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année universitaire 2006-2007

VIP-Blog de dreillard
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  • Créé le : 04/10/2006 02:29
    Modifié : 24/06/2007 14:30

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    Paris sous Philippe Auguste

    01/04/2007 14:57

    Paris sous Philippe Auguste


    Introduction :

     

    Présentation, nature des documents et analyse :

     

    Quatre sources très différentes qui livrent un panorama de la ville de Paris entre 1170 et 1223.

    La première est une source poétique, caractérisée par une emphase propre au genre (l’éloge, texte destiné à vanter les mérites d’une personne => personnification de Paris) qui multiplie métaphores et hyperboles. Elle nous livre un portrait de la ville en détaillant sa situation, un donnant une esquisse de son plan et en insistant sur le fait que Paris est une ville royale qui connaît à la fois une grande prospérité marchande et une grande renommée intellectuelle.

    La seconde est un diplôme royal du roi Louis VII qui accorde le privilège du commerce aux marchands de l’eau de Paris. Á un protocole initial très simple, sans préambule, et dont l’exposé se borne à rappeler que ce privilège avait déjà été accordé par Louis VI, succède un dispositif plus long qui réserve le commerce sur la Seine entre Mantes et Paris aux seuls marchands parisiens et menace de confiscations tous ceux qui enfreindraient ce monopole. L’eschatocole, lui aussi très simple, ce limite à une formule de conservation très normée, au datum, et à la liste classique des seings des quatre officiers palatins et du chancelier. Ce texte, de peu antérieur au règne de son fils Philippe Auguste, resta en application sous celui-ci.

    La troisième est un cours extrait des Gesta Philippi Augusti du moine Rigord de Saint-Denis, dans lesquelles il nous livre une histoire du règne de Philippe II de 1186 à 1196. Ici, il s’intéresse à la décision qui fut prise par ce roi de paver les rues de la ville.

    Enfin, le quatrième document est un plan composé par un historien contemporain à partir des sources historiques et archéologiques, et qui nous donne une idée de l’apparence générale et de l’organisation de Paris à la fin du règne de Philippe Auguste.

    Auteurs :

     

    Seuls deux des quatre documents ont un auteur identifié : le premier a été écrit par Guy (ou Guillaume) de Bazoches, poète dont le surnom indique qu’il était étudiant à Paris et vécu dans le milieu de l’université (la basoche = le monde étudiant parisien et, par extension, la vie étudiante + ou – synonyme de bohême au Moyen Âge). On sait peu de choses sur lui.

    Rigord de Saint-Denis est mieux connu. Moine du grand monastère royal installé au nord de Paris, il s’inscrit dans la tradition historiographique de ce dernier, qui remonte à l’époque mérovingienne et fut revivifier par l’abbé Suger sous les règnes de Louis VI et Louis VII. Á partir du XIIème siècle, Saint-Denis devient le centre de l’historiographie officielle des Capétiens, et Rigord écrit une histoire de Philippe Auguste (dont il est l’inventeur du surnom) qui constitue un véritable panégyrique rédigé du vivant de ce roi.

    Dates :

     

    L’éloge de Paris de Guy de Bazoche est datable de 1175, puisqu’il fait référence au récent avènement de Philippe Auguste dans son poème.

    Le diplôme de Louis VII pour les marchands de l’eau est daté de 1170, c'est-à-dire de l’année qui, dans notre calendrier, va de la Pâques 1170 à la Pâques 1171. Aucune autre précision n’étant donnée dans le datum de l’acte, il n’est pas possible de la dater plus précisément.

    Les Gesta de Rigord ont été rédigées avant 1196, date à laquelle elles sont interrompues par la mort de leur auteur. Elles sont donc très proches des faits rapportés.

    Enfin, la carte de J. Boussard remonte à 1976. C’est actuellement la représentation classique du Paris de Philippe Auguste.

    Critique :

     

    Les derniers apports de l’archéologie ont pourtant permis de la compléter (en particulier pour le quartier du Louvre) ou de la remettre ponctuellement en cause.

    Le deuxième document ne pose aucun problème de critique puisqu’il est ce pour quoi il se donne.

    Les deux textes qui présentent le plus de difficultés sont l’éloge de Paris et l’extrait des Gesta de Rigord. Tous deux ont en commun leur caractère mélioratif qui les conduit à multiplier les exagérations et les déformations afin de vanter leur sujet. Néanmoins, une fois débarrassés de leurs oripeaux emphatiques, ils fournissent des informations très fiables car très contemporaines des faits.

    Contexte :

     

    Ces quatre documents mettent en valeur l’évolution de la ville de Paris dans une période où cette cité bénéficie de trois facteurs de développement :

    -         un contexte général de croissance des villes et des activités marchandes et artisanales qui s’y concentrent, marqué par l’essor des bourgeoisies urbaines qui jouent un rôle croissant dans leur administration ;

    -         un contexte d’essor du pouvoir royal dont Paris est la principale base et qui en fait la principale ville du domaine royal et, très vite, du royaume ;

    -         un contexte de développement des études juridiques et théologiques au sein de ce qui va se formaliser, sous Philippe Auguste, comme l’Université de Paris, et qui fait de la cité, avec Bologne et Oxford, l’un des principaux centres culturels d’Occident.

    Bilan :

     

    Ces quatre sources jettent un éclairage croisé et complémentaire sur la situation de Paris au tournant des XIIème et XIIIème siècles. Le caractère emphatique de deux d’entre elles met particulièrement en valeur les qualités et les avantages sur lesquels elle a pu fonder sa prospérité. Mais l’étude attentive des deux autres permet de trouver des explications qui viennent en renfort de cette présentation, confirmant que Paris était bien, sous Philippe Auguste, dans une phase exceptionnelle de croissance et de développement.

    Problématique :

     

    Pourquoi Paris devient-elle, sous Philippe Auguste, sinon la capitale, du moins la principale résidence du roi, et la plus grande ville du royaume de France si ce n’est d’Occident ?

     

     

    I-                   Une ville riche et prospère :

     

     

    A- Un site privilégié connecté aux nouvelles voies du commerce :

     

    - site en amphithéâtre naturel bien protégé.

     

    - Seine permet accès facile à la Manche, au Nord de l’Europe par l’Oise, à l’Est et à la Bourgogne par la Marne et l’Yonne (Foires de Champagne).

     

    - agriculture riche fondée sur les céréales (France, Brie, Beauce) et la viticulture.

     

    - mais limites : Paris est cernée de marécages sur la rive droite, très proche de Rouen, capitale des possessions normandes des Plantagenêt,  menacée par les crues.

     

     

    B- Un grand centre commerçant :

     

    Éloge de Paris insiste sur la quantité de marchandises qui affluent dans la capitale grâce aux marchands de la Seine, dont les privilèges (doc. 2) illustrent l’importance. Leur monopole jusqu’à Mantes leur assure également la circulation sur l’Oise.

     

    Le grand pont est bordé d’échoppes et de commerces (référence à la profusion de marchandise dans l’Éloge).

     

    Le plan met en valeur deux grands centres marchands sur la rive droite : les champeaux, couverts en halle sous Philippe Auguste, grand marché qui draine les productions de tout le Bassin Parisien, et la place de Grève, lieu de rassemblement des ouvriers de l’artisanat qui cherchent un patron.

     

     

    C- Un grand centre intellectuel :

     

    Multiplication des écoles et des grands maîtres (Abélard, Guillaume de Saint-Victor) au XIIème siècle, et indépendance croissante à l’égard de l’école cathédrale (évoquée dans l’éloge comme lieu d’enseignement et de culture sur l’île de la Cité).

    Le petit pont, lieu de rendez-vous des « philosophes » selon Guillaume de Bazoche était bordé par les échoppes des libraires, copistes, marchands de parchemins et de plumes…

     

    Bien situé aussi bien au cœur du domaine royal que sur les voies de communication européennes, Paris bénéficie de cette position pour développer son influence marchande et culturelle. Cette double spécificité contribue à modeler l’organisation de la ville.

     

    II-                Trois villes en une :

     

    A-     La rive droite : la ville des marchands.

     

    Plan : Importance des grands axes de communication (rues Saint-Denis, Saint-Martin, Saint-Honoré et Saint-Antoine) qui sont pavés sous Philippe Auguste (texte 3) et du port (la grève => place de grève).

     

    Présence du Temple (couvent des templiers) hors les murs, au Nord, qui est un grand centre bancaire.

     

    Au Nord des murailles également, au-delà de la porte Saint-Denis, le Lendit (plaine au pied de la colline de Montmartre) accueille chaque année une grande foire internationale connectée aux foires de Champagne.

     

    C’est cette rive, marquée par une forte densité urbaine, de population et d’activité, qui croît le plus aux XIIème et XIIIème siècles et qui montre le plus le phénomène d’expansion urbaine et économique du Moyen Âge central. (Paris est la plus grande ville d’Occident en 1200, avec 50 000 hab.)

     

     

    B-     La rive gauche : l’Université en gestation.

     

    V. leçon sur l’Université.

     

    Abondance des églises monastiques, avec les trois grands centres de Sainte-Geneviève, Saint-Germain des Près et Saint-Victor, dont les écoles expliquent en partie l’essor intellectuel de cette rive. Cette occupation monastique, avec ses dépendances (jardins, vergers, vignes) explique que cette rive soit beaucoup moins densément peuplée et urbanisée que l’autre.

     

     

    C-    L’Île de la Cité : le centre du pouvoir.

     

    Deux pôles : Palais royal – groupe palais épiscopal et cathédrale Notre Dame (dont la reconstruction en style gothique débute sous Philippe Auguste, qui la finance en partie). L’évêque de Paris, Pierre de Sully, est un fidèle de Philippe Auguste.

     

    C’est au palais que le roi réside le plus souvent, qu’il fait déposer ses archives et sa couronne, qu’il tient ses assises judiciaires. De plus en plus de diplômes royaux sont donnés au palais en son nom sans qu’il y soit présent.

     

     

    III-             Une ville qui concentre les pouvoirs :

     

    A-     les instances locales : prévôté, prud’hommes, corporations :

     

    Châtelet = résidence du prévôt, agent seigneurial qui administre Paris au nom du roi.

     

    Assisté par des « prud’hommes », conseillers choisis parmi les marchands de l’eau qui s’organisent en corporation (association professionnelle monopolistique).

     

    L’administration de Paris s’appuie de plus en plus sur ces corporations, dont l’essor économique et commercial favorise la formation.

     

    Malgré tout, Paris reste une exception : alors que le roi accorde le droit de commune (droit de s’administrer soi-même, d’être son propre seigneur) à toutes les villes, qui sont gérées par des conseils municipaux (échevins, consuls, capitouls), Paris reste seigneurie du roi qui en conserve le contrôle.

     

     

     

    B-     Une ville « ceinte du diadème de la dignité royale » :

     

    Cela s’explique par le rôle que joue cette ville dans le gouvernement royal.

     

    Principale résidence + quand il n’est pas à Paris, Philippe Auguste réside à Vincennes, Saint-Germain en Laye … donc près de Paris.

     

    Lieu de dépôt des archives, de la couronne et du sceau, du trésor (au Louvres).

     

    Lieu d’organisation des premières institutions permanentes (cour de justice royale, cour des comptes).

     

    ð     commence à jouer le rôle de capitale au moins du domaine, sinon du royaume.

     

    ð     Ce rôle est renforcé par la conquête de la Normandie (1201-1204) qui la met à l’abri de la menace Plantagenêt.

     

     

    C-    Les manifestations urbaines de la puissance royale :

     

    Ce rôle nouveau transparaît dans l’action urbanistique du roi :

     

    -         pavage des rues (texte 3) qui favorise grandes manifestations publiques (entrée du roi) + rappel de l’urbanisme antique par pavage de quatre rues qui forment le kardo et le decumanus.

     

    -         Murailles, facteur d’unification de la cité.

     

    -         Louvre, symbole du pouvoir du roi sur la rive droite et donjon du roi, où affluent les prélèvements opérés dans tout le domaine royal.

     

    -         Construction d’un troisième pont (Pont Notre-Dame)

     

    -         Participation à la reconstruction de Notre-Dame.

     

     

    Conclusion :

     

    Paris, « ville du roi et reine des villes » ?

    -         Paris prend de plus en plus les traits, au fil des XIIème et XIIIème siècle, d’une capitale où, à défaut du roi, l’autorité royale est sans cesse présente à travers ses attributs. L’action de Philippe Auguste qui y a fixé définitivement le trésor, les archives, la cour de justice royale et les insignes royaux a été déterminante dans ce domaine.

    -         Néanmoins, les documents illustrent bien que la seule action du roi n’explique pas l’essor de Paris autour de 1200. La ville profite aussi d’un essor commercial et intellectuel général dont sa position lui permet particulièrement de tirer parti. Les rois ont accompagné cette évolution, en particulier en la favorisant par leurs diplômes et leur législation, mais ils ne peuvent en être tenus pour responsables.

    L’essor de Paris est donc lié à la conjonction d’élément divers dont la ville a été comme le catalyseur, ce qui a contribué à en faire, au siècle suivant, la plus grande ville de la chrétienté. En outre, par son action, Philippe Auguste a été le premier des souverains français à entreprendre de laisser dans la pierre des monuments parisiens une trace de son règne, habitude qui s’est conservée jusqu’à nos monarques républicains contemporains.






    Seigneurs et paysans : accord entre l’abbé de Saint-Victor de Marseille et les chevaliers de Saint-Martin de Brômes (9 novembre 1182)

    24/03/2007 00:18

    Seigneurs et paysans : accord entre l’abbé de Saint-Victor de Marseille et les chevaliers de Saint-Martin de Brômes (9 novembre 1182)


    Illustration : le village de Saint-Martin de Drômes. Le village actuel a conservé la structure du village médiéval, groupé autour de la "tour de l'horloge", ancien donjon seigneurial, et ceint d'un boulevard établi sur l'emplacement des murailles du castrum. Il présente un bel exemple d'encellulement, dont la forme rappelle celle des castelnaus.

    Introduction :

    Nature du document :

    Une notice de jugement issue d’un cartulaire (recueil d’actes publics et privés élaboré par une personne juridique afin d’assurer la défense de ses droits, la majorité de ceux que l’on conserve sont issus d’institutions monastiques, mais il existait aussi des cartulaires laïcs). La notion de « transaction ou accord à l’amiable » qui en précise le contenu li. 1 permet d’en préciser la nature : en fait c’est une convention féodale qui précise les obligations des chevaliers, qui sont vassaux, envers leur seigneur, l’abbaye de Saint-Victor. Le document est rédigé en style objectif, ce qui rend vain tout effort de critique autre que l’analyse interne qui conclut à sa véracité => document fiable, essentiellement descriptif, qui rend compte d’une situation en un temps t.

    Auteur :

    Le scripteur est un notaire visiblement non professionnel au vu de la construction hésitante (rajout à la fin du texte), ce qui témoigne de l’absence de spécialiste des écritures juridiques. Les commanditaires sont

    -         (le comte) Bertrand de Saint-Maximin (Var, à une dizaine de kilomètres à l’Est d’Aix-en-Provence et à une vingtaine de kilomètres au sud de Saint-Martin de Brômes, site d’un important prieuré de Saint-Victor) = sans doute le seigneur lige des chevaliers de Saint-Martin et de Brômes. Il représente la plus haute autorité laïque dans la région

    -         Dactyle, dont le nom indique que c’est un religieux. Il est peut-être le prieur de Saint-Maximin, dont dépendait le prieuré d’Esparon (hiérarchie des prieurés typique de l’ordre bénédictin après la réforme clunisienne), ou bien un spécialiste du droit qui assiste le comte lors des procès.

    ð      jugement rendu par deux autorités, l’une laïque l’autre monastique, qui sont parties prenantes du contentieux, mais sont hiérarchiquement supérieures aux demandeurs.

    Date : 1182, le quantième se calcule aisément : saint Martin est le 11 novembre : 11-2 = 9 novembre. Noter le caractère symbolique de cette référence par rapport au nom du village. Analyse :

    Le protocole initial, très simple, se limite aux titulatures des juges et des demandeurs. Suit un long dispositif sans notification qui détaille dans un premier temps les obligations des chevaliers envers leur seigneur (li 4-23) et dans un second, le partage des revenus seigneuriaux entre les deux parties (li. 23-40). L’eschatocole multiplie les précautions pour que les engagements pris soient respectés : serment, condamnation pécuniaire, témoins, scellement et chyrographe (l’acte est rédigé sur une unique feuille de parchemin, on inscrit l’alphabet entre les deux versions, puis le feuillet est découpé au milieu de cette inscription). = garanties contre la violation de l’acte, mais aussi contre son éventuelle falsification qui permettrait à l’une des partie de revendiquer des droits qu’elle n’a pas. => témoigne d’un progrès de l’écrit dans le droit.

    Contexte :  

    La Provence de la fin du XIIème siècle est dans une situation ambiguë : elle est officiellement terre d’empire, mais le comte de Provence, qui est issu de la branche cadette des comtes de Barcelone, ne prête plus hommage à l’empereur. Les liens avec le comté de Toulouse tendent à la rapprocher du royaume de France, mais le comte ne prête pas plus hommage au roi. Le comté est donc de fait indépendant, même s'il se trouve dans la sujétion des comtes de Barclone, roi d'Aragon. Le comte de Provence s’appuie sur un réseau de comtes secondaires pour administrer ses Etats. L’émiettement féodal y est particulièrement important et la réalité du pouvoir est donc aux mains des seigneurs et en particulier du plus puissant, l’abbaye Saint-Victor de Marseille, qui jouit de l’exemption (elle est indépendante des autorités civiles) et dont les immenses possessions forment un « Etat dans l’Etat ».

    Le temporel de l’abbaye avait été largement accaparé par les puissants laïcs qui en avaient remis des parties entières en fief à leurs vassaux. A partir de la fin du XIème siècle, Saint-Victor reprend le contrôle de son temporel et renforce son contrôle sur les chevaliers et seigneurs qui en avaient reçu des parties en fief, dont elle partage l’hommage avec leurs seigneurs liges, d’où la multiplication des contentieux à propos du partage des revenus entre ces vassaux, les moines et les suzerains, dont témoigne ce texte.

    Bilan :

    Ce texte nous éclaire donc sur le fonctionnement de la société féodale en Provence à la fin du XIIème siècle, mais aussi sur la domination seigneuriale que les différents seigneurs, laïques ou ecclésiastiques, faisaient peser sur les paysanneries placées dans leur dépendance.

    Problématique :

    A ce titre, il montre bien que la seigneurie est d’abord constituée d’un ensemble de revenus tirés des hommes qui la peuple, et l’on peut se demander quels enjeux représentaient le partage de ces revenus et en quoi le système féodal s’appuyait d’abord sur la rente fournie par le système seigneurial.

     

     I-                   Seigneurs et paysans :

    Le texte met en scène des seigneurs qui se partagent des revenus prélevés sur la paysannerie. Si elle n’apparaît jamais nommément dans le texte, celle-ci est donc toujours présente en filigrane comme enjeu du partage entre les puissants. Il faut donc chercher à comprendre ce qui l’en distingue.

     

    1-      Deux catégories distinguées par leurs obligations :

    li. 23-26 : les chevaliers sont dispensés du droit de fournage et (c’est sous entendu) de tous ceux décrits ensuite : la distinction sociale entre seigneurs et paysans se fait donc sur ce critère : les paysans sont ceux qui doivent les redevances, tandis que les seigneurs ont des obligations spécifiques décrites dans les lignes qui précèdent.

     

    Quelle différence faire entre ces redevances et ces obligations ?

    ð      les obligations des chevaliers envers leur seigneur sont librement acceptées, puisque le texte est un « accord à l’amiable » (li. 1 et 42). Elles relèvent du système féodal, c'est-à-dire des relations consentie et contractualisée entre détenteurs du pouvoir.

    ð      Les redevances dues par les paysans ne font au contraire l’objet d’aucune transaction. Elles sont un fait acquis, détaillé en tant que tel dans la notice. Elles relèvent di système seigneurial, c’est-à-dire de la domination exercée par les seigneurs sur le reste de la société.

    Il faut donc s’attarder sur l’étude de chacune de ces catégories dont les obligations respectives structurent le texte.

     

     2-      Seigneurie laïque et ecclésiastique :

    li. 51 : « et beaucoup d’autres, moines et laïques » : Le texte fait apparaître deux types de seigneurs :

     

    li. 2 : Bertrand de Saint-Maximin

    li. 3-4 : Rostand et Bertrand de Brômes

    li. 4-5 : Guillaume et Raimond de Saint-Martin

    li. 50-51 : Bertrand d’Esparron, Isnard de Roumoules.

    Ceux de cette première liste ont un titre qui s’attache à leur seigneurie. La distinction entre Saint- Martin et Brômes renvoie à l’existence de deux sites originels. Les trois derniers, qui n’ont pas de titre, doivent être de simples chevaliers sans fief. Leur appartenance à un même groupe est soulignée par l’onomastique, qui dérive directement de celle de la famille comtale (processus d’imitation du prince fréquent, v. Flandre où la majorité des nobles s’appellent Arnoul ou Baudouin).

    Ces personnages sont des seigneurs laïcs, qui se caractérisent par leur appartenance à la chevalerie (li. 3 : les chevaliers de Saint-Martin)..

     

    li. 2-3 : Astorge, abbé de Saint-Victor de Marseille.

    li. 43 : Jean de Cabrerer, prieur d’Esparron, et quelques autres moines.

    Cette seconde liste rassemble des membres de l’ordre monastique (abbé, prieur, moine). Un prieur est le second d’une abbaye, où le chef d’une communauté monastique dépendante d’une abbaye (= un prieuré). Le réseau des prieurés est un moyen de contrôler la gestion des seigneuries appartenant à l’abbaye, surtout quand, comme ici, elles sont relativement éloignées (Saint-Martin est à une cinquantaine de kilomètres de Marseille) : les prieurés d’Esparron et de Saint-Maximin sont autant de relais entre Saint-Victor et Saint-Martin de Brômes : Esparron est à 5 km au sud de Saint-Martin, Saint-Maximin à mi-chemin entre Marseille et Esparron. L’église de Saint-Julien le Montagnier (li. 49), à une 10aine de km au sud d’Esparron, sur la route de Marseille, était sans doute aussi une dépendance de Saint-Victor.

    La seigneurie ecclésiastique est donc collective, car c’est le saint (ici Victor) qui est théoriquement seigneur. L’ensemble de la communauté et des communautés dépendantes gèrent donc les seigneuries en son nom, d’où l’intervention collective, ici, de l’abbé, du prieur et des moines. Cette organisation en réseau permettait aussi une gestion plus efficace, dont témoigne l’existence et la conservation de cartulaires comme celui dont est extrait cet acte.

    Le nom du prieur d’Esparron révèle que les moines sont issus du même milieu aristocratique que les seigneurs laïcs. S’il n’y a pas de différence fondamentale entre seigneurs laïcs et ecclésiastiques, il existe bien, par contre, une compétition entre eux pour le contrôle des revenus et des paysans qui les fournissent.

      

    3-      Des paysans absents du texte mais sans cesse présents en filigrane :

    Les paysans de Saint-Martin de Brômes n’apparaissent pas directement dans le texte. Ils n’ont rien à dire sur le partage des droits seigneuriaux qui pèsent sur eux. Ils ne sont évoqués qu’une fois li. 24 comme « les hommes de Saint-Martin ». Dans le langage  féodal, la forme « homme de… » désigne un dépendant. Cela est confirmé par le fait qu’ils apparaissent comme ceux sur qui les seigneurs ont « des droits » (li. 23 « droit de fournage »).

     

    Quelques informations sur leurs conditions de vie peut-être tirée du texte : les chevaliers sont titrés de deux localités différentes, Saint-Martin et Brômes. Or, le texte évoque un unique village de Saint-Martin de Brômes. L’étude du site révèle qu’il y avait bien à l’origine deux localités de part et d’autre d’une vallée. Leur jonction n’était pas réalisée au XIème siècle, période de fixation des seigneuries, mais l’était en 1182, ce qui témoigne d’un certain dynamisme démographique. Malgré les redevances acquittées, ces villageois devaient donc bénéficier de relativement bonnes conditions de vie, ce qui est confirmé par le fait que des paysans ont des bœufs d’attelage (li. 28).

    Leur présence est également sous entendue par les obligations des chevaliers envers le monastère : ceux-ci doivent « héberger l’abbé deux fois par an et ceux qui l’accompagnent sans limitation de nombre.» (li. 20), le nourrir (li. 56-58) et lui bâtir une « maison d’une élévation de quatre cannes et avec des murs de quatre pans d’épaisseurs » (li. 38-40) = une bâtiment de 8m de haut avec des murs de 2m d’épaisseur. Ca n’est donc pas à proprement parler une maison, mais plutôt une bâtisse seigneuriale destinée à la perception et à la conservation des redevances (= une grange). Il est clair que les chevaliers ne vont pas « construire » eux-mêmes la grange, mais utiliser le travail de leurs paysans pour se faire. De même, le repas offert à l’abbé et à sa suite n’est pas le fruit de leur travail (un chevalier ne travaille pas, au risque de déroger) mais des revenus tirer de la seigneurie.

    Le texte n’envisage donc les paysans que comme une source de revenus et de services pour les seigneurs. La domination de ces derniers, quel que soit leur statut ou leur rang, s’exerce d’abord par l’exercice de droits sur les populations. Il faut donc s’intéresser à la nature de ces droits.

     

    II-                Les revenus de la seigneurie :

    Les revenus de la seigneurie se décomposent en deux grands types de droits que nous allons étudier successivement :

     

    -         li. 16 : « la terre de Saint-Martin » = des droits fonciers qui dérivent de la propriété éminente de la terre qu’ont les seigneurs, qui n’en laissent que l’usage (ou propriété utile) aux paysans.

    -         Li. 24 « le droit de fournage sur les hommes de Saint-Martin » = des droits banaux, qui dérivent du droit de ban et sont des droits sur les hommes (droit de les faire payer en échange d’un service).

     

           1-      Les droits fonciers :

    Le « terroir » de la seigneurie (li. 36 = les terres constituant la propriété foncière des seigneurs) est divisée en deux parties :

     

    -         les tenures, sur lesquelles vivent et travaillent les paysans (= les tenanciers) et pour laquelle ils doivent divers redevances recognitives (= loyer de la terre) : les oublies (li. 29) derrière lesquels on peut reconnaître un prélèvement sur la production céréalière ; « les deux jambes du porc qu’il a nourri » = les jambons, partie la plus fine de la bête = taxe sur l’élevage ; « les quartons de vigne » = taxe sur la production viticole. Ces redevances s’acquittent en nature, à part de fruit (quarton = le quart de la récolte). Il devait en exister d’autres qui ne sont pas détaillés car ils restent entre les mains des chevaliers (organisation des repas pour l’abbé montrent qu’ils avaient plus de revenus que cités ici).

    -         La réserve, que les seigneurs mettent eux-mêmes en valeur. Elle semble être revenue à l’abbaye (« si les moines où leurs clercs cultivent leur terre avec leur propre charrue ») en raison de l’obligation de travail qui  est faite aux moines par la règle. En fait, cette mise en valeur est assurée surtout par les « clercs » (= frères lais, religieux de moindre rang qui ne prononcent que des vœux partiels) et par la corvée exigée des tenanciers, qui est une autre forme de redevance prise sur la force de travail.

    Ces redevances donnent en outre une image de la structure agraire du terroir de Saint-Martin : un ager (plateau et vallée) voué à la culture céréalière (pains, charrue, moulin) et un saltus (sans doute le revers du plateau) consacré à l’élevage porcin et ovin (présence d’un moulin à foulon).

     ð      les droits fonciers sont donc prélevés sur le fruit du travail et sur la force de travail.

     

      

    2-      Les droits banaux :

    La même complémentarité se retrouve dans les droits banaux, qui sont ici plus détaillés, car ils semblent avoir été systématiquement partagés entre les chevaliers et l’abbaye :

     

    -         li. 23 « le droit de fournage » ; li. 34 « le paroir » (moulin à foulon) ; li. 35 « le moulin » : les banalités, droit d’usage des équipements collectifs construits et entretenu par les seigneurs (confirmé par réglementation du droit de construction des moulins, li. 37 : « les chevaliers ne peuvent construire un moulin sans l’autorisation des moines. »). Ceux-ci ont donc un monopole sur ces aménagements et peuvent contraindre, par leur droit de ban, les paysans à les utiliser. Ces revenus doivent être importants car l’accord prévoit des conditions strictes pour que l’un des seigneurs ne puissent en détourner une partie à son seul profit (en édifiant un nouveau moulin, par ex.)

    -         Li. 38-40 : construction d’une « maison » pour les moines. On a déjà vu que ces travaux ne peuvent être exécutés par les chevaliers eux-mêmes => recourt à une autre forme de corvée = corvée banale, journée de travail due par les paysans, normalement pour l’entretient du château ou des ponts. Elle est ici utilisée pour réaliser cet aménagement.

    « le castrum et la terre de Saint-Martin » : Le droit de ban s’exerce sur le territoire de la seigneurie, le « terroir » (li. 32 et 36). Il est constitué du centre du pouvoir seigneurial, le castrum, qui ici n’est pas un château : tout le site de Saint-Martin est fortifié (citadelle) et dominé par une tour où réside les chevaliers. La population y est concentrée (« les habitants actuels du castrum et ceux qui y viendront après », li 30-31) = encellulement, qui favorise le contrôle des paysans par les seigneurs.

     

    Les droits des seigneurs ont donc deux bases, l’une foncière, l’autre banale. Les seconds devaient être les plus rentables, puisque ce sont ceux que les moines et les chevaliers se partagent avec le plus de soins. Reste à comprendre les origines de ce partage.

    III-             Les seigneurs entre eux :

    Le texte jette un éclairage sur les conditions concrètes du partage, les liens existant entre les chevaliers de Saint-Martin et l’abbaye marseillaise, mais reste muet sur les origines de ce partage, qu’il faut donc chercher à élucider.

     

     

             1-      Les conditions de mise en œuvre de l’accord.

    L’accord est issu d’une transaction qui met visiblement fin à une querelle entre les chevaliers de Saint-Martin et l’abbaye Saint-Victor à propos des droits seigneuriaux de Saint-Martin de Brômes. (li. 1 et 42) Cette procédure transactionnelle était la plus efficace dans une société où aucun pouvoir n’avait les moyens de contraindre un seigneur à l’application d’un jugement.

     

    De nombreuses précautions (clauses conservatoires, serment, témoignages, chyrographe et scellement) sont prises pour assurer l’exécution de l’accord, qui est conclu symboliquement dans un lieu placé entre Saint-Martin et Marseille (Saint-Julien est à une quinzaine de km de Saint-Martin, et à une trentaine de km de Marseille), même si le rapport des serments montre que l’abbé, bien que cité dans les titulatures, ne s’est pas déplacé mais s’est fait représenté par le prieur d’Esparron.

    L’accord se fait à part égale pour les redevances foncières. (li. 26-27 ; li. 29-30 et 32-33), à la nuance vue plus haut. Par contre, les droits banaux reviennent majoritairement aux moines qui s’attribuent seuls le four et le paroir et réglemente l’établissement de nouveaux moulins afin de préserver leurs revenus. Ils détournent en outre une partie des droits des chevaliers (corvée de construction) à leur profit et bénéficie de droits à l’égard de ces mêmes chevaliers, détaillés des lignes 4 à 23.

    Comment expliquer ce déséquilibre entre les deux partenaires ?

     

    2-      Des chevaliers vassaux d’une abbaye.

    Le début du dispositif (li. 4 à 6) apporte une explication simple : les chevaliers sont vassaux (« hommage et fidélité ») du monastère marseillais, dont ils tiennent le castrum de Saint-Martin en fief (« chevaliers fieffés »). Ils tiennent donc le castrum (symbole du ban) de l’abbé, qui est leur seigneur au sens féodal/suzerain (li. 8). (ATTENTION !!!!!! ambiguïté du terme seigneur). Comme dans toute convention féodale, la suite détaille donc les obligations des vassaux envers leur seigneur en insistant sur l’auxilium militaire (« aide et force », li. 9), ce qui peut être relié à leur statut de chevalier, qui ont donc d’abord une mission de protection des biens de leur seigneur :

     

    -         assistance en cas de guerre (guerres féodales fréquentes dans ce comté où les pouvoirs englobants sont faibles et lointains) ou de plaid (procès, c’est-à-dire témoigner ou prêter serment) (li. 10-11) = concilium et auxilium,  avec précision « aux frais du monastère » : les chevaliers sont de petits seigneurs dont les moyens ne suffisent plus à couvrir de tels frais, ce qui témoigne aussi de l’augmentation du coût de l’équipement guerrier, en constante amélioration. Cette obligation est complétée par celle de se livrer comme otage pour l’abbé (, qui en est le corollaire (otages = garantie dans les traités de paix et les procès).

    -         Devoir d’hébergement et de remise du castrum : v. convention catalane.

    En retour, le seigneur a lui aussi des obligations (li. 14-18) : garantir leur fief (« le castrum et la terre de Saint-Martin ») à leurs vassaux et leur prêter assistance en cas de besoin (« défenseur »).

    Une nouveauté par rapport à 1065 : li. 11-14 : cas d’un conflit ou d’un procès dans lesquels les chevaliers ne peuvent intervenir auprès de l’abbaye => signifie que ces événements opposeraient les moines à leur autre seigneur : les chevaliers ont donc plusieurs suzerains. En fait, sans doute deux : l’abbaye Saint-Victor et le comte de Saint-Maximin. Or les termes du serment de vassalité ne stipule pas d’hommage lige. C’est donc le comte qui est leur seigneur lige : en cas de querelle entre Saint-Victor et Bertrand de Saint-Maximin, ils doivent donc se ranger aux côtés du second. Dans ce cas, très logiquement, ils doivent restituer le castrum aux moines, c’est-à-dire le fief, puisqu’il est ensuite fait mention de « leurs biens », c’est-à-dire leurs revenus seigneuriaux, qui doivent leur être restitués ensuite.

    Quelle est l’origine de cet hommage contesté entre l’abbaye et le comte ?

                3-      Restitution de fief et réorganisation du système seigneurial.

     

    Hypothèse la plus probable : les chevaliers de Saint-Martin sont des vassaux fieffés de Bertrand de Saint-Maximin. Celui-ci leur a donné le fief de Saint-Martin de Brômes que ses ancêtres avaient accaparé au dépend de Saint-Victor. Sous la pression des moines, il a été contraint de restituer le fief à l’abbaye, mais sous la garantie que ses vassaux le conserveraient. Il faut donc partager les revenus entre les chevaliers, qui en disposaient intégralement auparavant, et l’abbaye, représentée par le prieuré d’Esparron, qui selon la pratique courante dans les seigneuries ecclésiastiques, entend récupérer une partie de ces revenus pour l’entretien des moines. La nouveauté de la présence des moines à Saint-Martin est confirmée par le fait qu’ils n’y possèdent pas encore de grange, puisqu’elle doit être édifiée par les chevaliers (li. 38-40).

    => cartulaire garde trace d’un prieuré de Saint-Victor qui existait en 1038 (restauration du prieuré d’Esparron) et d’un  legs des seigneurs de Saint-Martin en faveur de Saint-Victor en 1042, mais la succession a été longtemps contestée par les héritiers et par les comtes de Saint-Maximin et le prieuré n’apparaît plus jusqu’au début du XIIIème siècle. Le texte témoigne donc visiblement de la résolution d’un conflit vieux de plus d’un siècle.

     Conclusion :

    A l’issue de cette étude, il apparaît donc bien que système féodal et seigneurial étaient intimement liés, puisque les seigneurs tiraient des paysans les revenus qui leur permettaient de tenir leur rang. Liés par une incontestable solidarité d’ordre face aux paysans, ils étaient cependant divisés par les problèmes liés au partage des redevances seigneuriales. Pour les seigneurs, les paysans étaient donc d’abord un enjeu économique essentiel. Et ils n’hésitaient pas à édifier des équipements qui, tout en améliorant leurs conditions de vie, contribuaient à accroître les profits de leur seigneur. Les rares éléments du texte qui permettent d’appréhender le quotidien des paysans montre néanmoins qu’ils tiraient eux aussi des avantages de ce système qui malgré la domination qu’il exerçait sur eux, leur garantissait des conditions de vie stables.

     

     

     

     

     

     






    Seigneurie et croissance dans les campagnes

    24/03/2007 00:16

    Seigneurie et croissance dans les campagnes


    Le travail des champs : le hersage, miniature d'un livre d'heures, XIIIème siècle. Observez l'usage du cheval, plus puissant que le boeuf, attelé à l'aide d'un collier d'épaule qui limite l'étranglement de l'animal. L'usage de la herse, qui permet de briser les mottes de terre soulevées par la charrue, afin d'aléger les sols, est également une inovation des temps féodaux.

    Sujet en « et » = rapport dynamique

    Définition des termes : seigneurie / système seigneurial : forme de domination globale (la seigneurie est à la fois foncière, banale et justicière) qui se caractérise par des prélèvements exercés sur le fruit du travail et sur la force de travail. La seigneurie est le cadre de vie normal des habitants d’Europe occidentale du XIème au XVème siècle au moins.

    Croissance : notion économique = la croissance est l’augmentation cumulative de la richesse globale produite. En économie moderne, elle se mesure par le taux annuel d’accroissement du PIB. Aux périodes plus anciennes, où les mesures statistiques sont délicates, elle s’évalue par rapport à divers éléments de contexte (niveau des prix, valeur de la monnaie, estimation de la production => sur ce point, l’étude de la seigneurie est étroitement liée à celle de la croissance au MA, car cette estimation est permise par les listes de revenus seigneuriaux).

    Campagnes : tout ce qui n’est pas la ville. Au MA, la définition de la ville est plutôt fonctionnelle (présence d’un évêché, d’une municipalité, organisation de foires, présence de murailles) que démographique (des sites considérés comme des villes au XIIème siècle rassemblaient au plus 1 millier d’habitant). Avec le mouvement d’émancipation urbaine du XIIème siècle, la différence se creuse entre des villes vouées au commerce et à l’artisanat spécialisé dont les conseils municipaux sont les seigneurs collectifs (sauf à Paris) et les campagnes vouées à l’agriculture et à l’artisanat quotidien, dans lesquelles la seigneurie reste le cadre quotidien.

    Pbme des bornes chronologiques non précisées : début = mise en place du système seigneurial autour de l’an 1000 => fin = crise de croissance du système seigneurial fin XIIIème – début XIVème siècles = crise économique + moteur de la croissance passe dans les villes.

    Pbic : pourquoi la croissance économique de l’Europe prend-elle un premier essor entre les XIème et XIIIème siècle, à l’époque où le système seigneurial est florissant ? Ce qui revient à se demander quel lien existait entre croissance et seigneurie : la croissance est-elle le fruit d’une accumulation seigneuriale ? ou la seigneurie bénéficie-t-elle de la croissance sans rien avoir à faire avec elle ? => la seigneurie porte la croissance, puis la croissance accompagne l’âge d’or des seigneuries.

     

    Plan :

      

    I-                   Seigneurs et Paysans : le système seigneurial.

    1-      La seigneurie foncière, banale et justicière :

     

     Seigneurie = d’abord un ensemble de revenus tirés d’une terre (revenus fonciers = le seigneur est propriétaire de la terre de la seigneurie dont il tire des droits d’usages) et des hommes (revenus banaux = le seigneur possède le droit de ban sur sa seigneurie, dont il tire des droits de contrainte, et dont dérive le droit de justice, basse, moyenne ou haute selon son rang). C’est l’ultime étape de l’évolution du grand domaine carolingien classique sur lequel les seigneurs ont progressivement accaparé l’autorité publique.

    Une seigneurie peut être foncière et banale ou simplement l’une ou l’autre (partage des droits entre plusieurs seigneurs => texte, seigneuries tenues en fief du roi ou le vassal n’a que les droits fonciers => prévôts et baillis).

    Le seigneur peut être un laïque, un évêque, une communauté religieuse, une collectivité (conseil municipal). Dans les deux derniers cas, on parle de seigneurie collective.

    Le seigneur exerce donc une double domination sur les paysans de sa seigneurie, en tant que propriétaire terrien et en temps que chef politique de la communauté villageoise.

     

    2-      Des revenus diversifiés pesant de façon inégale sur les communautés villageoises :

    Cette double domination s’exprime par une série d’obligations des paysans envers leurs seigneurs qui prennent essentiellement la forme de prélèvements sur la force et le fruit du travail. Ces prélèvements sont également fonction du statut des paysans qui peuvent être des serfs (attachés à la terre) ou des vilains (paysans libres de se déplacer).

    Prélèvements fonciers : La seigneurie foncière se divise en deux parties qui régissent deux types de prélèvements :

    -         Les tenures (cultivées en faire-valoir indirect par les paysans) : le cens recognitif (héritage carolingien = loyer de la terre) ils se payent en général à part de fruit (champard, décime, dixième…). Cependant, la croissance dans les campagnes se traduit par leur conversion progressive, à partir de la deuxième moitié du XIIème siècle, en prélèvements monétarisés, qui montre que les paysans peuvent vendre leurs surplus pour se procurer de l’argent.

    -         La réserve (mise en valeur en faire-valoir direct par le seigneur) : les corvées (journées de travail sur la réserve seigneuriale) qui sont plus nombreuses pour les serfs que pour les vilains. De plus, à partir du XIIIème siècle, les seconds les « rachètent » (ils payent une taxe supplémentaires pour ne pas les faire).

    Prélèvements banaux : Ils correspondent à divers droits de contrainte que les seigneurs peuvent exercer sur les paysans :

    -         Les coutumes : droits hérités du ban carolingien qui autorisent le seigneur à exiger divers « services » des paysans : le gîte et le couvert (rachetés sous forme de taxe), les droits et amendes de justice, les frais d’entretient du château et de sa garnison, la taille (impôt par tête), les taxes sur le commerce et l’utilisation des voies de communication (tonlieux et octrois).

    -         Les exactions : nouveaux prélèvements imposés par la force par les seigneurs au moment de la révolution châtelaine du XIème siècle en échange de leur protection = banalités ou droits d’usage des équipements collectifs (moulin, pressoir, four…) + divers droits pesant sur la circulation dans la seigneurie (taxe sur la poussière levée, droit de quitter la seigneurie), les ventes et mutations (mainmorte et droits de succession), les mariages (légende du droit de cuissage), l’exploitation des mines, le pillage des épaves…

    -         Le chevage, taxe personnelle due par les serfs en marque de leur statut.

    Autres prélèvements : Ils correspondent surtout aux dîmes et prémices accaparées au dépend de l’Église au XIème siècle, et que les seigneurs doivent rendre au début du siècle suivant. Les seigneurs vassaux directs d’un souverain lèvent aussi l’impôt royal (capitation, taille royale) dont ils conservent une partie à titre de rémunération.

    3-      Un rôle structurant dans les sociétés médiévales :

    Néanmoins, une seigneurie qui n’aurait été qu’une structure d’exploitation et de domination n’aurait pu se maintenir durablement. On connaît des exemples de révolte de paysans qui s’estimaient mal traités par leur seigneur :

    -         Vers 1160, les serfs de Saint-Denis se révoltent pour exiger le droit de se marier sans l’accord de l’abbé.

    -         Vers 1180, les paysans d’Ardres se révoltent pour protester contre la création de nouvelles exactions par le comte Arnoul V de Guînes, qui doit finalement reculer.

    Les paysans acceptaient donc la seigneurie dans la mesure où elle leur apporte un cadre structuré et où le seigneur remplis ses devoirs de protection envers eux sans abuser de son pouvoir. Á partir du XIème siècle, la seigneurie châtelaine et son corollaire, l’encellulement, induit en effet de profondes modifications, souvent positives, dans le cadre de vie des communautés paysannes.

    -         la fixation et l’organisation de l’habitat : les villages, encore très mobiles à l’ère carolingienne, se fixe sur un lieu unique, choisi avec soin pour ses qualités défensives et à l’écart des risques naturels. En son centre, le château, l’église paroissiale et le cimetière qui l’entoure deviennent les symboles de son identité. L’Église utilise le maillage seigneurial pour établir le réseau des paroisses. Ce village restera la cadre de vie quotidien de la majorité des Européens jusqu’à la Révolution Industrielle. Fixée et protégée, les populations peuvent investir à long terme, ce qui favorise le développement. En outre, cela crée des solidarités villageoises qui favorisent des pratiques culturales plus complexes (assolement triennal, culture commerciale de la vigne) et la généralisation de l’élevage de bouche (prés communaux, service de garde collective).

    -         La création et l’organisation des marchés, qui forment des réseaux commerciaux aboutissant dans les grandes foires urbaines, ce qui permet aux paysans d’écouler leurs surplus et de se procurer des produits artisanaux plus élaborés.

    -         La mise en place d’équipements collectifs (moulins, pressoirs, ponts…) qui facilitent la vie des populations et favorisent l’essor de la production et du commerce.

    -         Les effets induits du mode de vie seigneurial : la consommation somptuaire des seigneurs ne se suffit souvent pas des prélèvements fonciers. Les premiers clients des paysans pour leurs surplus sont donc souvent leurs seigneurs. En outre, cette surconsommation exige le développement d’activités artisanales (tissage, poterie, tonnellerie, métallurgie) que les paysans peuvent également utiliser. L’afflux de métal provoqué dans les campagnes par les besoins de l’équipement militaire s’accompagne d’un essor de l’outillage en fer (refonte des armes usagées ?).

     Conclusion partielle : La seigneurie peut apparaître dans un premier temps comme une forme de domination sans partage du seigneur sur ses paysans, s’exprimant sous la forme de prélèvements lourds ruinant leurs efforts de production. Mais le système fonctionnait car les paysans y trouvaient aussi intérêt : ces prélèvements restaient assez légers pour qu’ils disposassent de surplus à revendre sur des marchés stimulés par la consommation somptuaire des seigneurs, et ceux-ci leur offraient en contrepartie des équipements collectifs et un cadre e vie propices à l’amélioration de leur cadre de vie. C’est ce cercle vertueux de croissance permise par le réinvestissement des revenus seigneuriaux qui explique le succès de la seigneurie et son lien avec la croissance économique. 

     

    II-                Croissance et compromis dans les campagnes de l’âge féodal (XIème – XIIème siècles).

    Cette image idyllique n’est pourtant pas vraie du début à la fin de la période envisagée. La mise en place de la seigneurie s’est souvent fait dans un contexte violent, les nouveaux maîtres exigeant une soumission totale de leurs sujets. La survie du système exigeait néanmoins des compromis qui garantiraient la pérennité de la croissance alors amorcée.

    1-      Accumulation primaire et stimulation de la production :

    Le premier âge féodal (XIème siècle) est marqué par une extrême violence des chevaliers à l’égard des populations civiles, qui s’explique en particulier par la multiplication des guerres privées dans le cadre de seigneuries aux limites encore mal définies. Cela explique paradoxalement le succès des seigneurs, seuls à même de protéger le peuple de la violence qu’ils généraient eux-mêmes.

    Néanmoins, la Paix de Dieu permet de contenir cette violence qui s’exerce surtout à partir des années 1020, par des voies « légales », en particulier par la multiplication des exactions. En quête permanente de nouveaux revenus pour financer leurs activités guerrières, les seigneurs font alors pesé semble-t-il (on a pas de sources comptables sur cette période, mais surtout des impressions données par des auteurs ecclésiastiques impliqués dans la Paix de Dieu) une lourde pression fiscale sur les populations (peut-être jusqu’à 50% des récoltes). Pour survivre, les paysans n’ont d’autre choix que d’accroître leur production, ce qui se ne peut alors se faire que par le défrichage de nouvelles terres en marges des terroirs (essartage). Ce mouvement de défrichement est accéléré par la fuite de certaines communautés qui s’installent à l’écart des seigneuries avant d’être rattrapées par elle. Ce premier essor est favorisé par le réchauffement du climat qui avait débuté au VIIIème siècle et s’accélère alors.

          Les principaux bénéficiaires de l’accroissement de la production sont alors les seigneurs, qui réinvestissent leurs revenus dans des biens militaires (armes, châteaux) et en thésaurisent une grande partie dans le nouveau symbole de leur pouvoir, le donjon, en prévision de difficultés à venir (paiement de rançon en particulier). Le trésor est alors un élément essentiel de leur pouvoir.

    2-      Pacification de la société et premier essor :

    L’œuvre de pacification menée par l’Église aboutit à son terme au tournant des XIème et XIIème siècles, favorisée par

    -         les Croisades, qui détourne la violence des chevaliers vers l’extérieur, mais joue aussi un rôle dans l’amélioration des techniques culturales.

     Ex. : rôle des seigneurs revenant de la croisade ou de la reconquista avec des techniques ou des productions nouvelles (moulins à vent, collier d’épaule, irrigation, abricot, procédés de sélection des espèces, d’abord utilisés pour les chevaux…).

    -         la structuration interne du système féodal qui permet l’apaisement des conflits privés => deuxième âge féodal (XIIème-XIIIème siècle), marqué par une phase de croissance marquée de l’économie rurale occidentale qui entraîne un développement généralisé + optimum climatique (le « beau XIIème siècle »).

    Les communautés villageoises sont désormais protégées de la violence des seigneurs ou par l’intervention des suzerains contre les sires trop violents (en 1108, Louis VI punit son vassal Guy de Coucy, qui multipliait pillages et exactions contre ses paysans), ou par leur propre modération. Les seigneurs comprennent en effet qu’ils ont intérêt à ménager leurs dépendants s’ils veulent préserver leurs revenus. Les revenus thésaurisés, devenus inutiles ou excédentaires, sont réinvestis dans l’équipement productif. L’apparition d’outils de gestion (terriers = liste de revenus seigneuriaux, plans de culture des réserves, chartriers et cartulaires) améliorent le rendement de l’exploitation seigneuriale. En outre, le taux de prélèvement est resté stable alors que la production a constamment augmentée depuis l’an mil => les prélèvements seigneuriaux pèsent moins sur les paysans, ce qui leur laisse d’avantage de surplus à consommer ou à écouler pour améliorer leur quotidien. Cette amélioration de la vie paysanne se traduit en particulier par la généralisation de la charrue à soc métallique, qui montre que les revenus des cultivateurs d’accroissent.

                Cet essor économique débute d’abord en Aquitaine et dans le domaine Plantagenêt, où la pacification est plus précoce (sauveterres = villages protégés par la Paix de Dieu, prospères car à l’abris de toute attaque) et les revenus thésaurisés plus importants. Il gagne ensuite le reste de l’Europe occidentale.

     

    3-      Villes neuves et contractualisation de la domination seigneuriale à la fin du XIIème siècle :

    Une marque de cet croissance est l’accroissement démographique qui entraîne, entre 1150 et 1250, la généralisation des essartages et la fondation de villes neuves (qui sont en fait des villages) et bastides (sud de la France). Le mouvement de défrichement, d’abord spontané, est encadré par les seigneurs, dont les revenus permettent de lui donner plus de poids et de moyens.

    Ex. : fondation de la villa nova de Vaucresson par Suger de Saint-Denis (1145) : création ex nihilo, dans un terrain forestier et marécageux, d’une nouvelle communauté villageoise, avec une église, un cimetière, une grande seigneuriale et toutes les commodités nécessaires. Les paysans qui acceptent de s’y installer sont exemptés d’une grande partie des taxes seigneuriales pour 10 ans, le temps de défricher et drainer les terres. Ils payent ensuite des redevances moindres.

    ð                 les seigneurs ont des moyens qui leur permettent de créer de toute pièce des nouvelles communautés et d’y attirer des hommes, parfois aux dépends des autres seigneurs, par des avantages matériels et financiers.

    ð                 Traduit un phénomène typique des périodes de croissance : malgré l’essor démographique, les hommes restent trop rares par rapport aux besoins de main d’œuvre => paysans peuvent poser leurs conditions

    ð                 Mouvement de contractualisation du système féodal : les villes neuves ont une charte de fondation qui détaille les obligations des seigneurs et des paysans. Ce système se généralise aux vieilles communautés à partir de1160 : les chartes de coutumes (coutume de Lorris, 1155).

    Par ce mouvement, les seigneurs doivent renoncer à une partie de leurs redevances. Certains affranchissent même leurs serfs. Mais ils peuvent se le permettre, car la croissance assure mécaniquement une hausse constante de leurs revenus.

     

    => Au fil du XIIème siècle, la pression seigneuriale s’allège, ce qui n’empêche pas les revenus seigneuriaux de croître en raison de l’augmentation constante de la production favorisée par l’accroissement des terres cultivées, mais aussi, désormais, par l’amélioration des techniques culturales favorisée par les seigneurs.

                  III-             Temps d’équilibre, temps de rupture (XIIIème – début XIVème siècle).

    La forte croissance du XIIème siècle permet donc un compromis entre les intérêts des seigneurs et ceux des paysans, chaque catégorie tirant profit, selon sa position et ses besoins, de l’essor économique. Le début du XIIIème siècle voit le recul et même la quasi-disparition des grandes famines et épidémies, ce qui marque une amélioration globale des conditions de vie dans les campagnes. Pourtant, ce délicat équilibre devait être remis en question par sa dynamique même.

    1-      Un monde plein :

    La croissance cumulative depuis le XIème siècle donne pleinement ses fruits au XIIIème, ce qui se traduit notamment par un pic de croissance démographique et par la reprise des frappes monétaires or (sou de saint Louis). Le mouvement des défrichements atteint néanmoins ses limites : vers 1250, 80% des terres françaises sont cultivées, soit plus qu’aujourd’hui. Or, les moyens techniques ne permettent pas encore, sauf dans de rares zones (Flandre, Italie du Nord) une intensification. L’essor des siècles précédents avait essentiellement reposé sur une extensification, qui devient impossible une fois tous les sols mis en valeur. Á partir de 1250, on assiste même à un recul de la SAU en raison de l’érosion (en particulier dans le Sud de l’Europe).

    L’essor démographique, qui avait été absorbé par les créations de nouveaux villages, ne trouve plus à s’employer. On voit réapparaître crises alimentaires et épidémies. Certains villages créés au début du XIIIème siècle sont ensuite désertés en raison de la peste (en particulier en terre germanique).

    Le trop plein d’hommes offre une main d’œuvre pléthorique qui peine à s’employer. La crise agraire devient économique : sur-inflation, dépréciation de la monnaie. La rente seigneuriale, qui est désormais presque entièrement monétarisée, s’érode. Les seigneurs doivent donc à nouveau accroître les prélèvements pour maintenir leurs revenus, tandis que les paysans, qui ne peuvent plus jouer sur la rareté de la main d’œuvre pour changer de seigneur, sont contraints d’accepter. Cette crise se traduit par des contestations qui prennent surtout une forme religieuse (hérésies : cathares, vaudois ; mouvements de pauvreté volontaire). Les seigneurs sont en effet concurrencés par de nouvelles structures et par les villes.

     

     2-      L’apparition de nouveaux modèles et la crise de la seigneurie châtelaine :

    La seigneurie châtelaine entre donc en crise dans la deuxième moitié du XIIIème siècle, ce que traduit la multiplication des contestations et procédures entre seigneur à propos des partages de droit sur les nouvelles communautés

    Ex. 1 : charte de fondation de Villers-Brûlin, première moitié XIIIème siècle, avec strict partage des revenus entre le sire de Villers, la paroisse et le suzerain, le comte de Saint-Pol).

    Ex. 2 : charte de partage des droits seigneuriaux entre le comte Thibaut de Champagne et l’archevêque de Sens (vers 1250).

    Si elle survit formellement jusqu’en 1789, elle se vide progressivement de sa substance en raison :

    -         Du renouveau du pouvoir royal qui prive les seigneurs d’une partie de leurs revenus banaux et de justice. En outre, les seigneuries royales bénéficient de la plus grande richesse de leur seigneur, les redevances y restent inférieures. Elles sont les seules à continuer à attirer les populations après 1250.

    -         De l’apparition de nouveaux modèles qui contestent la structure même du système féodal : les cisterciens ou les ordres mendiants refusent les seigneuries. Quand leurs terres deviennent trop vastes pour être cultivés par les seules moines, il engagent des cultivateurs salariés, ou les donnent en ferme (location moderne).

    -         La croissance économique a introduit des distinctions croissantes dans les communautés villageoises. On voit apparaître une classe de gros paysans qui sont toujours théoriquement dépendants des seigneurs, mais qui ont les moyens de payer d’énormes sommes aux seigneurs pour racheter toutes les redevances dues. Ces rachats sont un moyen de combler ponctuellement le trésor seigneurial, mais constituent une perte à long terme pour les sires : seuls les paysans les plus pauvres, donc ceux qui payent le moins, continuent à acquitter l’ensemble des redevances.

    Malgré les apparences, les paysans ont donc des alternatives au système seigneurial. Ils peuvent en outre choisir de quitter les campagnes pour gagner les villes, où naît un nouveau dynamisme.

     

     3-      Et le dynamisme passa en ville …

    Celui-ci est le fruit de la croissance des campagnes, dont la majeure partie des fruits ont abouti, via les réseaux commerciaux, en ville. Nourries de l’essor rural, celles-ci prennent donc le dessus au XIIIème siècle. L’agriculture, activité fondamentale au XIème siècle, passe au second plan derrière l’artisanat. La ville, qui s’était dégagée du carcan seigneurial au XIIème siècle, devient donc l’espace de la liberté, du dynamisme, de l’innovation. La ville est également un espace du salariat, institution étrangère au monde seigneurial.

    La seigneurie, intimement liée, dès lors, au monde des campagnes, entre en crise avec lui au début du XIVème siècle. Après avoir accompagné la croissance rurale et avoir été portée par elle, elle subit de plein fouet le retournement de la conjoncture.

     L’entrée en crise simultanée des campagnes et de la seigneurie après 1250 montre bien que la croissance rurale avait un lien étroit avec le système châtelain, mais aussi qu’au XIIIème siècle, c’étaient la prospérité des sires qui était devenue dépendante du dynamisme agricole.

     Conclusion :

    L’essor continu de la production agricole entre le XIème et le XIIIème siècle a généré un cercle vertueux qui provoque essor démographique, hausse de la demande et développement du commerce et de l’artisanat. Or, la seigneurie était le cadre fondamental des populations rurales et elle constitue un facteur d’explication fort de cette croissance au côté d’autres éléments de contexte tels que l’ouverture sur le monde ou l’optimal climatique du XIIème siècle. Système d’encadrement proche des populations, elle était la mieux à même de la favoriser par un partage d’intérêts bien compris entre seigneurs et paysans. En outre, la demande en produits alimentaires, de luxe ou d’armement des seigneurs constitue un facteur de décollage économique : loin de thésauriser leurs revenus, les sires les réinvestissent massivement dans l’amélioration de l’outil productif, ce qui leur permet d’améliorer encore leur rente foncière, mais également dans d’autres activités dont ils favorisent le développement, tels que les divers artisanats ou l’établissement de réseaux routiers et marchands qui améliorent leurs revenus banaux. Dans un deuxième temps, les seigneurs tirent donc profit de la croissance pour améliorer leurs propres revenus et asseoir leur domination (meilleur armement, châteaux plus puissants, …). Mais les revenus de cet essor aboutissent majoritairement chez les spécialistes du commerce et de l’artisanat qui résident et travaillent en ville. Á partir du XIVème siècle, c’est donc dans ces villes, libérées de la tutelle seigneuriale, que passe la croissance, tandis que la seigneurie, minée par l’inflation qui ronge la rente foncière, est mise à mal par le renouveau des pouvoirs englobants.



    Commentaire de loops95 (26/01/2008 17:42) :

    ?????????????????????





    La Germanie des Ottoniens

    12/03/2007 01:52

    La Germanie des Ottoniens


    Illustration : en haut : l'empereur Otton Ier reçoit l'hommage des nations Roma, Germania, Gallia et Sclavinia (Ms. de Munich, vers 960)

    en bas : Diplôme de constitution de dot pour l'impératrice Théophano, épouse de l'empereur

    Otton II (963). Original sur vélin d'agneau teint en pourpre. Texte rédigé à l'encre d'or.

    Sujet piège : il ne s’agit surtout pas de faire l’histoire de la dynastie ottonienne, mais de parler de son action en Germanie, en se concentrant donc d’abord sur sa situation et ses structures dans cette période et sur les évolutions qu’y ont apporté les Ottoniens.

     

     

    Introduction :

     

     

    -         La Germanie d’Arnoul de Carinthie à Henri Ier : malgré l’apparente restauration royale opérée par Arnoul entre 888 et 899, sa mort prématurée laisse le royaume aux mains d’un enfant, Louis IV, de plus contesté par son autre fils, roi de Lorraine. C’est dans ce contexte qu’à partir de 907, les Hongrois déferlent sur la Germanie, y menant chaque année des raids dévastateurs. Comme en Francie occidentale, le pouvoir passe aux mains des princes qui, localement, organisent la résistance. Et à la mort de Louis, la royauté devient l’objet de tractations entre les ducs. Conrad Ier (911-919) est un roi faible qui n’exerce guère son autorité au-delà de son duché de Franconie. Il ne doit son élection qu’à la prééminence de la Franconie, ancienne Austrasie, dans ce qui reste le royaume de Francie orientale, et ne doit qu’aux déboires intérieurs de Charles le Simple de ne pas perdre la Lorraine. A sa mort, le royaume de Francie orientale apparaît éclaté, divisé en grands duchés quasi-autonomes constitués par les anciens regna carolingiens.

     

     

    -         L’élection de son successeur marque un basculement historique du centre de gravité du royaume : alors que depuis Louis le Germanique, les rois francs avaient gouvernés en s’appuyant sur l’Austrasie, la Bavière et l’Alémanie (Sud), le nouveau roi, Henri Ier, est un Saxon, qui plus est descendant de Widukind, qui s’appuie sur les principautés du Nord. Elus par les seuls Saxons, Thuringiens et Francs, il n’est pas reconnu par les ducs du Sud, et doit se battre 4 ans pour s’imposer. Pourtant, il est à l’origine d’une dynastie qui gouvernera la Germanie pendant plus d’un siècle. Plus encore, son propre règne (919-936) et ceux de ses héritiers Otton Ier (936-973), Otton II (973-983), Otton III (983-1002) et Henri II (1002-1024) marquera l’apogée médiéval d’un royaume dont les souverains sont, à partir de 962, empereurs, et qui est le plus puissant d’Europe.

     

     

    -         Pourtant, l’identité de cette dynastie et celle du royaume qu’elle a gouverné restent problématiques : Saxons, anti-Carolingiens, les Ottoniens n’en continuent pas moins à porter le vieux titre de rex Francorum. Plus encore, ils osent ce que les Carolingiens n’avaient osé : s’intituler imperator Francorum. Le royaume qu’il gouverne fut toujours, dans leurs actes officiels, la Francie orientale. Mais dans les sources narratives contemporaines, les historiens l’appellent Germanie, vieux nom issu de la géographie antique, et dont on a du mal à percevoir ce qu’elle recouvre exactement : certains la limite aux terres à l’Est du Rhin, en excluant la Lorraine, d’autres en excluent même la Franconie « franque », tandis que d’autres en font un strict synonyme de Francie orientale, le royaume de Louis « le Germanique ». De plus, il faut attendre le règne d’Henri II pour que cette Germanie soit véritablement au cœur des préoccupations des Ottoniens : jusque vers 955, ils s’intéressent d’abord et avant tout à leur principauté de Saxe, ce qui vaut à leur dynastie l’autre nom de dynastie « saxonne ». De 962 à 1002, la Germanie n’est ensuite plus qu’une province d’un empire aux prétentions de plus en plus universelles. 

     

     

    -         Connus essentiellement par des écrits écrit après 950, à la cours de3 Ottons et d’Henri II,

     

     

    Problématique :

     

     

    Pourquoi les Ottoniens parvinrent-ils à restaurer, en Francie orientale, un Etat central qui s’effritait alors dans le reste de l’Europe ? Et pourquoi une dynastie aussi puissante s’effondra-t-elle en quelques décennies, entraînant la chute du système politique qu’elle avait institué ? => conduit à mettre en valeur la pratique très personnalisée du pouvoir des Ottoniens, qui contenait en germe la ruine d’un système qui s’effrite dès avant 1024, et la façon dont ils ont su compenser par une mise en scène grandiose de leur puissance, qui est à la source d’un véritable « mythe ottonien » fondateur de l’identité allemande.

     

     

     

     

     

    I-                   La Germanie des Ottoniens :

     

     

     

     

    A-     Une identité mouvante :

     

     

    -         La Germanie est d’abord le royaume de Louis le Germanique, c’est-à-dire la Francie orientale, à l’Est du Rhin, accrue en 870 de l’Est du royaume de Lothaire (= Lorraine) puis en 882 de la partie de la Lorraine qui était revenue à Charles le Chauve. Néanmoins, la Lorraine occidentale restera revendiquée par les Carolingiens occidentaux jusqu’à leur disparition, ce qui crée un foyer d’insécurité permanente sur la frontière est du royaume => intervention en Francie occ.

     

     

    -         Néanmoins, dès le règne de LG et de ses héritiers, la Germanie s’est accrue à l’Est de terres slaves qui ont été partiellement christianisée et « germanisée ». Les Ottoniens les transforment en margraviats qui affaiblissent le pouvoir de leurs grands rivaux, comme le margraviat de Carinthie (future Autriche) détachée de la Bavière en 1003, où leurs permettent de placer les branches cadettes de la famille (margraviats saxons). De plus, ils poursuivent et accroissent ce mouvement de conquête : c’est le début du Drang nach Osten (ruée vers l’Est), qui leur permet de souder autour d’eux l’aristocratie germanique, en particulier du nord du royaume.

     

     

    -         Utiliser un tel facteur de solidarité était essentiel, car la Germanie n’est pas un pays, mais un agrégat de peuples, ayant en commun une langue (le Tudesque), mais qui gardent leur nom et leur traditions. Dans l’un des rares actes où il ne prend pas le titre de rex Francorum, Otton s’intitule ainsi rex Francorum, Saxonum, Thuringiorum, Alamannorum et Baiuvariorum sive totius populorum Germaniae. Il n’y a pas de populus germanicus, et les traditions juridiques continuent à dicter la division en grandes entités fondamentales : les duchés.

     

     

     

     

     

    B-     Regna, duchés, margraviat :

     

     

    -         Duché et regnum sont quasiment synonymes : les duchés sont en fait les anciens regna carolingiens qui avec la décomposition du pouvoir royal sous Louis l’Enfant, sont passés aux mains des grands. La Germanie se divise classiquement en 5 duchés : Franconie, Saxe, Thuringe, Souabe, Bavière. S’y ajoutent les deux duchés issus de la décomposition de la Lotharingie : Haute- et Basse-Lorraine. La Thuringe, bien que classée parmi les duchés, est un margraviat, et elle est en réalité placée dans l’étroite dépendance de la Saxe.

     

     

    -         Au début du Xème siècle, la Germanie connaît une évolution // à celle de la Francie occ. : les ducs et margraves accaparent les droits publics et gouvernent leurs principautés de façon autonome. Parmi eux, un se distingue par l’efficacité de son gouvernement qui lui permet d’en faire une solide base de pouvoir : Henri de Saxe. Devenu roi, il se contente de réaffirmer son pouvoir sur la Thuringe, s’associant les autres ducs par une formule souple : l’amicitia. Relation réciproque et égalitaire, elle permet une grande variété d’accords : l’amicitia avec le duc de Franconie est en fait une mise sous tutelle, tandis que celles qui le lient au duc de Lorraine est une véritable alliance. Avec les ducs méridionaux (Souabe et Bavière), rétifs à son autorité, les amicitiae sont de véritables traités internationaux  qui préservent leur indépendance contre un droit de regard du roi sur les nominations épiscopales.

     

     

    -         Otton Ier rompt avec cette pratique en réaffirmant avec vigueur la prééminence du roi. Affrontant une série de révoltes, il déposent, exilent ou condamnent à mort les ducs de Franconie, de Souabe et de Lorraine, et les remplace par des membres de sa famille. Il profite de la vacance du duché de Bavière pour y placer son frère. La Lorraine rebelle est divisée en deux. Il n’hésite pas à faire exécuter son fils Liudolf qui revendiquait plus d’autonomie dans son sous-royaume de Souabe. Cette politique est efficace car ses successeurs Otton II et III ne rencontrent plus d’oppositions majeures en Germanie (régence d’Otton III âgé de 3 ans à la mort de son père).

     

     

    -         Situation est à nouveau tendue par la mort d’Otton III sans héritier : tous les ducs sont des ottoniens, ils ont donc tous droits à sa succession. Le duc de Bavière Henri d’impose et cherche à détruire le pouvoir de ses cousins, et même de son gendre auquel il a transmis son duché de Bavière. Pour cela, il démantèle les duchés, appuie les seigneurs féodaux qui, dans l’Ouest et le Sud du royaume, s’autonomisent à l’image de leurs homologues occidentaux. En résulte une division durable du royaume en deux parties : un nord-est saxon où l’Etat central reste fort et canalise la noblesse grâce aux Drang nach Osten, et un sud-ouest émietté en une multitude de seigneuries. Le seul pouvoir encadrant qui y demeure et sur lequel s’appuie Henri est l’Eglise.

     

     

     

     

     

    C-    L’Eglise : le progressif établissement du « Reichskirchensystem ».

     

     

    -         Dès le règne de LG, l’Église avait été étroitement associée au gouvernement du royaume. Louis et ses héritiers s’appuyèrent toujours d’avantage sur les évêques que sur les grands laïcs et l’octroi de vastes immunités permirent à l’Église de mieux préserver son indépendance qu’à l’Ouest. Néanmoins, les droits d’élection aux évêchés passent aux ducs. Henri Ier, dans le cadre des amicitiae, va progressivement reprendre le contrôle des nominations épiscopales (sauf en Bavière où il faut attendre le règne d’Henri II).

     

     

    -         Les Ottoniens vont reprendre ce système et progressivement le renforcer et le généraliser : à partir du règne d’Otton Ier, les évêques reçoivent non seulement l’immunité, mais aussi les droits publics du comté, voire du duché (Brun de Cologne, frère d’Otton, est archevêque de Cologne et duc de Basse-Lorraine). En contrepartie, ils sont intégrés au système de la vassalité royale : ils prêtent serment de fidélité à l’empereur, qui en échange, leur remet leur crosse. Ils doivent dès lors le servitium regis, et sont donc des agents directs du gouvernement royal. C’est l’investiture, qui est progressivement remise en cause par le pape au XIème siècle. La disparition des Ottoniens coïncident avec l’essor de la papauté qui veut prendre le contrôle des élections épiscopales. Cette politique pontificale ruine ce qui avait été une des bases essentielles du pouvoir ottonien en Germanie : le Reichskirchensystem.

     

     

    Par leur politique à l’égard des ducs comme à l’égard de l’Eglise, les Ottoniens ont donc contribué à renforcer l’unité de leur royaume germanique, mais celui-ci restait malgré tout un agrégat de peuple auquel la royauté et son action seule donnait une unité.

     

     

     

     

     

    II-                Les Ottoniens en Germanie :

     

     

    Or, la royauté des Ottoniens fut d’abord saxonne, puis la transformation de cette royauté en empire universel avec les trois Ottons fit courir à la Germanie le risque de ne plus être qu’une province de l’empire. Ils surent pourtant manifester l’intérêt attendu pour ce royaume qui forma toujours le cœur de leurs possessions, et paradoxalement, son intégration dans un ensemble plus vaste contribua à renforcer l’identité de la Germanie.

     

     

    v. tableaux.

     

     

    A-     La royauté saxonne d’Henri Ier :

     

     

    B-     La royauté universelle des 3 Ottons :

     

     

    Insister surtout sur Otton Ier.

     

     

    C-    L’empire germanique d’Henri II :

     

     

     

     

     

    Conclusion partielle : V. citation de CR Brühl, p. 8.

     

     

     

     

     

    III-             Gouverner la Germanie : restauration et mise en scène du pouvoir royal : (v. docs iconographiques)

     

     

    A l’exception d’Otton III, prisonnier de ses rêves orientaux, les Ottoniens placèrent donc bien toujours la Germanie au cœur de leur préoccupation, pour la simple raison qu’elle constituait la base essentielle de leur pouvoir, sans laquelle leurs interventions extérieures auraient été impossibles. Son gouvernement fit donc l’objet de toute leur attention, et leur pratique du pouvoir associait un grand pragmatisme à une mise en scène fastueuse de leur puissance.

     

     

     

     

     

    A-     Le cœur saxon de l’empire : v. tableau.

     

     

    -         zone la mieux tenue, la mieux administrée, avec un système de fidélité très bien établi, en partie sur la terreur, en partie sur l’espoir de la récompense.

     

     

    -         D’immenses biens familiaux administrés avec soins et qui sont le fondement concret de la puissance ottonienne.

     

     

    -         Le point d’ancrage de la mémoire familiale à Quedlinburg, Querfurt, Magdeburg (sainte Lance = symbole propre aux ottoniens de la royauté).

     

     

    -         Néanmoins, avec le temps, les Ottoniens résident de moins en moins en Saxe, ils réoccupent les grands palais carolingiens d’Aix, Francfort, Ingelheim qu’ils font restaurer et agrandir, et où ont lieu les grandes cérémonies solennelles.

     

     

     

     

     

    B-     Une administration efficace :

     

     

    Duchés = base de l’administration, dont les évêques sont les rouages. Le souverain conserve seul les droits régaliens (monnaie, levée de l’armée, justice) ou ne les délègue que partiellement. Les comtes et seigneurs ont surtout une fonction militaire, au sein d’une armée levée par duché selon les besoins du moment et très vite mobilisable, puisque ses membres sont des professionnels libérés des charges de l’administration.

     

     

    Une chancellerie devenue permanente et fixe (chancelier = archevêque de Mayence), de très bonne qualité, et qui surtout émet un nombre d’actes sans précédent (2-3 par mois conservés pour les règnes des trois Ottons et d’Henri II, = ce que les Carolingiens produisent en un an au Xème siècle, v. aussi comparaison de la qualité des actes orientaux et occidentaux). 80% sont destinés à des habitants ou des institutions de Germanie, ce qui montre bien qu’elle reste au cœur des préoccupations des Ottoniens.

     

     

    Cette chancellerie est également capable, dans les grandes occasions, de produire des actes de prestiges qui manifestent vivement la puissance du souverain (dot de Théophano, qui était déposée à Aix la Chapelle)

     

     

     

     

     

    C-    La domination royale :

     

     

    Cf. miniature et commentaire p. 7 v°.

     

     

    L’importance du rituel (v. exemples manuscrits)

     

     

    ð      Machtsinszenierungprozess qui a un rôle fondateur car elle marque tous les esprits en Europe et sert de base aux cérémoniaux de cours des autres souverains.

     

     

    ð      Les Ottoniens, et surtout Otton Ier, apparaissent comme les patriarches de la famille des rois et des princes, ce qui donne à leur monarchie un caractère universel dès avant 862. (v. pentecôte 865), mais l’ancre aussi en Germanie, où leur famille tient tous les postes clés.

     

     

     

     

     

    Conclusion :

     

     

    Les Ottoniens ont été puissants d’abord parce qu’ils ont su montrer, manifester publiquement leur puissance, que ce soit dans les fastes de la cour ou dans la violence implacable exercée à l’égard de ceux qui s’opposaient à eux. Même s’ils ne parvinrent jamais à le formaliser officiellement, ils furent d’abord des souverains germaniques, qui avaient dans le royaume de Francie orientale, et plus particulièrement en Saxe, toutes les bases de leur pouvoir. Par leur tension entre royauté et empire universel, Germanie et Italie, ils annoncent plus de 8 siècles d’histoire de l’Empire Romain Germanique dont ils sont les fondateurs. Surtout, par leur action, ils sont contribué à unifier l’espace germanique et à le séparer plus nettement de ses voisins slaves et francs occidentaux. Ainsi, en 1024, commence à naître l’idée d’un pays des Tudesques (Teutschland), même si paradoxalement, la disparition du dernier des Ottoniens amorçaient une période de morcellement politique dont l’Allemagne ne sortirait qu’en 1870.

     

    Les Ottoniens en Germanie

     

     

     

    Nom

     

    Origine saxonne

     

    % du temps de règne passé en Germanie

     

    Henri Ier

     

    100 %

     

    100 % (dont Saxe 90 %)

     

    Otton Ier

     

    100 %

     

    75 % (dont Saxe, Franconie et Lorraine 80 %)

     

    Otton II

     

    50 % (franque 50 %)

     

    75 % (dont Saxe, Franconie et Lorraine 75 %)

     

    Otton III

     

    25 % (franque 25 %, grecque 50 %)

     

    40 % (dont Aix 50 %)

     

    Henri II

     

    50 % (franque 25 %, bavaroise 25 %)

     

    93 % (dont Franconie 40 %)

     

     






    Philippe II Auguste (1180-1223) et le renouveau du pouvoir royal

    12/03/2007 00:11

    Philippe II Auguste (1180-1223) et le renouveau du pouvoir royal


    Illustration ; sceau en majesté de Philippe Auguste (c. 1180).Légende : Philippus Dei gratia Francorum rex. C'est à partir du règne de Philippe Auguste que se pose le problème de la traduction de ce titre : faut-il garder la forme "roi des Francs" ? ou traduire "roi de France", en adoptant le titre que lui donne les sources rédigées en Ancien Français ?

    Analyse du sujet :

     

                Le but de ce sujet était de vous amener à dépasser le simple niveau de l’histoire politique pour saisir comment ce qu’il est convenu d’appeler « un grand règne » ne peut en rien être attribué à la seule action d’un homme et de son entourage. Si cette action existe, si elle est rendue possible et efficace, c’est qu’un ensemble d’éléments, d’axes d’évolution de la société convergent dans cette période, que ce(s) hommes ont su exploiter, mais sans lesquels leur politique serait resté à l’état de vœux pieux.

                Le règne de Philippe Auguste est considéré, depuis que l’on a commencé à faire de façon systématique, au XIX° siècle, l’histoire de la France, comme une étape essentielle de celle-ci, moment de création de l’ « unité nationale » pour Michelet, moment de maturation des institutions politiques pour Fustel de Coulanges… Mais au-delà de cette vision positiviste de l’histoire, centrée sur les possesseurs du pouvoir et le primat du politique, cette période constitue un « moment » privilégié où les différentes forces qui avaient traversées la société du XII° siècle arrivent à maturation et convergent pour créer de nouvelles dynamiques. C’est donc tout le contexte socio-économique d’une France en plein essor agricol, urbain, démographique et économique, d’une France où naissent et se fortifient les universités et où fleurit la littérature de court qu’il fallait ici s’intéresser, pour comprendre comment Philippe Auguste sait utiliser au mieux la situation pour raffermir la royauté et affirmer ses droits face aux grands vassaux, au premier rang desquels le Plantagenêts, mais aussi pour forger de son vivant même l’image du règne brillant d’un roi digne des « augustes » (empereurs) de l’antique Rome.

     

    Introduction :

     

     

                Qu’a retenu l’histoire de Louis VII « le Jeune » ? Qu’en répudiant Aliénor, il livra pour quatre siècle l’Aquitaine aux Anglais (idée par ailleurs contestable) ? Ou bien qu’il échoua lamentablement lors de la 2° Croisade, incapable d’atteindre Jérusalem, alors que la même Aliénor, déjà, le ridiculisait entre les bras du roi de Chypre ? Qu’il lui fallut plus de trente ans et trois mariages avant de pouvoir donner un héritier à la couronne de France ?  Face au bilan traditionnellement attribué à son père, le règne de Philippe II Auguste ne pouvait que difficilement ne pas paraître brillant. Pourtant, lorsqu’il accède au trône en 1180, la situation est loin d’être mauvaise : habilement conseillé par Suger de Saint-Denis, avisé dans la gestion de son domaine propre, Louis VII laisse à son fils un pouvoir royal au moins bien assuré sur tout l’espace qui, de Meaux à Orléans et de Sens à Compiègne, en constitue le cœur. Si son pouvoir est encore restreint, le droit du roi est reconnu par tous ses vassaux, y compris par la Plantagenêt Henri II, qui tout roi d’Angleterre qu’il est, vient sagement prêter hommage pour la Normandie, l’Anjou et l’Aquitaine au nouveau roi. Et ce pouvoir est désormais mieux assuré que celui de l’empereur germanique, si bien que Louis VII le premier peut affirmer haut et fort que le roi « des Francs » est « empereur dans son royaume ».

                Cet héritage solide qu’il a reçu, Philippe s’emploie à la faire fructifier, en habile politique plus qu’en vaillant guerrier, sachant pragmatiquement exploiter toutes les occasions qui s’offre à lui : à sa mort, 32 ans après son avènement, il laisse à son tour à son fils Louis VIII, un domaine royal dilaté, mieux géré et administré, libéré de la menaçante étreinte du Plantegenêt et du Champenois, mais aussi une France prospère, dont les foires accueillent les commerçants de toute l’Europe, une France qui s’orne de la plus grande ville de l’Occident chrétien qui est aussi son Université la plus réputée : Paris, dont le roi a fait, sinon sa capitale, sa principale résidence.

                Pourquoi ce long règne de plus de quarante ans a-t-il ainsi permis la transition définitive de l’ordre seigneurial à la monarchie féodale dans un contexte économique et intellectuel florissant ? Quel lien établir entre renouveau du pouvoir royal et expansion du domaine ? Les réponses sont à chercher dans la maturité qu’atteint alors la société féodale dont les forces convergent pour faire de cette période un grand moment de l’histoire de France.

     

                Ce sujet ne se prêtait pas à l’établissement d’un plan type. Sa richesse même rendait possible de lui appliquer les trois types de plans existant en histoire :

    Chronologique : montrer comment le renforcement du pouvoir royal puis l’extension du domaine royal sous Philippe Auguste peuvent apparaître en phase avec les évolutions contemporraines de la société :

    I-                   Débuts difficiles et premiers efforts d’organisation : entre Plantagenêts et Champenois (1180 – 1199).

    II-                La reprise en main du royaume (1199 – 1215).

    III-              Du vainqueur de Bouvines au roi Auguste : la construction de la légende (1215-1223).

     

    Thématique : a travers trois grands thèmes envisageant les aspects politiques, économiques et culturels du règne, il était possible de montrer son importance dans la constitution et la maturation des grandes spécificités de ce qui est en train de devenir définitivement la France.

    I-                   Le premier « roi de France » :

     

    A-     Un roi vainqueur : de Boves (1185) à Bouvines (1215).

     

    B-     Un effort sans précédent d’unification et d’accroissement du domaine royal.

     

    C-    L’organisation du royaume : la naissance de l’administration ?

     

     

    II-                « Temps d’équilibre » (M. Bourrin) : l’apogée du « beau XII° siècle » :

     

    A-     Un royaume prospère.

     

    B-     Villes et foires.

    C-    Et le dynamisme passa du côté des Capétiens…

     

     

    III-              Le printemps du Moyen Age : « Renaissance » culturelle et naissance de la pensée politique :

     

    A-     Paris, première université d’Occident.

     

    B-     Scolastique et art gothique : penser l’unité.

     

    C-    L’autonomisation du politique et l’exaltation du souverain.

     

     

    Dialectique : Selon une méthode proche de celle de la sociologie et des sciences politiques, il s’agissait d’opposer les aspects purement institutionnel (conquêtes, administration, politique générale…) aux éléments d’évolution de la société pour aboutir à un point de vue plus nuancer sur le règne de Philippe Auguste, prenant en compte la construction de son vivant même, d’une « légende dorée» de ce règne, et l’équilibre qui a existé entre les forces sociales, incapables à elles-seules d’imposer les modifications politiques qui l’ont marqué, et l’action politique du souverain, vouée à l’échec sans le relais de la société.

                Dans le cas présent, il s’agissait donc de dépasser l’opposition entre le « tout politique » des positivistes et le « tout économique » de la « nouvelle histoire » (qui n’est plus toute jeune, finalement), notamment en introduisant les apports récents de l’anthropologie historique et de l’histoire des mentalités.

    (N.B. : pour les deux premières parties, j’ai retenu volontairement une analyse « braudélienne » de la situation, car en tout état de cause, on ne peut se satisfaire d’une histoire des batailles et de la cours. Seule la dernière partie est entièrement rédigée, les éléments contenus dans les deux premières pouvant facilement se retrouver dans un manuel ou ayant déjà fait l’objet de développement en TD).

     

    I-                   Thèse : « L’écume de l’Histoire » (F. Braudel) :

     

    Il s’agit ici de rappeler les grandes étapes politiques et guerrières du règne de Philippe Auguste, autant d’événements qui contribuent à la construction d’un « grand règne » mais qui ne saurait suffire à l’expliquer.

    A-     Un habile politique : la mise au pas des barons.

     

    Ex : la mise à l’écart des Champenois, la reprise en main de la Flandres, la confiscation de la Normandie et du Berry à Jean Sans-Terre, le soutien à la croisade des Albigeois qui lui permet de reprendre pied au sud de la Loire.

    B-     Un roi victorieux : Montfaucon, Châteaugaillard, Bouvines.

     

    Ex : les deux sièges et la bataille cités dans le titre, qui assurent à Philippe Auguste des victoires définitives sur ses adversaires et lui valent son surnom.

    On pouvait aussi évoquer la participation aux croisades au côté des autres grands souverains occidentaux, même si son action dans ce cadre fut peu glorieuse.

    C-    L’extension du domaine royale et son administration.

     

    Ex : La création des premiers baillages et sénéchaussés, la création d’archives centralisées au Louvres et l’organisation de Paris comme ville capitale (murailles, 1° rues pavées, réorganisation du Palais de l’Île de la Cité), la création de la taille royale et de la cours des comptes.

                Mais tous ces éléments disparates sont le résultat d’un grans règne et pas sa cause. Il faut chercher les explications dans la maturation de la société féodale.

     

    II-                Antithèse : Le fruit des évolutions sur un « temps long » :

    En prenant le contre-pied de ce qui précède, il était possible d’expliquer ici que toutes l’action politique de Philippe Auguste ne fait qu’enterriner des évolutions socio-politiques à l’œuvre depuis le début du XII° siècle.

    A-     Un dynamisme économique qui joue en faveur du roi :

     

    Ex : règne de Philippe Auguste coïncide avec phase des grands défrichements en Île-de-France, le roi sait détourner à son profit les revenus des grandes foires et de l’essor urbain, notamment en monnayant sa protection ou ses franchises.

    B-     L’affaiblissement économique des seigneurs :

     

    Le XII° siècle voie une baisse au moins relative des revenus seigneuriaux. Au moment où Philippe Auguste monte sur le trône, les états Plantagenêts ont atteint leur maximum de défrichement et vont connaître une croissance économique plus lente, car ils sont à l’écart des grands flux commerciaux européens, concentrés sur l’axe Rhin-Champagne-Rhône, dont le roi reçoit au contraire les retombées. Cela expliquerait que les Capétien reprenne l’avantage sur la Plantagenêt.

     

     

    C-    Le renouveau des pouvoirs englobants :

     

    Ex : essor de la papauté, structuration forte de la monarchie féodale en Angleterre. L’époque est à une reconcentration des pouvoirs, du fait de la disparition des grands dangers (invasions, exactions) et de l’amélioration des communications. Le renouveau du pouvoir royal français s’inscrit donc dans un contexte européen général.

                Mais ces explications apparaissent à leur tour insuffisantes : comment expliquer la main-mise sur les sources de revenus sans recourir à la politique ? Le liens entre amélioration des communications et structuration de l’administration est évident et l’un ne va pas sans l’autre. De plus certaines sont contradictoires : les Plantagenêts, affaiblis en France, restent puissants en Angleterre (!), l’affaiblissement chronique du pouvoir impérial en Germanie contredit l’idée d’un renforcement global des pouvoirs englobants.

                Toutes ces explications sont donc à nuancer.

     

    III-              Synthèse : une étape essentielle de l’histoire de la France :

    Si le règne de Philippe Auguste constitue une étape essentielle de l’histoire de la France, c’est précisément parce qu’il constitue un moment particulier où, dans un contexte de stabilité du pouvoir (un règne de quarante ans), l’action politique volontariste et les évolutions de la société se conjuguent pour créer les conditions d’une amélioration générale de la situation.

    A-     Le renouveau de la pensée de l’unité :

    Ex : la pensée scolastique qui cherche à pensée l’Un = Dieu, l’art gothique, unifié dans sa conception (plan modulaire : un module de base est reproduit à l’identique pour donner sa structure à l’édifice), et dont l’extension, à partir du règne de Philippe Auguste, est parrallèle à l’unification et à l’expansion du domaine royal.

    Cette pensée à des répercution dans le domaine politique, du fait de l’entrée de clercs issus de l’université dans l’entourage du roi : unification de l’Université de Paris, qui reçoit des statuts uniques, centralisation des instances du pouvoir, concentrées à Paris, même quand le roi en est absent. Enfin, le royaume est définitivement perçu comme une unité, et Philippe, le premier, prend dans quelques chartes de la fin de son règne, le titre de « roi de France », et plus de roi des Francs.

    B-     Une mutation du politique :

    La territorialisation du pouvoir amorcée sous Louis VI et Louis VII trouve donc sous leur héritier une expression concrète.

    Tout cela traduit une mutation majeure, qui s’amorce sous Philippe Auguste : le pouvoire change de nature. Même si il reste personnalisé à travers le roi et ses relations avec les grands, toujours fondées sur les alliances familiales, il est aussi de plus en plus désincarné, représenté symboliquement par des instances juridiques ou adminitratives (baillis, sénéchaux, cours des comptes) qui contribuent à sa personnalisation. A travers les services du Louvres et du Palais, le roi est toujours présent à Paris, même s’il n’y réside pas physiquement.

    Parrallèlement, la politique s’autonomise du religieux : l’interdit jeté sur le royaume par le pape après la répudiation d’Ingeburge n’eut pas l’effet désastraux des précédentes sanctions pontificales prononcées contre un souverain, soudant au contraire le royaume autour de son roi injustement condamné. De même, autour de 1215, Philippe sait habilement utiliser ses relations avec Rome pour s’imiscer dans la politique intérieure de l’Empire, utilisant ses liens avec le pontificat comme n’importe qu’elle alliance diplomatique.

     

    C-    La conscience de vivre une grande époque :

    L’efficacité politique, le rayonnement des arts et de la pensée, la prospérité économique donnent aux contemporrains de Philippe Auguste la sensation de vivre une époque exceptionnelle, et ils en témoignent dans leurs écrits.

    Ainsi, Philippe est le premier roi de France à être glorifié de son vivant par des historiographes qui, autour de Saint-Denis, œuvrent à son prestige : Rigord (qui crée l’épithète d’Auguste) puis Guillaume le Breton chantent les louanges du « grand roi », signalent ses hauts faits et forgent la légende d’un grand règne avant tout dû à la personnalité exceptionnelle du souverain, en gommant le comportement peu glorieux de Philippe à la Croisade ou en minimisant ses démêlés conjuguaux avec la papauté.

               

     

    Conclusion :

     

    Or, même s’il faut reconnaître qu’un roi fallot n’aurait sans-doute pas accomplit une telle œuvre, les succès du règne sont aussi à mettre au crédit d’un entourage avisé et d’une situation propice à leur réalisation. La maturation de la société féodale à la fin du XII° siècle permet à Philippe Auguste d’en concentre toutes les forces entre ses mains pour commencer à construire quelque chose de nouveau. A sa mort, un petit Louis a cinq ans. Ce petit-fils, Philippe est le premier des Capétiens qui ait vécu assez longtemps pour connaître ses petits-enfants, reprend vingt ans plus tard avec plus de force son projet, et s’attribue définitivement ce titre qu’il avait été le premier à porter : rex Franciae, roi de France. Que ce petit Louis soit devenu saint, c’est une autre histoire…

     






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