalcements extérieurs à effectuer).

    Transition extérieur/intérieur => rôle du porche qui ouvre sur un espace de transition (narthex), progression interne => chœur (v. élévation interne) = image du ciel (cul de four).=> un parcours du monde des hommes jusqu’au Ciel.

     

    B-  Hiératisme et hiérarchie.

     

    v. fronton du portail de Conques: hiératisme qui refuse le figuratif pour représenter une réalité d’un autre ordre + couleurs.

    fronton : envahissement des voussures et du linteau par le décor.

    Séparation de la figuration en deux plans ciel-divinité / terre-humanité : hiérarchie du monde.

    Extrême symbolisme des représentations qui reposent sur une exégèse savante => destinnes à des clercs et pas aux fidèles. (cf. Nef de Saint-Savin (Vienne) : chapiteaux non-historiés, au contraire, dans le chœur (réservé aux clercs) ils le sont, système proche à Conques, où le tympan du portail ouvrait sur le cloître (espace des moines) et pas sur l’extérieur (espace des pélerins).

     

    C-  Ordre terrestre, ordre céleste : une théologie du pouvoir.

     

    a.   Le pouvoir de Dieu : distance et majesté.

    v. Christ du tympan => rôle de la mandorle qui le sépare de l’humanité et le place dans l’univers de la gloire céleste.

    Structuration interne des églises (plan, élévation) renvoie à coupure nette clercs/laïcs, Ciel/terre. => Dieu = lointain, dans les hauteurs, placé dans une situation d’action eschatologique => un Dieu très semblable au roi, lointain, et dont l'action immédiate n’a pas de réelle influence.

    => pouvoir de Dieu transparaît dans l’action des saints, comme le pouvoir du roi disparaît derrière celui des seigneurs.

    b.   Le pouvoir des saints : proximité et efficacité.

    Grandes églises romanes = églises de pèlerinage où l’on vient vénérer les saintes reliques.

    Typique de cette période = statues reliquaires, sorties en procession, mises en contact avec les fidèles => personification du saint qui représente un pouvoir proche et rassurant. cf Statue de Sainte Foy, enrichie au fil des donations et qui exprime matériellement la puissance de la sainte.

     

    Mais art roman, dans sa dimension d’art des églises de pèlerinage = aussi un art des chemins sur lesquels de développent les échanges qui mènent à une nouvelle modernité. Celle-ci trouve son expression dans l’art gothique.

     

    II-      L’art gothique, art du renouveau princier.

     

     

    A-  Un art de l’espace et de la lumière.

     

    Même quand on a à faire à de petits ensembles, le Gothique vise tjs à créer une forme de monumentalité qui joue sur les larges ouvertures et l’espace créé par l’élévation de la voûte (v. la « cathédrale de poche » de Senlis).

    v. plans et élévations : construction modulaire qui met en rapport étroit chaque élément de travée avec une ouverture qui laisse entrée la lumière. Aboutissement = gothique rayonnant (Sainte Chapelle, Chartres) où le plan est construit sur un nombre minimal de modules tous largement ouverts sur l’extérieurs => des dentelles de pierre qui supportent des verrières.

    Evolution rendue possible par deux inventions majeures : la croisée d’arc brisé, qui permet d’élever des voûtes portantes (alors que le roman ne connaissait que les voûtes “ portées ”), et l’arc-boutan qui permet de contre-balancer la pression de la voûte sur les mûrs et donc de les alléger au maximum.

    L’évolution artistique se fait aussi sentir dans le domaine figuratif.

     

    B-  Art gothique et scolastique : l’homme, image de Dieu.

     

    v. porche de Chartres.

    Autonomisation de la sculpture qui se détache plus nettement de l’architecture.

    Apparition d’une plus grande importance du figuratif => modif° des canons esthétiques sous double influence :

    saint Bernard : représentation de Dieu passe par la beauté et la simplicité (cf. l’ange qui sourit à Reims).

                scolastique : insistance sur le fait que l’homme est à l’image de Dieu et sur l’humanité du Christ => réhabilitation de la figure humaine. (v. portail de Chartres, avec des figures hiératiques dans l’attitude, mais avec modelé réaliste (v. vêtements médiévaux), au mépris du récit biblique => réactualisation du message chrétien.

                Apparition de codes de représentation plus complexes basé sur la narration et plus sur la symbolique : vitraux de Chartres.

     

    C-  Ordre divin, ordre royal :

     

    a.   L’art, outil du pouvoir royal.

    Cathédrale gothique = œuvre conjointe du roi et de l’évêque (en particulier ND de Paris, ND de Chartres).

    Christ de Chartres n’est plus dans une mandorle, mais sur un trône.

    Nouvelle forme hiérarchique exprimée par l’art correspond à la monarchie : lumière de Dieu inonde l’édifice gothique => contact direct avec la divinité qui se passe de l’intercession des saints, comme le pouvoir du roi souverain contourne celui des seigneurs.

    b.   La Sainte-Chapelle de Paris.

    Expression la plus achevée = Sainte Chapelle de Paris, édifiée par saint Louis pour accueillir la relique royale par excellence : la couronne d’épine du Christ.

    Architecture de verre qui unit savemment théologie de la lumière et théologie royale. Sur les verrières, les armes de France se mêlent aux représentations des grandes scènes de l’histoire sainte. La grande verrière du chœur qui domine le maître autel où sont conservées les reliques inonde la chasse de lumière, mais aussi le podium placé immédiatement sous l’autel et sur lequel le roi trônait seul, intermédiaire entre ses sujets réunis dans la nef et le clergé officiant dans le chœur.

    A la même époque est rédigé le pontifical champenois, à Reims, livre liturgique à l’usage de l’archevêque, qui est le premier document à mettre explicitement en rapport onction royale et épiscopale sous-entendu depuis longtemps et qui fait la part belle au clergé dans la cérémonie.

     

    III-    Du roman au gothique : traditions et inovations.

     

     

    A-  Des constantes imposées par le dogme chrétien.

     

    Constantes architecturales : le plan de l’Eglise occidentale s’est fixé sous les Carolingiens avec l’adjonction définitive du transept à la nef basilicale héritée de Rome => forme en croix latine au sein de laquelle l’espace est strictement délimité entre ce qui est autorisé au laïc (nef, transept) et ce qui est réservé aux clercs (croisée du transept pour les non célébrants, chœur séparé du reste de l’Eglise par le jubé et le chancel pour les célébrants)

    Les grandes constantes de thèmes : le portail porte presque toujours une figuration du jugement dernier => lieu de passage du monde extérieur à la maison de Dieu, donc de la mort spirituelle à la vie éternelle. C’est là qu’ont lieu, au MA, les grandes cérémonie sacramentelles (en particulier mariage et confiramtion) et les grandes fêtes (surtout la bénédiction des rameaux).

    La décoration de l’église emprunte ses thèmes à l’histoire sainte, et en particulier aux grands événements de la vie du Christ et à la vie angélique. Deux impératifs dominent : représentation de la présence de Dieu et figuration du saint auquel elle est dédiée.

     

    B-  Continuités des thèmes, évolution des formes.

     

    Evolution technique (v. II-A) permet évolution des formes architecturales et surtout d’expression artistique. Mais il n’y a pas de rupture nette : les grandes églises romanes (Saint-Sernin de Toulouse par ex.) expérimentent les formes qui vont mener au gothique. Inversement, les premiers grands édifices gothiques sont encore largement pensé comme des édifices romans : ex. Notre Dame de Paris, qui a encore la structure pyramidale des grandes basiliques romanes => pour maintenir l’équilibre de la voûte, il faut réduire le transept à l’extrême (d’où sa forme particulière de navire à l’envers).

    Attention : l’ogive <> de typiquement gothique (on la trouve dans de nombreux édifices romans). Grandes nouveauté gothique = croisée d’ogive (permise par les arcs boutants).

    Evolution majeure = passage d’une élévation pyramidale (bien observable sur l’élévation du chevet de Conques) à une élévation simple qui donne une plus grande unité à l’ensemble (Chartres) => supression des tribunes et création du Triforium (partie de mur intermédiaire où les ouvertures sont plus réduites pour permettre la prise d’appui des arcs-boutants).

                Vision de l’unité qui correspond à l’idée contemporaine d’unité de la Chrétienté autour du Pape et d’unité du royaume autour du roi.

     

    C-  L’art et les formes de la religiosité.

     

    L’art roman est profondément marqué par l’attente eschatologique (le grand mouvement de construction roman débute vers 1000, cf. R. Glaber et le blanc manteau d’églises) et par le culte des saints, d’où l’invention originale que constitue le déambulatoire. D’où aussi la grande richesse de vocable des églises romanes, dédiées à des saints patrons locaux.

    Sous l’influence des Cisterciens, et en particulier de saint Bernard, grand dévôt de la Vierge, le culte de Marie gagne en importance au cours du XII° siècle : lors des grandes reconstructions gothique de la fin du XII° et du XIII° siècle, on voit alors se multiplier les Notre Dames. De nombreuses cathédrales sont rebaptisée lors de leur reconstruction (ex : cathédrale de Chartres => XII° siècle = Saint-Pierre, elle devient Notre-Dame lors de sa reconstruction gothique). L’art gothique se développe dans un milieu plus urbain et plus profondément christianisé : les grandes compositions sculptées gothiques, au-contraire des œuvres romanes, ne sont pas réservées à une élité de clercs lettrés mais largement offertes aux yeux des fidèles (sur le porche à Chartres). Elles constituent véritablement une Bible de pierre, destinée à l’éducation des fidèles, et sur lesquels pouvait prendre appui la prédication des frères Franciscains et Dominicains, eux-aussi grands propagateurs du style gothique.

     

    Conclusion :

     

             L’art du MA ne peut se comprendre que dans sa relation étroite avec un contexte intellectuel, politique et social donné. Au-delà des variations dans les formes, il apparaît tout entier vers l’expression d’un ordre idéal de la société, et colle donc étroitement à l’évolution de cette dernière. Mais il est aussi, comme dans de nombreuses autres périodes, un outil de prestige aux mains des classes dirigeantes, destiné à figer dans les matériaux les plus nobles l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et du monde. C’

                Mais l’unité de l’art médiéval se fonde avant tout sur sa tentative, dont on ne trouve d’équivalent que dans l’iconographie byzantine, de figurer sur terre et avec des moyens humains des réalités qui sont de l’ordre de la transcendance. Cette quête de l’image de Dieu et de la rédemption, qui fonde toute la démarche artistique de l’Europe Occidentale jusqu’à nos jours,  est sans doute l’héritage majeur qu’il nous a laissé et la clé de l’émotion qu’il peut encore faire naître chez nos contemporrains.






    Les Universités au XIIIème siècle

    01/04/2007 14:59

    Les Universités au XIIIème siècle


    Introduction :

     

     

    Après l’effondrement carolingien, la culture et l’enseignement s’étaient réfugiés dans quelques monastères et écoles cathédrales qui avaient su maintenir, de Saint-Gall à Bologne, de Chartres à Reims ou de Winchester à Orléans, les traditions classiques rénovées de la « renaissance carolingienne ». Néanmoins, à partir des premières décennies du XIIème siècle, on voit réapparaître un enseignement plus diversifié et surtout plus dispersé géographiquement portés par le vent de la réforme grégorienne et les exigences théologiques et juridiques que comportaient la formation des clercs qu’elle instituait. A Oxford, à Liège, à Paris ou à Montpellier, maîtres et élèves se réunissent, investissent des quartiers entiers, élaborent de nouvelles théories, tel le « sic et non » d’Abélard. C’est de ce mouvement d’abord informel que naissent progressivement les universités. Ce terme désigne d’abord toute congrégation ou rassemblement de personnes qui se réunissent dans un but précis. Á ce titre, il peut désigner aussi bien une confrérie marchande qu’une communauté monastique. C’est précisément au XIIIème siècle, alors que s’organise un enseignement normé et codifié, que le terme va se restreindre au point de ne plus désigner que les lieux où est délivré cet enseignement. Or, dans cette même période, l’enseignement connaît, en Occident, une triple évolution : extensification, avec la multiplication des pôles universitaires ; organisation, avec la mise en place des structures des universités, et l’intégration de celles qui leur étaient concurrentes, et l’approfondissement des savoirs, notamment grâce à la redécouverte des savoirs antiques et aux apports venus des terres d’Islam.

    Pourquoi les universités deviennent-elles, au XIIIème siècle, le cadre normal de l’enseignement en Europe et le fondement d’un renouveau intellectuel dont nous sommes encore les héritiers ? Comment ont-elles imposé leurs normes de formation et d’encadrement ?

    Afin de le savoir, il faut d’abord comprendre comment les universités se sont développées à travers le monde occidental, avant d’étudier la façon dont elles reçoivent un cadre et des règles très normatives qui influent sur le contenu de l’enseignement et ses orientations.

     

     

     

    I-                   La floraison des universités à travers l’Europe :

     

     

     

     

     

    A-     Un mouvement d’abord spontané …

     

     

    Origine = écoles cathédrales de certaines cités réputées pour leurs maîtres (Bologne, Oxford, Liège) où placées à des carrefours de communication (Paris, Cambridge). Rapidement, l’afflux de maîtres et de disciples est tel que le chapitre ne peuvent tous les accueillir

    ð      installation dans les quartiers voisins ou ils s’organisent en confréries ayant pour but l’enseignement sous privilège épiscopal (maîtres ne sont pas chanoines de la cathédrale mais sont quand même entretenus par l’évêché) = les universités.

    ð      Ces universités colonisent alors des quartiers entiers (toute la rive gauche de Paris par exemple, car c’est là qu’il y a le plus d’églises et de monastères, donc le plus de prébendes et de bénéfices, qui constituent la rémunération des maîtres.), ce qui crée des problèmes de relations avec les riverains, les autres habitants de la ville, les autres corporations (rixes, aggravées par les rituels alcooliques des étudiants) ou les autres clercs qui voient d’un mauvais œil les professeurs accaparés prébendes et bénéfices. (ex. du contentieux entre le chapitre de Champeaux et le diocèse de Paris au sujet des terres capitulaires remises en bénéfices à Guillaume de Saint-Victor, un professeur parisien).

    ð      Exige un effort de mise en ordre et d’organisation.

     

     

    B-     … rapidement encadré par les autorités politiques :

     

     

    Les troubles à l’ordre public créés par les étudiants et les querelles entre clercs pour les prébendes entraînent les premières interventions des autorités civiles qui vont accorder des statuts et des privilèges particuliers aux universités pour mieux les contrôler.

    Ex. à Paris : 1205 : deux actes de Philippe Auguste :

    -         Privilège de l’université de Paris, qui exempte les étudiants et les maîtres de la justice ordinaire (for universitaire), crée une immunité sur le territoire de l’université, détache l’université de l’évêque et lui donne ses premiers statuts.

    -         Diplôme pour le chapitre de Champeaux par lequel celui-ci est remis en possession des prébendes attribuées à des maîtres de l’université.

    Ces premières interventions, qui visent à encadrer les structures existantes, sont suivies d’autres dont le but est nettement plus politique : après que le roi de France a pris l’université de Paris sous sa protection, beaucoup d’autres princes européens craignent un manque de loyauté de leurs élites si elles continuent à être formées à Paris.

    ð      attribuent des privilèges du même type que celui de l’université de Paris quand il existe déjà des structures équivalentes (bulle pontificale pour Bologne, diplôme de Jean Sans Terre pour Oxford, Liège en terre d’empire, …)

    ð      ou bien créent des universités de toute pièce pour contrer les influences royale (Toulouse, 1231) ou étrangère (Salamanque et Tolède, créées par Alphonse X le Sage dans les années 1250, Cracovie…).

    ð      Ce phénomène a néanmoins ses limites : faute de maîtres, beaucoup d’universités mineures n’offrent pas un cursus complet et sont contraintes d’envoyer leurs étudiants finir leur formation à Paris, Oxford ou Bologne qui s’imposent comme les trois grands centres universitaires européens.

                Ce phénomène concerne d'abord les pays d'Europe occidentale où la formation des Etats est la plus précoce (France, Angleterre, royaumes ibériques, royaume de Naples et république de Venise). Le Saint-Empire et les pays d'Europe centrale et septentrionale, où le pouvoir central reste faible ou éclaté ne sont concernés qu'à la fin du XIVème siècle.

                D’abord issue d’un phénomène spontané et encadré par l’Église, les universités sont donc rapidement passées sous la protection des autorités laïques qui ont compris l’intérêt qu’elle pouvaient tirer d’une meilleure formation de leur clergé et de leurs administrateurs. C’est cet intérêt qui explique leur floraison et leur multiplication au XIIIème siècle, période de grande rivalité entre les princes. Il a permis de donner leur première structure aux universités.

     

     

     

    II-                L’organisation des universités :

     

     

    Très vite, néanmoins, l’Église cherche à reprendre l’initiative dans l’organisation des universités, dont le but est avant tout de former des clercs et des théologiens. Il est donc hors de question pour le pape, et en particulier pour Innocent III qui occupe le siège de Pierre au début du XIIIème siècle et qui instaure une véritable théocratie pontificale, de laisser aux seuls laïcs le soin de contrôler et organiser les universités.

     

     

     

    A-     Des privilèges princiers à l’intervention pontificale :

     

     

    Les premiers privilèges et statuts universitaires étaient des actes princiers ou royaux dont le contenu, bien que proche, différait d’un lieu à un autre. De plus, il était fonction de la puissance de chaque prince : le roi Philippe Auguste pouvait imposer aux étudiants parisiens des règles bien plus strictes que celles instituées à la même époque par le comte Trincavel pour l’université de médecine de Montpellier. De plus, ils s’intéressaient surtout à l’organisation matérielle des universités et au maintien de l’ordre public, mais n’intervenait absolument pas dans le contenu des programmes ou l’organisation des enseignements, dont chaque maître restait libre.

    L’intervention pontificale (concile Latran III et IV, 1204-1215) va mettre un terme à ces disparités : les canons conciliaires imposent une organisation et un cursus unique dans toutes les universités. L’enseignement est réglementé pour correspondre aux savoirs attendus des clercs et éviter tout risque de développements hérétiques ou hétérodoxes. Pour établir de nouvelles universités, il serait désormais nécessaire d’obtenir une bulle pontificale. Celles qui avaient déjà été établies devaient obtenir confirmation de leur statut par la même voie, le diplôme du pape y instituant une organisation conforme aux décisions de Latran. D’abord contestées (grève des maîtres et des étudiants, « retrait » des universités de Paris à Orléans, ou d‘Oxford à Cambridge), ces décisions sont définitivement imposées par la bulle « Magna universitatum carta » de Grégoire IX du 13 avril 1231.

    Des décisions des conciles de Latran et de Grégoire IX dérive donc toute l’organisation des universités au XIIIème siècle, celles-ci survivant partout en Europe jusqu’au début du XIXème siècle.

     

     

     

    B-     Structure des universités médiévales :

     

     

     

     

    a-      Répartition des pouvoirs et compétences :

     

     

    Les universités restent théoriquement dépendantes de l’Eglise qui contrôle la nomination des maîtres, la collation des grades et le contenu des enseignements. Les étudiants doivent au moins recevoir les ordres mineurs. Cette dépendance est manifestée par la présence dans chacune d’elle d’un chancelier, représentant de l’évêque ordinaire (= évêque du diocèse où se trouve l’université). Néanmoins, beaucoup d’université jouissent du droit d’exemption accordé par les autorités laïques, et les conflits sont nombreux entre le chancelier, qui nomme les maître et colle les grades, et les professeurs et étudiants qui manifestent leur indépendance à l’égard de l’évêque. Son pouvoir est donc très restreint.

     

     

     

    Le vrai chef de l’université est le recteur, assisté de son conseil, qui selon les cas est élu par les étudiants (Bologne, où les étudiants salarient les maîtres) ou les professeurs (Paris, Oxford, où les professeurs sont prébendés).

     

     

     

    Les universités ont également un protecteur, souvent ecclésiastique (sauf à Paris où en 1215 Philippe Auguste institue comme protecteur le prévôt de Paris), qui est chargé de veiller au respect de leurs privilèges et exemption.

     

     

     

    Mais la structure principale des universités médiévales est constituée par les « nations », c’est-à-dire des associations organisées en confréries (= universitates) regroupant les maîtres et les élèves par origine géographique, et qui sont le véritable cadre de l’organisation des enseignements, de la vie étudiante et des relations entre enseignants.

    Ex. A Bologne, 2 nations : les cisalpins et les transalpins ; à Paris ; 4 : France, Normandie, Picardie, Angleterre ; à Montpellier, 3 : Provence, Bourgogne, Catalogne.

    Chaque nation est dirigée par un procurateur qui est membre du conseil rectoral et l’administre.

    Les étudiants venus d’un pays qui n’a pas de nations adhèrent à celle qui est la plus proche de leur région d’origine. Les nations sont donc divisées en « tribus », dirigées par un doyen qui assiste le procurateur.

    Ex. : à Bologne, les Transalpins se subdivisaient en 14 tribus : Français, Picards, Bourguignons, Poitevins, Tourangeaux, Normands, Catalans, Hongrois, Polonais, Allemands, Espagnols, Provençaux, Anglais, Gascons.

    A Paris, les Picards accueillaient les tribus picarde, flamande, hollandaise, allemande (elle-même subdivisée en sous-tribus bavaroise, saxonne, polonaise, bohême)  et danoise (idem : Danois, Suédois, Norvégiens).

     

     

     

    Les professeurs sont le plus souvent itinérants, ce qui permet l’échange des savoirs d’un pôle universitaire à l’autre.

     

     

     

    Les universités jouissent de l’exemption (elle s’administre elle-même, le recteur et son conseil ont droit de justice sur tous les « sujets » de l’université, maîtres et étudiants, mais aussi copistes, libraires, parcheminiers, domestiques des élèves et des enseignants…) et du for universitaire (les autorités civiles ne peuvent intervenir dans une université, privilège maintenu jusqu’à aujourd’hui) et de privilèges octroyés par les autorités laïques (ex. l’université de Paris percevait une partie des tonlieux et octrois payés aux portes sud de Paris, était exempté des taxes à la foire du Lendit…).

     

     

     

    b- Cursus universitaire :

     

     

     

     

     

    A l’issue d’un premier cycle équivalent à notre enseignement secondaire, l’étudiant doit obtenir sa licence (= autorisation de poursuivre ses études), = baccalauréat.

    Admis en second cycle, l’étudiant doit ensuite obtenir la licencia ubique docendi (autorisation d’enseigner, qui permet de devenir maître). = licence.

    Cette formation initiale achevée, l’étudiant peut arrêter là son parcours ou bien se spécialiser dans une matière spécifique (droit, théologie, médecine) et passer sa maîtrise (= master) puis sa thèse qui lui ouvre le titre de docteur (es + matière étudiée) = doctorat. L’examen essentiel est la maîtrise qui donne droit au titre de maître des universités.

    Il n’y a ni limite de temps ni condition de continuité dans les études. Les plus doués parcourent l’ensemble du cursus de licence en un an quand certains y traînent 10 ans. Les études doctorales étaient beaucoup plus brèves et formelles.

    Les étudiants doivent participer à l’entretien des professeurs et des locaux en acquittant des droits pour suivre les cours et pour passer les examens (jusqu’à 100 livres tournois pour la maîtrise et le doctorat).

    Sauf à Oxford, où un simple serment attestant le suivi des études est exigé, l’examen prend la forme de la disputatio (débat rhétorique contradictoire durant lequel l’étudiant doit soutenir une thèse).

    La collation des grades est l’occasion d’une cérémonie solennelle lors de laquelle les étudiants recevaient un bonnet carré, marque de leur statut, et une toge ornée de bandes d’hermine équivalente à leur grade (bachelier : 1 ; licencié : 2 ; maître : 3 ; docteur : 4).

     

     

     

    C-    Le développement et l’intégration de structures annexes :

     

     

     

     

     

    Concurremment aux structures d’enseignement universitaire issues de la fusion des écoles cathédrales et des cours privés, se formèrent au XIIIème siècle deux structures alternatives qui cherchèrent à tirer profit du succès des universités :

    -         les écoles monastiques et les couvents des ordres mendiants (surtout dominicains) ouvrirent leur enseignement aux étudiants. Ce fut à l’origine de vive querelle entre les universités et ces concurrents qui dispensaient un enseignement gratuit (cordeliers, jacobins) ou jouissaient d’exemptions plus anciennes qui leur permettaient de contester les droits de l’universités.

    Ex. : à Paris, le prieur de Sainte-Geneviève, dont l’exemption couvrait une large partie de la rive gauche, revendiquait le titre de chancelier des universités. Certains de ces monastères organisent également des collèges (ex. Sainte-Geneviève = ancêtre du lycée Henri IV).

    -         Les collèges : à l’origine simples hôtels ou résidences pour étudiants pauvres, les collèges organisent rapidement des cours de propédeutique, puis de rattrapage ou de compléments délivrés par les assistants des maîtres de l’université. Peu à peu, en particulier en raison du manque de locaux, les maîtres prennent l’habitude de venir y délivrer directement leur enseignement, ce qui les transforme en structure d’enseignement permanent.

    Ex. le collège de Sorbon, fondé en 1245, qui est à l’origine destiné au logement de 200 étudiants pauvres, mais qui devient dès les années 1270 le principal centre d’enseignement de l’université parisienne => Sorbonne.

    Illustre réintégration de ces structures dans l’Université. Les collèges passe sous la juridiction des recteurs et doyens, les monastères exempts et couvents, qui ne relèvent que de Rome, sont exceptionnellement placés sous juridiction universitaire à partir des années 1250 dès lors qu’ils exercent une activité d’enseignement. Les écolâtres et professeurs mendiants sont soumis à l’autorité du chancelier pour la collation des grades.

     

     

     

    Malgré les privilèges obtenus des autorités laïques et les tentatives d’émancipation des collèges et des ordres mendiants, les universités restent donc sous le contrôle étroit de l’Eglise qui les organise, et qui surtout veille scrupuleusement au contenu des enseignements qui doit être conforme à sa doctrine.

     

     

    III-             Le contenu de l’enseignement :

     

     

     

     

    Cet enseignement est avant tout intellectuel et théorique, et orienté vers un seul but : être utile à l’Eglise. La théologie et le droit canon sont les deux disciplines reines. Les innovations sont jugées avec prudence et les enseignements utiles socialement (droit civil, médecine), s’ils se développent avec l’aide des autorités laïques, restent dévalorisés.

     

     

    A-     Les arts libéraux et la théologie :

     

     

    L’enseignement se divise en deux grandes parties placées de part et d’autre de la licence :

    -         le quadrivium : formation initiale qui devait donner aux étudiants les bases nécessaires à la poursuite de leurs études : grammaire (= pratique de la langue, incluant la grammaire au sens propre, l’orthographe, la littérature et l’histoire), rhétorique (art de bien parler), arithmétique (calcul (algèbre importé du monde musulman au XIème siècle) et logique (construction du raisonnement)   = arts libéraux.

    -         le trivium : musique, géométrie et philosophie (ou, dans certaines universités, astronomie).

    L’enseignement du quadrivium précède le baccalauréat, celui du trivium permet l’accès à la licence. Ils peuvent être enseignés par tout titulaire de la licencia ubique docendi.

    Les étudiants de maîtrise et de doctorat se consacrent à l’étude du droit, de la médecine et de la théologie, qui est la matière la plus valorisée.

    L’enseignement du droit se limite donc souvent au droit canon (décret de Gratien) qui préparé à l’étude de l’enseignement.

    Néanmoins, les apports extérieurs nombreux au XIIIème siècle permettent d’enrichir et de diversifier cet enseignement.

     

     

     

    B-     Aristotélisme, averroïsme et essor de la scolastique :

     

     

    Les croisades et la reconquête espagnole ont mis la chrétienté en contact avec Byzance et surtout avec le monde musulman, culturellement très en avance au Moyen Âge. Cela permet notamment la redécouverte des penseurs antiques, et en particulier d’Aristote, qui avait été traduit et commenté par les savants arabes, et en particulier Averroès / Ibn Rush qui avait réussi la synthèse de l’aristotélisme et du monothéisme. Le treizième siècle connaît une intense activité de traduction de l’arabe au latin dans les universités espagnoles de Salamanque et de Valence et à Tolède, siège d’une grande bibliothèque arabe. Ces manuscrits circulent ensuite rapidement à travers toute l’Europe, modifiant les conceptions alors en usage, fondées sur le néo-platonisme des pères de l’Eglise.

    ð      retour à la logique, fondement de la théorie aristotélicienne : dès les années 1150, sic et non d’Abélard (une chose ne peut être vraie et fausse en même temps).

    ð      Pensée syllogistique (prémisse majeure, prémisse mineure, conclusion)

    ð      Développement de la pensée dialectique (raisonnement thèse – antithèse – synthèse)

    De telles idées sont d’abord condamnées par l’Eglise (autodafé des œuvres d’Aristote à Paris en 1245).

    Saint Thomas d’Aquin, dominicain italien qui enseigne à Paris vers 1250-1260 réussit la fusion de la théologie chrétienne et de l’aristotélisme, qui est désormais accepté en occident (Summa Theologica = ambition de donner une explication chrétienne du monde dans son entier)

    ð      fonde la pensée scolastique (des écoles), qui reste dominante en Europe jusqu’au XVIème siècle et constitue le premier pas vers l’organisation d’une philosophie autonome à l’égard de la théologie.

    ð      Mais multiplications des querelles (nominalistes contre naturalistes par exemple).

    En droit, l’apport majeur vient de Byzance (traduction des manuscrits grecs pillés à Constantinople en 1204 à Padoue) avec la redécouverte de l’œuvre de Justinien (les digestes = CIC) et du droit romain, qui permet l’essor d’un enseignement du droit civil, soutenu par les autorités laïques. => début de la codification écrite des coutumes sous Louis IX.

     

     

     

    C-    Essor d’enseignement spécialisés mais dévalorisés :

     

     

     

     

    De tels enseignements autonomisés des exigences religieuses et plus techniques se développent au XIIIème siècle :

    -         l’algèbre et la géométrie euclidienne, utilisés pour la gestion des domaines et trésors publics (développement des comptes publics avec la création de la chambre des comptes, de l’échiquier) et en architecture (art gothique). Mais cet enseignement reste informel et n’est validé par aucun diplôme.

    -         La médecine, qui reste prisonnière des prescriptions ecclésiastiques interdisant les autopsies de cadavre, et se limite à la lecture des médecins antiques (Gallien) et musulmans (Avicenne / Ibn Sina). La faculté de Montpellier se spécialise dans ce savoir, ce qui lui vaut le mépris des maîtres des autres universités.

    -         La physique, héritage d’Aristote, pour qui elle est la connaissance de la nature en général. Elle reste néanmoins déchirée entre un enseignement classique strictement théorique orienté par des conceptions non-expérimentales (terre plate au centre du monde…) et des pratiques confinant à l’ésotérisme (alchimie, astrologie).

     

     

     

    Conclusion :

     

     

    Structure bien encadrée et structurée, aux buts définis, rassemblant les meilleurs spécialistes de l’époque, les universités ont généré une véritable expansion intellectuelle qui permet à l’Occident de reprendre la main dans ce domaine, face à une civilisation musulmane alors en perte de vitesse. Elles restent néanmoins aux mains de l’Eglise qui en contrôle les enseignants et l’enseignement, limitant au maximum les innovations de peur de dérives hétérodoxes. Il faut attendre les humanistes du XVIème siècle pour que cette tutelle soit remise en question.






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